« La Population des deux mondes » : différence entre les versions

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confins tracés par ce dernier géographe, nous avions estimé sa population à 360 millions. Pour comparer notre évaluation avec celle des autres géographes, il faut ajouter la population de la Malaisie (Archipel Indien) et celle de toute la Russie d’Europe, que les auteurs allemands placent en Asie. D’après les calculs de Hassel, et d’après sa manière de tracer les limites orientales de l’Europe, il faudrait ajouter 31 millions à notre évaluation, ce qui ferait 391 millions. Les recherches que nous avons faites depuis, pour connaître la population des différens états de l’Asie, nous ont engagé à modifier nos premiers calculs et à porter à 390 millions la population totale de cette partie du monde, dans les nouveaux confins que nous lui avons assignés; c’est-à-dire, en retranchant de l’Asie toute la Malaisie, et tous les pays situés à l’ouest de l’Oural, et au nord de la chaîne du Caucase. Nous allons maintenant exposer les bases qui nous ont servi pour obtenir cette somme, en déterminant, d’une manière approximative, d’après des recherches spéciales et des raisonnemens appuyés sur des faits, la population absolue des principaux états de l’Asie. Nous commencerons par l’Asie ottomane.
 
Peu de contrées de l’Asie ont été plus souvent visitées par les voyageurs que l’Asie Ottomane. Cependant, on est encore réduit à de simples conjectures sur tout ce qui concerne le nombre de ses habitans. En ne tenant aucun compte de l’opinion de M. Took, qui, d’après des estimations aussi vagues qu’exagérées, accordait, vers le commencement du 19e
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du 19e siècle, 36 millions à cette partie de l’empire ottoman, et en rejetant les estimations d’autres auteurs qui la portaient encore à 25 millions, ainsi que celle de Eton, et de Bruns, qui la réduisaient, contre toute vraisemblance, le premier à 9 millions, et le second à 8, nous nous bornerons à citer les évaluations des auteurs suivans. Elles diffèrent peu entre elles, et, tout bien pesé, elles nous paraissent mériter la préférence sur toutes les autres. Liechtenstern estimait la population de l’Asie ottomane à 11,450,000, Malte-Brun, à 11,300,000, Galletti, à 11,090,000, Hassel, à 11,064,000, Grâberg, à 11,000,000. Eu égard au grand nombre de ville populeuses, que contient cette partie d el’Asie, à la population assez concentrée qu’on rencontre le long des côtes occidentale et nord-ouest de l’Anatolie, dans plusieurs parties de l’Arménie, et le long de l’Oronte, du Tigre, de l’Euphrate et d’autres localités, nous avons cru, dès l’année 1816, qu’on pouvait lui assigner 12,000,000 d’habitans. Dans la plaine de Chiflik, M. Morier crut se trouver au milieu d’un des plus rians paysages de l’Angleterre. En général, tous les cantons montueux de cette partie de l’Asie sont assez fournis d’habitans. Néanmoins nous cdroyons qu’à l’égard des Druses et des Maronites, Volney a exagéré leur nombre, en portant ceux-ci à 150,000, et les Druses à 120,000; les évaluations postérieures de M. Corancé, qui les réduit à 106,000, et à 70,000 nous paraissent plus probables. Dans la ''Balance politique du globe'', nous avons estimé la totalité des habitans de l’Asie ottomane à 12,500,000,
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parce que nous y avons compris la partie de l’Arabie, qui dépend médiatement ou immédiatement du grand-seigneur.
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Malgré le grand nombre de descriptions et de voyages publiés sur les contrées qui s’étendent depuis l’Euphrate jusuq’à l’Indus, il faut avouer qu’on ne sait absolument rien de positif sur leur population. Les évaluations des indigènes, des voyageurs et des géographes sont tellement différentes entre elles, que tout calcul moyen devient absolument illusoire. En effet, comment prendre la moyenne entre les 200 et les 60 millions d’habitans auxquels la portent les indigènes, et entre les 20 et les 3 millions auxuqels Gardanne et Olivier, réduisent la population de toute la moitié occidentale de cette contrée? Il serait absurde de donner maintenant à
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la Perse les 40 millions qu’elle pouvait à peine nourrir à l’époque de Chardin. Mais à l’égard du royaume d’Iran ou de la Perse occidentale, devons-nous ademettre les 20 millions du général Gardanne, les 19 millions de Bertuch, les 18 à 20 millions de Macdonald Kinneir, les 18 millions et les 13 millions et demi de Hassel, ou bien préférer les 7 millions de M. Jaubert, et les 6 millions de Pinkerton et de Malcolm? En réfléchissant à la grande destruction d’hommes causée par les guerres qui ont désolé ces malheureux pays pendant presque tout le dix-huitième siècle, aux suites des discordes et des guerres, qui depuis quelques années, agitent le royaume de Caboul, à la faible population remarquée déjà par le père Pacifique, vers la moitié du dix-septième siècle, et aux vastes déserts qui occupent une partie si considérable de la superficie de cette région, ainsi que le grand espace qu’exisge le genre de vie des peuples nomades qui le parcourent dans tous les sens, nous croyons qu’on ne s’éloignerait pas beaucoup de la vérité si on lui assignait 17 millions d’habitans. Dans cette somme, 9 millions appartiennent au royaume de Perse proprement dit. Ce nombre ne paraîtra pas fort, si l’on pense que les tribus nomades de ce royame, estimé par M. Macdonald Kinneir est plus de la moitié de la population, n’en forment plus actuellement que le tiers, selon M. Le colonel Drouville. Cet habile officier fait observer, à cette occasion, que plusieurs d’entre elles se sont
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finitivementdéfinitivement établies à demeure fixe dans des villes et des villages qu’elles ont construits, par ordre du roi régnant, sur les terres qu’elles occupent depuis long-temps en vertu de concession. A l’égard de la Perse orientale, nous remarquerons que MM. Christie et Pottinger ont trouvé dernièrement couverts de villes et de villages, ou parcourus par de nombreuses tribus nomades, de vastes espaces que les géographes regardaient depuis long-temps comme la continuation des déserts qui couvrent une partie si considérable de cette région. Nous croyons donc qu’on ne trouvera pas exagérée la population de 6 millions que nous avons donnée au royaume actuel de Caboul. Elle est sûrement plutôt au-dessous qu’au-dessus de sa population réelle que, contre toute probabilité, nous voyons réduite à 3 millions, par le savant M. Stein, et par plusieurs autres géographes.
 
