« La Littérature française dans ses rapports avec les littératures étrangères au Moyen Âge » : différence entre les versions

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{{journal|La littérature française dans ses rapports avec les littératures étrangères au moyen âge|[[Auteur:Jean-Jacques Ampère|Jean-Jacques Ampère]]|[[Revue des Deux Mondes]]T.1, 1833}}
 
 
==__MATCH__:[[Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/28]]==
 
(1)<div style="text-align:center;"><ref>Discours d’ouverture. M. J.-J. Ampère a ouvert ce cours de littérature comparée, le 17 décembre, à la Sorbonne ; nous ne manquerons pas de suivre notre jeune professeur dans ses brillantes et ingénieuses expositions, et lui-même nous fournira sans doute les moyens de reproduire dans la ''Revue'' quelques-unes de ses leçons. (N. du D.)</ref></div>
<div style="text-align:center;">Discours d’ouverture.</div>
 
 
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En outre, partout s’élève une littérature latine, contemporaine et rivale des littératures vulgaires. L’idiome qu’elle emploie est celui de l’église, de la science, des affaires ; et l’on peut dire que la littérature latine, au moyen âge, est une littérature morte dans une langue vivante.
 
Passant aux impressions que notre langue et notre littérature ont pu garder de l’ancien état des peuples germains, nous trouverons qu’elles se bornent à de faibles vestiges, d’autant plus importans à recueillir qu’ils sont plus rares. D’où nous viennent donc, messieurs, les matériaux de notre littérature, et principalement de la poésie chevaleresque qui en forme, au moyen âge, la partie la plus considérable ? Doit-elle quelque chose aux traditions celtiques de la vieille Gaule, ou à des légendes originaires du pays de Galles et de la Bretagne ? Serait-il vrai que le chant des trouvères fût un dernier écho de la harpe des bardes ? Et si ces origines de la muse française sont trouvées mensongères, qu’a-t-elle emprunté de la muse provençale, sa sœur aînée, qu’elle a trop fait oublier ? Depuis le cours que M. Fauriel a professé dans cette faculté<ref>Voyez (2)la première série de la ''Revue des deux mondes'', dernier trimestre de 1832, où se trouve imprimé le cours de M. Fauriel.</ref>, on ne peut plus douter que les poètes de la France méridionale n’aient raconté, avant leurs frères d’Artois ou de Normandie, dans des épopées en partie perdues, toutes ces aventures de chevalerie qui ont fourni aux poètes de la France du nord le sujet d’intarissables récits. Quand vous verrez, messieurs, à quel point l’Europe entière s’est empressée d’adopter ces récits et de les reproduire, vous sentirez mieux avec quelle gravité se présentait la question de leur origine, et de quelle importance est la solution si neuve et si satisfaisante que M. Fauriel en a donnée.
 
Jusqu’ici nous n’avons parlé que de l’Occident : il faut présentement tourner notre vue d’un autre côté. Tandis que la langue française se formait laborieusement des débris de la langue latine, tandis que la chevalerie naissante mêlait quelque générosité et quelque enthousiasme aux violences de la féodalité, et que la littérature tentait d’associer aux souvenirs altérés de la civilisation antique les sentimens incomplets de la société nouvelle, l’Orient, qui avait eu aussi ses révolutions, et que Mahomet avait renouvelé ; l’Orient, ce vieux monde, berceau du nôtre, continuait de rouler dans son lointain orbite, avec ses traditions, ses apologues, ses contes sans nombre, et toutes les éblouissantes merveilles de son ciel et de sa poésie. Le temps venu où il devait donner la main à l’Occident, la littérature française, jeune encore et naïve, avide d’émotions, curieuse de récits, s’avança au-devant de lui, et le rencontra par plus d’un endroit : le génie arabe atteignit la Provence à travers l’Espagne. Les Juifs, qui étaient entre les peuples les courtiers des idées aussi bien que des richesses, importèrent dans le midi de la France, avec l’étude de la médecine, une foule de notions orientales ; vinrent les croisades, où les Français parurent aux premiers rangs, car ce n’est pas sans motif que le nom de Franc fut donné à tous ces guerriers aventureux qui allaient combattre pour la cause de la civilisation, en croyant ne suivre que l’étendard de la foi. Le but des hommes dans ces guerres leur échappa ; il fallut abandonner aux infidèles le saint tombeau, et Jérusalem fut perdue. Mais Dieu n’avait pas en vain rapproché l’Europe et l’Asie dans les longues étreintes de cette lutte de deux siècles. Je parlerai seulement de notre poésie, que semble alors illuminer un rayon du soleil d’Orient. Souvenons-nous aussi, messieurs, que nos croisés s’étaient laissé distraire, en passant, par la fantaisie de s’asseoir tout éperonnés sur le trône impérial de Constantinople. Vous savez en quelle admiration les jeta la rencontre qu’ils firent, aux extrémités de l’Europe, d’une ville si supérieure à tout ce qu’ils connaissaient par les restes de ses arts et la majesté de ses monumens. Constantinople était alors comme la porte magnifique de l’Orient. Par là durent encore nous être apportés de nombreux aliment pour notre poésie. - Mais avant ces pélerins armés, empereurs de Bysance, ducs d’Athènes, princes d’Antioche ou de Galilée, d’autres plus obscurs et aussi hardis, cheminant dans l’ombre, se glissant à travers les obstacles et les périls d’un monde presque inconnu, avaient traversé la Syrie et salué la Palestine. Une foule de Français entreprirent ces pieux voyages et les racontèrent au retour dans leurs itinéraires ; nom qu’on ne peut rencontrer à cette époque de la littérature française, sans penser involontairement à sa plus grande gloire dans le siècle où nous, vivons ! Le commerce, l’esprit d’aventures, les ambassades des papes, des rois de France auprès des princes mahométans et surtout des chefs tartares, toutes ces causes et mille autres poussèrent vers l’Asie une foule d’hommes de toute condition, des moines, des artisans, des prêtres, des soldats. - Que d’histoires, de légendes orientales durent voyager alors avec cette foule vagabonde ! Combien durent être rapportées sous le toit natal et redites au foyer rustique ou sous la cheminée du manoir, qui avaient été contées la première fois au désert, sous les tentes, près des fontaines ! - Et nous, messieurs, dans ce cours, nous remonterons à la source de ces traditions venues de si loin ; nous irons, jusqu’aux bords du Gange, chercher la patrie de ces fables que se sont passées de main en main l’Inde, la Perse, l’Arabie ; que des Juifs ont traduites en hébreu, en grec et en latin ; qui, tombées enfin dans le domaine de la littérature vulgaire, sont devenues le patrimoine commun des diverses nations de l’Europe, et dont la France, une des premières, a recueilli l’héritage.
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JEAN-JACQUES AMPEREAMPÈRE.
(1) M. J.-J. Ampère a ouvert ce cours de littérature comparée, le 17 décembre, à la Sorbonne ; nous ne manquerons pas de suivre notre jeune professeur dans ses brillantes et ingénieuses expositions, et lui-même nous fournira sans doute les moyens de reproduire dans la ''Revue'' quelques-unes de ses leçons. (N. du D.)
 
(2) Voyez la première série de la ''Revue des deux mondes'', dernier trimestre de 1832, où se trouve imprimé le cours de M. Fauriel.
 
 
JEAN-JACQUES AMPERE.
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