« L’Abîme (Rollinat) » : différence entre les versions

 

 

 

<poem>

 

Comme un falot perdu dans le brouillard noclurnc.

Pour l’esprit souterrain, c’est une carapace

 

La bouche est un Protée indécis et moqueur

Et l’Énigme revêt la narine qui bouge.

 

 

L’ombre des cauchemars qui la font tournoyer

Dans ses bas-fonds d’horreur et de scélératesse.

 

 

L’abominable aveu dont la parole a peur,

Et le projette enfin sur toute la figure.

 

 

Impitoyablement surgit la Vérité

Sur ce masque imbibé de la sueur de l’âme.

 

 

 

Qu’elle consomme.

 

 

En nous elle plombe et tarit

L’illusion verte qui rit ;

 

 

Nous prédit les mauvais hasards

Des occurrences ;

 

 

Le Ciel serait si consolant,

Le corps si pur. l’amour si blanc

 

 

 

Et qui rature.

 

 

 

 

 

Le goût du crime ; Et pas un homme n’est vainqueur De ce terrible épilogueur, Espèce de crapaud du cœur

Qu’on n’a pas même le dégoût

De la souffrance,

 

 

 

Dans la Folie.

 

 

Qu’elle se déguise avec soin,

Agit, manœuvre et se promène.

 

 

 

 

L’air tranquille, amer ou joyeux,

Toutes les lueurs pour ses yeux,

Et met de l’huile à tous moments

Sur les ressorts de son adresse.

 

 

Elle étend ses contagions

Aux deux genoux de la prière.

Qu’elle ne fréquente en secret,

Car tout l’homme est le cabaret

Peut ouvrir la porte d’un cœur

Cadenassé de méfiance.

 

 

Que votre conscience aigrie

Qui suppute et qui se souvient.

 

 

 

 

Le plein midi vivace et dru

Embrasant avec son jour cru

Quand le soleil caniculaire

Se dispose à s’ensanglanter.

 

 

 

Le cauchemar vous prend la main.

 

 

Ont la solennité du cierge

Qui brûle au chevet du défunt ;

 

 

Dont le tac tac tac tac se loge

Dans tel vieux meuble on ne sait où…

Et vous vous possédez si peu

Que vous jouez ce mauvais jeu

Et par degrés l’horreur qui couve

Éclate entre vos quatre murs,

 

 

 

 

 

 

Et criez à qui vous écoute

L’humilité de votre doute,

 

 

 

 

 

 

L’Intérêt nous cloue et nous visse

Au mensonge lâche et tortu.

 

 

Elle régulateur du vice.

L’Intérêt nous cloue et nous visse.

 

 

Heureux les libérés de leur service humain ! »

- Ainsi parle et conclut la société fausse.

 

 

 

 

 

 

Entre le matin qui regarde

Et le crépuscule qui voit !

 

 

Bien clos à la clarté moucharde.

Entre le matin qui regarde !

 

 

Ou n’a-t-il autant de mystère

Que parce qu’il a plus d’instinct ?

 

 

Fait une molle sentinelle

Contre un faux regard d’amitié.

 

 

Vous n’y verrez qu"un vain fantôme

Qu’une ombre louche d’inconnu.

 

 

Pourrait-on même reconnaître

Quand il s’en ôte et s’y remet ?

Puisque pour le fond de sa geôle,

Ayant quitté les soupiraux,

Et si la conscience double

Regardait comme la vertu !

 

 

L’aspect du bien comme du crime

Reste enfoui sous ces reflets.

 

 

 

 

Ne surprendront ces regards-là

Par lesquels il dit : t Me voilà ! »

A son propre cœur qui frissonne.

 

 

On la déshabille, on la couche

Avec certain sourire.

 

 

On tue à la sainte-nitouche

Avec certain sourire.

 

 

La Perversité comme il faut

S’observe trop pour qu’elle éclate.

Le Mal Canaille est un gerfaut

Dont l’envergure se dilate

 

 

Aux ailes de loquacité,

Décochant l’aigre et le caustique

 

 

Ne te sonde pas à côté !

Tu sais bien que la vanité

Voilà pourquoi chacun pratique

La Médisance.

 

 

Et que la vertu qui nous mène

Nous oblige à tout soupçonner.