Depuis la moitié du dix-huitième siècle, les voyageurs et les gouvernemens européens qui dominent sur l’Inde ont rassemblé et rassemblent continuellement des matériaux pour rédiger la statistique de cette vaste contrée. Les géographes et les statisticiens ont dressé depuis plusieurs années des tableaux détaillés de la population de ses villes, de ses districts, de ses provinces et de ses royaumes; mais au milieu de cette richesse illusoire de matériaux, le géographe se tromperait fort s’il croyait avoir les moyens de déterminer avec précision le nombre des habitans de l’Inde. Les cent millions que lui accordait Süssmilch, et les évaluations de Raynal,
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de Raynal, ne sont et ne pouvaient être que des conjectures, vu l’époque où ces auteurs écrivaient. L’évaluation de M. Le Goux de Flaix, qui estimait, il y a quelques années, la population de l’Inde à 184 millions, est extraordinairement exagérée; celle de M. Collin de Bar, qui, dans son ''Histoire ancienne et moderne de l’Inde'', publiée à Paris, en 1815, la portait à 364 millions, est absurde. On ne doit donc tenir aucun compte des évaluation de ces derniers auteurs; elles ne méritent pas même l’honneur d’une réfutation. D’après les calculs approximatifs du célèbre major Rennel, qui ont servi de base aux évaluations faites plus tard par le savant Graberg et par Bertuch, la population de l’Inde serait au-dessous de 95 millions, tandit qu’elle s’éleverait au-dessus de 100 millions d’après ceux de Canning, à 110 d’après l’évaluation de Orme et même à 120 millions d’après un calcul moyen fait par M. Lindner. Ce sont ces calculs qui ont servi de base à toutes les estimations des géographes anglais, français et allemands; elles ont pour elles des probabilités, quoiqu’elles ne puissent être encore que des conjectures, puisque, comme le dit positivement M. Hamilton, dans son ''East-India Gaztteer'', ce n’est que sous l’aministration du marquis de Wellesley, en 1801, qu’on s’occupa sérieusement de connaître la population de l’Inde soumise aux Anglais. Mais l’aversion des naturels pour tout ce qui a seulement l’apparence d’innovation; la crainte d’être plus immédiatement soumis à l’administration;
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celle d’être plus fortement imposé; l’incapacité de plusieurs indigènes pour s’acquitter convenablement d’un travail qui exige beaucoup de soin et d connaissances; enfin les nombreuses subdivisions, l’isolement des castes et des tribus, la diversité du langage, la confusion et les lacunes qui résultaient nécessairement de toutes ces causes, rendirent extrêmement imparfait ce premier essai. Les tableaux dressés par les magistrats de chaque district offrirent une différence énorme, comparés au tableau correspondant, dressé par le receveur; et l’un et l’autre restèrent infiniment au-dessous, dans leur estimation respective des résultats obtenus postérieurement par M. Francis Buchanan dans les mêmes districts. Le tableau ci-dessous offre ces discordances; ce sera un exemple d’après lequel tout lecteur impartial pourra juger du degré de confiance que peuvent mériter les calculs relatifs à la population des contrées situées hors d’Europe, que les voyageurs, les géographes et les statisticiens nous rapportent minutieusement à l’appui de leurs opinions.
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Après ce que nous venons d’exposer, il serait aussi inutile que ridicule d’exiger une précfision mathématique en traitant d’un sujet qui offre tant de vague, et dans lequel l’erreur peut s’élever à quelques millions. Cependant nous ferons observer que l’examen des changemens politiques arrivés dans ces dernières années, dans différentes parties de l’Inde, nos propres recherches et celles de M. Hassel nous ont engagé à faire plusieurs modifications dans tout ce qui concerne les détails relatifs au nombre d’habitans de cette région.
 
