« Continuation des Amours (1555) » : différence entre les versions

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'''I '''
<pre>
Thiard, chacun disoit à mon commencement com
Que j'estoi trop obscur au simple populaire:
Aujourd'hui, chacun dit que je suis au contraire,
Et que je me dements parlant trop bassement.
Toi, qui as enduré presqu'un pareil tormentlire,
Di moi, je te suppli, di moi que doi-je faire?
Di moi, si tu le sçais, comme doi-je complaire
'A ce monstre testu, divers en jugement?
Quand j'escri haultement, il ne veult pas me lire,
Quand j'escri bassement, il ne fait qu'en médire:
De
De quel estroit lien tiendrai-je, ou de quels clous,
Ce monstrueux Prothé, qui se change à tous cous?
Paix, paix, je t'enten bien: il le faut laisser dire,
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Il me tira premier une fleche acerée
Droict au coeur, puis une autre, et puis tout à la fois
Il decocha sur moi les traicts de son carquois,:
Sans qu'il eust d'un seul coup ma poictrine enferrée.
Mais quand il vit son arc de fleches desarmé,
Tout dépit s'est lui-mesme en fleche transformé,
Puis se rua dans moi d'une puissance extreme:
Quand je me vi vaincu, je me désarmé lors:
Car, las! que m'eust servi de m'armer par dehors,
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Ou si c'est un malheur, baste, je delibere
De vivre malheureus en si belle misere.</pre>
:
 
'''IV '''
<pre>
Peletier mon ami, le tems leger s'enfuit,
Je change nuit et jour de poil et de jeunesse:
Mais je ne change pas l'amour d'une maistresse,
Qui, dans mon cueur colée, eternelle me suit.
Aide-moi,
Toi qui es des anfance en tout savoir instruit,
(Si de nottre amitié l'antique neud te presse)
Comme sage et plus vieil, donne moi quelque adresse
Pour eviter ce mal qui ma raison detruit.
Aide-moi, Peletier, si par philosophie
Ou par le cours des cieus tu as jamais apris
Un remede d'amour, di-le moi je te prie,
Car, bien qu'ores au ciel ton cueur soit elevé,
Si as-tu quelquefois d'une dame esté pris.
Et pour dieu! conte-moi comme tu t'es sauvé.</pre>
 
'''V '''
<pre>
Aurat, apres ta mort, la terre n'est pas digne
Pourrir si docte cors, comme est vraiment le tien.
Les Dieux le changeront en quelque vois: ou bien,
Si Echon ne sufist, le changeront en cigne,
Ou, en ce corps qui vit de rosée divine,
Ou, en mouche qui fait le miel hymettien,
Ou, en l'oiseau qui chante et le crime ancien
De Terrée au printemps redit sus une épine.
Ou, si tu n'es changé tout entier en quelqu'un,
Tu vétiras un cors qui te sera commun
Avecques tous ceus-cy, participant ensemble
De tous (car un pour toi sufisant ne me semble)
Et d'homme seras fait un beau monstre nouveau
De voix, cigne, cigalle, et de mouche, et d'oyseau.</pre>
 
'''VI '''
<pre>
E, n'esse, mon Paquier, é n'esse pas grand cas,
Bien que le corps party de tant de membres j'aye,
De muscles, nerfs, tendons, de pommons, et de faye,
De mains, de pieds, de flancs, de jambes et de bras,
Qu'Amour les laisse en paix, et ne les navre pas,
Et que luy pour son but, opiniatre, essaye
De faire dans mon coeur toujours toujours la playe,
Sans que jamais il vise ou plus hault, ou plus bas!
S'il estoit un enfant (comme on dit) aveuglé,
Son coup ne seroit point si seur ne si reiglé,
Vrayment il ne l'est pas, car ses traits à tout-heure
Ne se viendroient ficher au coeur en mesme lieu.
Armerai-je le mien? non, car des traits d'un Dieu
Il me plaist bien mourir, puis qu'il fault que je meure. </pre>
 
'''VII '''
<pre>
Marie, qui voudroit vostre beau nom tourner,
Il trouveroit Aimer: aimez-moi donq, Marie,
Faites cela vers moi dont vostre nom vous prie,
Vostre amour ne se peut en meilleur lieu donner:
S'il vous plaist pour jamais un plaisir demener,
Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
Penduz l'un l'autre au col, et jamais nulle envie
D'aimer en autre lieu ne nous pourra mener.
Si faut il bien aimer au monde quelque chose:
Cellui qui n'aime point, cellui-là se propose
Une vie d'un Scyte; et ses jours veut passer
Sans gouster la douceur des douceurs la meilleure.
E, qu'est-il rien de doux sans Venus? las! à l'heure
Que je n'aimeray point puissai-je trépasser!</pre>
 