 

 

 

 

Comme d’une mauvaise atteinte,

Pèse une odeur, creuse une teinte,

Car toujours il mesure au sien

Le mensonge de son semblable.

 

 

Par des judas toujours ouverts

A la muraille de son doute.

 

 

Puisqu’il attribue à l’enfant

L’affreux savoir de la vieillesse

Enfin, le monstre se résout

A toiser le cœur de sa mère,

Une oreille sous chaque pied

Et deux yeux derrière la tète !

 

 

Et les cadavres ont moins froid

Que ce glacé de l’épouvante.

 

 

Ci-gît un cœur si vénéneux

Qu’il s’est empoisonné lui-même.

 

 

Toujours sitôt bouleversées

Dans leurs calmes toujours amers.

Qui bat l’esprit, fouille les os :

Triple torrent, triple chaos

Ce tourbillon de la démence

Dans la mort de la volonté.

 

 

 

 

Sa soudaineté de ressort

Exécute au hasard du sort

Leur donne aussi le privilège

De l’irresponsabilité.

 

 

Mais elle n’enfle et ne s’irrite

Que délibérativement.

 

 

Son fiel refoulé s’exaspère

Et se convertit en venin.

 

 

L’inasservissable ferment

De la Rancune et de la Haine.

 

 

 

Dans l’atmosphère.

 

 

 

Sans désir, sans remords ni pour,

 

 

Par ce tourbillon clandestin

Qui le disperse,

 

 

 

 

De son angoisse.

 

 

De sa pensée.

 

 

 

Les hommes ? Il n’est plus chez eux. Il mêle en son oubli vaseux

 

 

 

Dans une tombe.

 

 

Que ce chuchotement qui perce nos dessous

Ët parcourt d’un seul trait tout notre labyrinthe.

11 présage l’effet dont il connaît la cause,

En laissant à l’esprit une attente morose

 

 

 

A ce métal humain qu’on appelle un avare,

Le sifflet vipérin, sournois, intermittent

D’un pressentiment noir qui rampe dans leur être.

Tous nos maux à venir, tous nos futurs tourments,

Abeilles du malheur dont nous serons la ruche,

 

 

Le vertige assassin nous montant à la tête,

Et nous laissant crouler avec des cris de bête,

Nous sommes lancines par le pressentiment :

Moucheron du destin qui bourdonne dans l’âme.

 

 

 

 

 

Des égoïsmes bien tapis.

Des tant mieux comme des tant pis,

Nos rancunes et nos dépits.

 

 

La huileuse nous envoûte :

La Douceur tente et séduit.

Cependant, rien n’y reluit :

C’est fond noir sous noire voûte..

Un charme qui le velouté

Comme l’eau, comme la nuit.

Est sincère ou vous filoute ?

La Douceur tente et séduit

 

En vain le temps nous instruit Et l’on sait ce qu’il en coûte… La Douceur tente et séduit.

 

 

Comme l’eau, comme la nuit,

La Douceur tente et séduit.

 

 

Le Diable qui nous fait l’école

Seul en dépoisse les feuillets.

 

 

Car le vrai remords est niais

Gomme la vraie horreur est folle !

 

 

A franchir le bâillement noir

De ma porte.

 

 

C’est donc Moi que j’ai peur de voir

Derrière ma porte.

 

 

Tu creuseras l’amour d’autrui

Sans trouver la clef du problème ;

 

 

 

Tu pourrais retomber quand même Au fond d’éternels aujourd’huis Devant ton éternel toi-même.

 

 

 

Quand il nous dénonce à nous-mêmes.

 

 

Et qui se lamentent très bas…

Le soliloque ne ment pas !

 

 

Dans les oubliettes de l’âme

Nous jetons le meilleur de nous.

 

 

 

LAME

 

 

Entre Deux Cœurs étend sa gueule.

L’Ame s’épanche en elle saule.

 

 

 

LES DÉLATEURS

 

 

La conscience qui conspire

A même pris vos intérêts ;

 

 

 

Pauvres hommes, soyez donc vrais !

 

 

Ton égoïsme a grimacé

Le Rire Jaune.

 

 

Toujours plus creux et plus pincé :

Le Rire Jaune !

 

 

Elle tient à la fois de l’Ange et de la Bête

Et n’est jamais à bout de curiosités

 

 

Comme si dans ce rien qu’on nomme jouissance

Il visait l’inconnu de la Mort et du Mal !