La population de l’INDO-CHINE offre encore plus d’incertitude que celle de l’Inde proprement dite. Nous commencerons par l’EMPIRE BIRMAN, dont la population a été estimée dernièrement depuis 3 jusqu’à 33 millions. Vouloir prendre la moyenne entre ces deux évaluations, serait chercher la vérité dans l’erreur. Pour obtenir quelque approximation raisonnable sur le
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sur le nombre des habitans de cet empire, il faut d’abord mettre de côté toutes les opinions évidemment erronnées soit en plus, soit en moins. Outre les deux que nous venons d’énoncer, nous écarterons d’abord les évaluations du missionnaire Judson et du major Symes, qui accordaient l’un 20 et l’autre 17 millions à l’empire birman; ensuite celles de M. Hamilton, qui lui en assigne de 8 à 10, et celle de Wallace et d’Hiram Coxe qui s’accordent à la porter à 8 millions.
 
Mais tous ces calculs, ayant été faits sur des bases vagues et inexactes,ne pouvaient donner que des résultats aussi peu sûrs que discordans. C’est ainsi que la Gazette officielle de Calcutta rapportait, il y a quelques années, que l’empereur ayant voulu se faire une idée de la population de ses états, somma chaque ville et chaque village de son empire, de lui fournir un soldat, et que tous ces soldats réunis formèrent une armée de 8000 hommes. Partant de cette base, et accordant à chacun de ces 80000 lieux, l’un portant l’autre, 200 maisons, le rédacteur de la Gazette trouvait un total de 1,600,000 maisons qui, à sept individus chaque, formait une population de 11,000,000 d’ames, nombre qu’il trouvait encore bien faible pour l’étendue de l’empire birman. Mais ce calcul est très erronnée, en ce qu’il est basé sur deux coefficiens, qui sont évidemment exagérés. Nous pourrions citer plusieurs exemples à l’appui de notre assertions; mais nous nous bornerons au suivant qui nous paraît très décisif. M. Thomas Monro, d’après un relevé exact fait en 1816, ayant trouvé
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Abel Rémusat, en additionnant le ''minimum'' de la population assignée à chaque province, par le ''Taï-thsing-y toung-tchi : 140,000.000 habitans.
 
