« Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/199 » : différence entre les versions

Luciliou (discussion | contributions)
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
du portier et du gargotier, les ricanements des voisins, les humiliations, la dignité refoulée, les besognes quelconques acceptées, les dégoûts, l’amertume, l’accablement. Marius apprit comment on dévore tout cela, et comment ce sont souvent les seules choses qu’on ait à dévorer. A ce moment de l’existence où l’homme a besoin d’orgueil, parce qu’il a besoin d’amour, il se sentit moqué parce qu’il était mal vêtu,
du portier et du gargotier, les ricanements des voisins, les
humiliations, la dignité refoulée, les besognes quelconques
acceptées, les dégoûts, l’amertume, l’accablement. Marius
apprit comment on dévore tout cela, et comment ce sont
souvent les seules choses qu’on ait à dévorer. À ce moment
de l’existence où l’homme a besoin d’orgueil, parce qu’il a
besoin d’amour, il se sentit moqué parce qu’il était mal vêtu,
et ridicule parce qu’il était pauvre. A l’âge où la jeunesse vous gonfle le cœur d’une fierté impériale, il abaissa plus d’une fois ses yeux sur ses bottes trouées, et il connut les hontes injustes et les rougeurs poignantes de la misère. Admirable
et ridicule parce qu’il était pauvre. À l’âge où la jeunesse
vous gonfle le cœur d’une fierté impériale, il abaissa plus
d’une fois ses yeux sur ses bottes trouées, et il connut les
hontes injustes et les rougeurs poignantes de la misère. Admirable
et terrible épreuve dont les faibles sortent infâmes,
et terrible épreuve dont les faibles sortent infâmes,
dont les forts sortent sublimes. Creuset où la destinée jette un homme, toutes les fois qu’elle veut avoir un gredin ou un demi-dieu.
dont les forts sortent sublimes. Creuset où la destinée jette
un homme, toutes les fois qu’elle veut avoir un gredin ou
un demi-dieu.


Car il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se défendent pied à pied dans l’ombre contre l’envahissement fatal des nécessités et des turpitudes. Nobles et mystérieux triomphes qu’aucun regard ne voit, qu’aucune renommée ne paye, qu’aucune fanfare ne salue. La vie, le malheur, l’isolement,
Car il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites
luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se
défendent pied à pied dans l’ombre contre l’envahissement
fatal des nécessités et des turpitudes. Nobles et mystérieux
triomphes qu’aucun regard ne voit, qu’aucune renommée ne
paye, qu’aucune fanfare ne salue. La vie, le malheur, l’isolement,
l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille
l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille
qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.
qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que
les héros illustres.


De fermes et rares natures sont ainsi créées ; la misère, presque toujours marâtre, est quelquefois mère ; le dénûment enfante la puissance d’âme et d’esprit ; la détresse est nourrice de la fierté ; le malheur est un bon lait pour les magnanimes.
De fermes et rares natures sont ainsi créées ; la misère,
presque toujours marâtre, est quelquefois mère ; le dénûment
enfante la puissance d’âme et d’esprit ; la détresse est
nourrice de la fierté ; le malheur est un bon lait pour les
magnanimes.