 

 

La Luxure hypocrite est fille du mystère

Et s’accroche en cachette à sa tentation.

 

 

 

 

Les charmes de l’aspect et de l’attouchement,

Et pour désaltérer dans un abreuvement

Est ce qu’est la vipère errant au pied d’un arbre

Pour l’oiseau hasardeux qui chante en voletant.

 

 

 

Et toujours ce grand sphinx enverminé d’ennui, Moitié dans un cloaque et moitié dans la nue, Cherche le cri nouveau sur la bouche inconnue Et la forme d’hier dans celle d’aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

 

 

Une espèce de plainte avide.

Et l’octogénaire livide,

 

 

 

 

Tu sens mourir ta volonté,

Et la conscience te quitte.

 

 

Qui se défige vite, vite…

Dès que le diable nous invite.

 

 

 

 

Pourrait nous rimer du remord

Dans le ravin de la tristesse ?

Envers les éclopés du sort,

Dans le ravin de la tristesse.

Sachant que malgré sa rudesse,

Notre chagrin n’est pas bien fort,

Sur notre âme, elle se retord

La lubrique scélératesse.

 

 

Dans le ravin de la tristesse

La lubrique scélératesse.

 

 

Elle s’y donne, s’y mélange,

Et le mystère, son suppôt,

 

 

 

LA VIRGINITÉ

 

 

La virginité nous attire

Mais son mystère nous confond.

Et masque ambigu qui retire

L’aveu que ses rougeurs nous font,

Et cauchemar blanc du satyre,

La virginité nous attire.

 

 

 

 

Ce n’est pas moi qui t’ai perdue,

Et, ma confidence entendue,

Des rires blancs qui se mouillaient

A la fraîcheur de ta salive.

 

 

Ton calme pourrait s’entête^

Je finirais par l’interrompre ;

 

 

Or, pendant que je t’ingérais

Le goût de la coquetterie,

 

 

Mes essences, mes élixirs

Y passaient. J’en forçais les doses.

Et je retournais en tous sens

Les astuces de ma magie

 

 

Je pompais les langueurs perfides

Que j’aggravais de mes fluides,

 

 

Elle eût beau siffler et se tordre ;

A quoi bon ? Elle ne put mordre

Qui tient à la fois de l’enfant,

Du végétal et de la bête…

 

 

 

H.

 

 

Ne dégage à coup sûr le frisson du nouveau

Que pour le cœur épais qui s’ignore ou s’oublie.

Car l’homme conscient de sa perversité,

N’y voyant qu’un portrait vaguement reflété

 

Hélas ! que je n’ai pas le temps de me relire. »

 

 

J’attends que je me désaltère

Dans la tombe.

 

 

N’est pas décidée à se taire

Par delà la tombe !

 

 

 

Et l’on reste un lépreux qui tient à son ulcère.

 

 

Oui trouve le Bien trop banal.

L’originalité du Mal.

 

 

Sans l’Envie, on mettrait sa foi

Dans son prochain plus qu’en soi.

Sans l’Avarice, le métal

Ne ferait ni bien ni mal.

Que tous les cœurs sont les châteaux

Des Sept Péchés Capitaux.

 

 

Et de bien faire sa récolte

En attendant l’Éternité.

 

 

Se débat cupide et friande

D’un aliment spirituel,

 

 

L’âme cherche sa route à elle,

Le corps veut son auberge à lui.

 

 

« Que je n’obéisse qu’au sang !

Folie, accours et me délivre ! »

L’àme répond : c Geôlier hideux,

Nous serions toujours tous les deux,

 

L’HUMANITÉ

 

 

 

 

 

La lecture en est décevante :

 

La Bibliothèque Mouvante.

 

 

 

 

 

— « Au moins, ricane le Cynisme, Quand on vient chez nous, on devrait Rengainer le Croquemortisme ! »

 

 

 

 

Un peu d’os et de caoutchouc,

Un souffle bref qu’un rien dissout

Et que l’âge rend délétère,

Hélas ! voilà l’homme, et c’est tout

 

 

 

« Dans la nuit où ton cœur s’attarde

Vers ton jeune âge et ton vieux toit,

Retourne-toi, retourne-toi !

 

 

Plus ta chute va s’aggravant

Et plus ton salut me regarde ;

 

 

Le Bon mort au Mauvais vivant

Que ce chuchotement poignarde.