 
Kalproth,
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Kalproth, d’après un recensement fait en 1790 : 142,326,734.
 
Amiot, d’après le recensement de 1743, mais en regardant ce nombre comme la moitié de la population existante : 142,582,446.
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Dès l’année 1808, au début même de notre carrière géographique, nous n’avons pas hésité à rejeter
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comme inadmissible l’évaluation de lord Macartney. Si la Chine, disions-nous, a plusieurs provinces très fertiles, très bien cultivées et très peuplées, elle en a aussi plusieurs autres qui sont stériles, peu habitées et où l’agriculture est négligée. Des espaces considérables de sa surface sont couverts de marais et sut son territoire vivent plusieurs peuplades plus ou moins sauvages qui ont besoin d’un grand espace pour y trouver leur nourriture. En comparant sa superficie à celle de l’Europe occidentale, nous trouvions qu’on ne saurait lui accorder raisonnablement une population relative beaucoup au-dessous de celle de cette dernière. C’est appuyé sur ces raisonnemens que nous lui avons donné 150 millions, lorsque les Guthrie, les Pinkerton et autres géographes s’accordaient à porter sa population au-delà de 333 millions ; les recherches que nous avons faites depuis, et les faits importans publiés dernièrement sur ce sujet, ont constaté la justesse de nos conjectures, et nous ont confirmé dans notre opinion. Seulement nous sommes d’avis que, pour avoir le nombre actuel des habitans de la Chine proprement dite, il faudrait lui assigner une population de 165 millions; d’abord parce que les classes qui ne figurent pas dans les recensemens sont très nombreuses, et ensuite parce qu’il est improbable, pour ne pas dire absurde, de supposer stationnaire durant trente huit ans la population d’un pays qui pendant cette longue période n’a éprouvé ni de très grandes disettes, ni de mortalité extraordinaire, ni de guerre
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guerre civile et étrangère d’aucune importance ; et cela, lorsque cette population vit sur un sol en grande partie bien cultivé et sous un climat généralement salubre.
A l’égard de la population des autres parties de l’empire chinois, nous croyons que l’on pourrait la porter tout au plus à 20 millions, nombre qui paraîtra bien positif à ceux qui admettent comme des vérités, les exagérations de quelques pieux missionnaires étrangers à la statistique, ou celles qui sont dictées aux nationaux par un amour-propre mal entendu. Voici les sommes principales dont se compose notre calcul : 8 millions pour la Corée, 5 pour le Tibet et le Boutan, et 7 pour le pays des Mantchoux, la Mongolie, le Turkestan chinois, la Dzoungarie et les autres pays regardés comme faisant partie de l’empire. Ces sommes diffèrent peu de celles assignées aux mêmes pays par M Klaproth, et par le rédacteur de l’article sur la population du globe de l’''Oriental Herald''; mais elles diffèrent considérablement des chiffres adoptés depuis plusieurs années par le savant Hassel, suivi servilement sans presque jamais être cité, par la plupart des géographes. Nous croyons inutile de réfuter l’estimation du père de la Penna, qui élevait la population du Tibet à 33 millions, celle de Graberg, qui, en 1813, lui en accordait encore 25 millions, et celle de Pinkerton qui la réduisait à 500 mille habitans. Ce sont des erreurs qu’on rencontre dans les meilleurs ouvrages, à côté des vérités les plus lumineuses et les mieux démontrées, mais