 

 

Mais mieux qu’eux je sens que j’y tombe

En songeant toujours que j’y vais.

 

 

 

 

Végètent sur leurs appétits,

Tous les trois désempuantis

Et j’ai tari le convoitable

En stérilisant mon désir.

 

 

 

 

Insoucieux de mon lambeau,

Dans l’égoïsme du tombeau,

 

 

Met une sueur à mon front,

Et qu’ayant supporté l’affront

 

Que d’avoir souci d’être lâche !

 

 

 

L’orgueil est un piteux mensonge Que la raison fait à l’instinct : Hélas ! plus l’atome est mutin, Plus son impuissance le ronge.

 

 

 

Le cercueil héant qui s’allonge.

L’APOSTROPHE

 

 

 

 

« Le remords ? Vite, on s’en sature !

 

 

 

 

Le vertige qui te dévore…

Oh ! retarde ta chute encore !

Entends ton vieux remords passé

Dont le cri toujours repoussé

Pour celui qui la déshonore…

Oh ! retarde ta chute encore !

 

 

Double aussi le vermisseau.

0 ndulc avec la vipère.

 

 

Pêche avec le jouvenceau.

Pour chacun sois bon compère.

Le jeu t’ouvre son repaire,

Entres-y sans un sursaut !

 

— Notre égoïsme hélas ! comme un fil conducteur Nous transmet cet avis du mauvais chuchoteur,

 

 

Vertigineusement, de minute en minute,

Le bruit du mal se répercute.

 

 

Brusque, il prend un livre au hasard,

Qu’il jette, en devenant blafard.

 

 

 

 

 

De partout comme un blâme sourd.

 

x\Iais d’où vient qu’il rampe à genoux. Avec la mimique des fous ?

 

 

Plus d’un que la honte poursuit

Frissonne en son gîte la nuit.

 

 

Quand on nous dit : « Vous êtes pâle

Aussitôt un trouble nous vient.

 

 

Nous sentons plus près notre râle

Uuand on nous dit : « Vous êtes pâle. »

 

 

Et, somnambule de la vie

Magnétisé par le trépas,

 

 

 

 

Comme un hibou dans un tronc d’arbre,

Comme la fouine dans son trou,

 

La nuit, dans le linceul des draps,

 

 

 

 

 

 

Allons, et que la fin de ce jour gris d’hiver

Avec la tienne coïncide !

 

 

D’ici là rempoigne ton vice ;

Je suis toujours à ton service. »

 

 

« Dis-moi donc l’heure que tu marques ? »

— « BIENTÔT ! »

 

 

Son scrupule invente un lointain

A leurs approches saccadées,

 

 

L’esprit figé, le cœur éteint.

Pleurant tes heures décédées

 

 

 

Tu voudras peut-être un matin Revenir à ton pur instinct, Mais tes veines seront vidées Par les Formes et les Idées.

 

 

On promet du déjà promis ;

Bref, dans le mal on persévère.

 

 

Et le mal étend ses fourmis

Dont on ne peut plus se défaire.

 

 

Notre âme alors devient l’étui

D’un poison plein de virulence ;

Le deuil mêle ses coups de lance

Aux coups d’épingle de l’ennui,

 

Et la Mort avec son silence.

 

 

A la vertu comme au péché…

Hé ! Hé ! lié ! Hé !

 

 

Je ris mon rire sangrenu :

IIu ! Hu ! tlu ! Hu !

 

 

 

 

Avec l’homme un peu moins souvent.

 

 

 

 

Indifférent ? tu ne l’es point, Tu n’as que le dépit pour railler l’existence, Et tu mâches ton fiel intérieurement, Hypocrite du calme et du ricanement.

 

 

 

 

 

 

 

Serait bien due à ce destin Dont le deuil fait son glas, la douleur son orgie

 

Le coup de couteau du dégoût I

 

 

 

 

 

Il avance, le tas vainqueur ! 11 fouille la poitrine, et l’on dirait qu’il sonde

Mais l’ennemi têtu reforme ses ventouses,

Et recommence à dévorer.

 

 

Le vent de la folie en souffles qui vagissent

Et qui grincent tout à la fois

 

 

 

 

 

Et guette sa tentation,

Souffre, lutte et languit dans la démence infâme,

Sous la Vermine du Péché !

 

 

 

 

 

Mes jours qui sont filés au fuseau de l’oubli

 

Assez bien mort à lui pour se donner aux autres ?

 

 

Nulle tentation ne pourra plus ouvrir

Cette inexorable fenêtre.

 

 

 

Ce n’est pas autre chose, en somme.

 

 

 

 

Peu à peu, la rigide hôtesse

Admet nos crimes et nos torts,

Fait digérer par le remords

Nos trop plein de scélératesse.

 

 

On existe tout juste assez

Pour savourer sa léthargie.

 

 

 

Vide de remords et de mal 11 Hotte inerte et machinal Comme un crapaud sur de l’eau trouble.

LA PATIENCE

 

Entends grincer la patience

Qui prend l’obstacle pour l’écueil.

C’est l’outil de l’expérience

Moins que la lime de l’orgueil :

L’oreille de la conscience

Entend grincer la patience.

 

 

11 changeait la joie en remords

Et la jouissance en supplice !

 

 

 

 

A son impression trop brève ;

Il aurait dilaté sans trêve

Tel fut le cauchemar vécu

De ce miraculeux coupable.

Mais un jour, ce vampire à bout

Se désappliqua du problème

Tour à tour assis et levé

Dans la brume qui le calfeutre. ’

 

 

C’est l’Automate de la mort

Et le Mannequin de la vie.

 

 

Il ne s’entend pas plus parler

Que l’arbre ne s’entend bruire.

Son œil interne est pour toujours

Enseveli sous ses paupières :

Ni du pourquoi, ni du comment

De l’humanité qu’il traverse.

 

 

C’est comme un reptile perdu

Dans une cave abandonnée !

 

 

Pardonner ? prétention vaine :

On a toujours de la rancœur.

 

 

Qui puisse user cette gangrène.

Pardonner ! prétention vaine.

 

 

 

 

Elle te traque, elle t’épie,

Et sans cesse elle est accroupie

Donc, surtout dans l’obscurité,

Prends garde !

 

 

Qui surgit comme un revenant…

C’est ma victime !

 

 

De sa plaie où le couteau bouge,

Suinte et pendille avec longueur

La corrosive larme rouge

Creusant la pierre de mon cœur

Où je pivote, environné

Par ma victime !

 

 

Le souvenir est un cercueil

Dont le couvercle est diaphane.

 

 

Dans une poussière de deuil :

Le souvenir est un cercueil.

 

 

Achats menus, calculs malingres,

Comme au vivotement des pingres ?.

Puis le maître prend trop de soin

Pour m’extorquer à son besoin

 

Ou vertueux par avarice ? »

 

 

Et dans l’immensité, comme dans de la poix,

Traîne son infini dont il a l’habitude.

 

 

 

 

 

 

 

 

D’un rougeoiment furtif éclaire ces fantômes…

Soudain, l’ancien rôdeur des greniers et des toits,

Et voici qu’il frémit ce blasé volontaire

Qui se croyait si bien déraciné de tout :

 

 

Entre la Nuit qui va nourrir inversement

Le calme de la bête et le frisson de l’homme.

 

 

 

 

L’aspect rouillé des feuilles mortes

Qui gisent au creux d’un buisson.

N’aura plus qu’à ronger son misérable fiel

Dans l’impénitence des âmes.

 

 

 

Car les clairvoyants du destin Vivent la mort lente et soufferte, Sentant partout la tombe ouverte Au bord de leur pas incertain.

 

 

 

 

Des espérances, des projets,

Ils sentent qu’ils sont des objets

 

 

 

L’idée horrible qui les hante

Et que son œil stérilisant

Y lit par-dessus leur épaule.

 

 

 

 

Vous aspire comme un siphon ;

Elle vous vide au plus profond,

Que le Temps souffle dans l’espace.

Qu’en dites-vous ?

 

 

 

— Dame ! clapote un cyprès.

 

 

Ma vieille foi reste forte

Quand je serai mort, après !

 

 

 

— Dame ! clapote un cyprès.

 

 

 

— Dame ! clapote un cyprès.

 

 

Qu’est-ce que c’est que d’élre honnête,

Qu’est-ce que la Perversité ?

 

 

Comme le flot et la tempête.

Qu’est-ce que c’est que d’être honnête ?

 

 

Le forfait conçu dans le rêve

Par notre volonté qui dort.

 

 

Commet dans une action brève

Le forfait conçu dans le rêve.

 

 

Malgré ton Rétro Satanas

Je sais ta contrition vaine.

 

 

 

Je loge en toi comme Jonas Dans le ventre de la baleine ; Je m’incorpore à ton haleine, A tes rires, à tes hélas ! Malgré ton Rétro Satanas.

 

 

 

 

Des tentations renforcées,

Et le long de ces lois sensées

Vous ne deviendrez jamais fous’’

En êtes-vous bien sûrs ?…

 

 

 

 

 

Quand le fond de l’homme est moisi.

Et l’on s’avoue avec effroi

Qu’on ne reconnaît plus son âme.

 

 

Tout cela joint, fondu, compact et cimenté

Avec ce rare enduit qu’on nomme patience,

Ton résultat est nul encor, même à ce prix.

Après avoir dressé ton labeur solitaire

Et la seule amertume au fond de l’être humain

Par son cours fugitif est emmagasinée.

 

 

Il mâche en grimaçant sa vieille charité

Que, par fijets sournois, la prudence acidule ;

A force de vieillir est-ce que l’amitié

N’estpas un vin qui boute et qui tourne au vinaigre ?

Et le luxurieux, malgré tous ses frissons,

Ourdit la volupté comme on trame un mensonge.

Nous demeurons encor des anxieux novices,

Et fraternellement les triomphes des vices

Pour confronter l’enfer vécu de son dégoût

Avec l’illusion de notre indifférence.

 

 

Travaillé par le doute et poussé par l’ennui,

Il retombe toujours dans le fiel de son gouffre.

 

 

Puisqu’il suffit d’un seul fétu

Pour faire chavirer une âme ;

Puisque la volonté bascule

Au gré de la tentation

Et la poussière de l’esprit . . . i,

N’obéit qu’à cette parcelle. .

 

 

On va tourner dans la bonté,

Qu’on tourne déjà dans la haine.

C’est pourquoi, louche à tous tes pactes

Comme un tyran à ses sujets

Tu seras peut-être meilleur

En craignant toujours d’être pire.

 

 

Et devant ce juge indupablc

Chacun se confesse à son tour.

 

 

Et qu’à son insu je pétrisse

La sagesse de la raison.

 

 

Il sait que sa ressource unique

Sera d’être un suicidé.

 

 

Tout l’homme devient un organe

Exaspéré par mon désir.

 

 

Peu à peu je lui persuade

De se coucher dans mon chemin.

Un jour ou l’autre mon marasme

Invétéré comme il convient,

Sans malice ni subterfuge,

Sans faiblesse et sans passion :

Le monstre que je porte en moi.

Savez-vous quel est le pourquoi

 

 

 

 

 

 

Innocent aujourd’hui, le sera-t-il demain ?

Si ce qu’il a pensé s’incarnait dans un acte ?

 

— Horrible châtiment d’avoir couvé le mal !

 

 

Du vouloir et du sentiment

Dont les ténèbres sont la somme.

 

 

Et la terre qui le consomme.

Ainsi va le destin de l’homme.

 

 

Dont il a le germe fatal,

C’est l’enfance.

 

 

Au fond de sa peur égoïste.

C’est l’âge mûr.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Puisque la Mort surprend même le moribond.

 

Des mains de l’espérance et des doigts de l’ennui ; L’existenceestpourl’hommeuncadranplein de nuit Dont il s’obstine en vain à voir tourner l’aiguille .

REQUIESCAT IN PACE

 

 

 

Et bientôt sur son âme impie

Il sent une angoisse accroupie :

Il entend pour son propre compte :

Requiescat in Pace.

 

 

 

 

Par la rancune et par l’envie…

La luxure a mangé sa vie :

Avec les miettes de sa table :

Requiescat in Pace.

 

 

 

 

 

Et, sentant la Peur le serrer, Il étend ses deux bras comme pour s’assurer

 

Qu’il n’est pas encor dans sa bière ! —

 

 

Ce sphinx inerte ne dit rien

Et reste semblable à lui-même.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fuis, quand l’homme a vécu l’existence prédite, Sous terre il réentend l’horrible voix maudite : — Enfin, t’y voila donc ! Tu vas dormir ?… Jamais !

 

290 TABLE DES MATIERES.

 

 

 

Les Délateurs 94

 

Le Rire jaune 96