'''VIII '''
<pre>
Marie, vous passez en taille, et en visage,
En grace, en ris, en yeus, en sein, et en teton,
Votre moienne seur, d'autant que le bouton
D'un rosier franc surpasse une rose sauvage.
Je ne dy pas pourtant qu'un rosier de bocage
Ne soit plaisant à l'oeil, et qu'il ne sente bon:
Aussi je ne dy pas que vostre seur Thoinon
Ne soit belle, mais quoy? vous l'estes davantage.
Je scay bien qu'apres vous elle a le premier pris
De ce bourg, en beauté, et qu'on seroit espris
D'elle facilement, si vous estiez absente:
Mais quand vous aprochez, lors sa beauté s'enfuit,
Ou morne elle devient par la vostre presente,
Comme les astres font quand la Lune reluit. </pre>
 
'''IX '''
<pre>
Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop leger, et me dites tousjours.
Quand je vous veus baiser que j'aille à ma Cassandre,
Et tousjours m'apellez inconstant en amours.
Je le veus estre aussi, les hommes sont bien lours
Qui n'osent en cent lieux neuve amour entreprendre.
Cétui-là qui ne veut qu'à une seule entendre,
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'''X '''
<pre>
Marie, vous avés la joue aussi vermeille
Qu'une rose de Mai, vous avés les cheveus
De couleur de chastaigne, entrefrisés de neus,
Gentement tortillés tout-au-tour de l'oreille.
Quand vous estiés petite, une mignarde abeille
Dans vos levres forma son dous miel savoureus,
Amour laissa ses traits dans vos yeus rigoreus,
Pithon vous feit la vois à nulle autre pareille.
Vous avés les tetins comme deus mons de lait,
Caillé bien blanchement sus du jonc nouvelet
Qu'une jeune pucelle au mois de Juin façonne:
De Junon sont vos bras, des Graces vostre sein,
Vous avés de l'Aurore et le front, et la main,
Mais vous avés le coeur d'une fiere lionne.</pre>
 
'''XI '''
<pre>
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<pre>
Amour estant marri qu'il avoit ses saigettes
Tiré ,
Tiré contre Marie, et ne l'avoit blessée,
Par depit dans un bois sa trousse avoit laissée,
Tant que plene elle fust d'un bel essaim d'avettes.
Ja de leurs piquerons ces captives mouchettes
Pour avoir liberté la trousse avoient persée:
Et s'enfuyoient alors qu'Amour l'a renversée
Sur la face à Marie, et sus ses mammelettes.
Soudain, apres qu'il eut son carquois dechargé,
Tout riant sautela, pensant estre vangé
De celle, à qui son arc n'avoit sceu faire outrage,
Mais il rioit en vain: car ces filles du ciel
En lieu de la piquer, baisans son beau visage,
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Je veuls, me souvenant de ma gentille amie,
Boire ce soir d'autant: et pource Corydon
Fay
Fay remplir mes flacons, et verse à l'abandon
Du vin, pour resjouir toute la compagnie.
Soit que m'amie ait nom, ou Cassandre, ou Marie,
Je m'en vois boire autant que de lettre a son nom.
Et toi, si de ta belle et jeune Madelon,
Belleau, l'amour te point, je te pry ne l'oublie.
Qu'on m'ombrage le chef de vigne, et de l'hierre,
Les bras, et tout le col, qu'on enfleure la terre
De roses, et de lis, et que dessus le jonc
On me caille du lait rougi de mainte fraise:
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Que me servent mes vers, et les sons de ma lyre,
Quand nuit et jour je change et de meurs et de peau,
empris
Pour en aimer trop une? hé, que l'homme est bien veau
Qui aux dames se fie, et pour elles souspire!
Je pleure, je me deux, je cry, je me martire,
Je fais mile sonnetz, je me romps le cerveau,
Et si je suy haï: un amoureus nouveau
Gaigne tousjours ma place, et je ne l'ose dire.
Ah! que ma Dame est fine: el' me tient à mépris,
Pource qu'elle voit bien que d'elle suis espris;
Et que je l'aime trop: avant que je l'aimasse,
Elle n'aimoit que moi: mais or que j'ai empris
De l'aimer, el' me laisse, et s'en court à la chasse
Pour en reprendre un autre ainsi qu'elle m'a pris.</pre>
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Mon pié sinon vers vous ne scait autre voiage,
Ma langue sinon vous ne scait autre langaige,
Et mon ,
Et mon oeil sinon vous ne connoit autre objet.
Si je souhaite rien, vous estes mon souhait,
Vous estes le doux gaing de mon plaisant dommage,
Vous estes le seul but ou vise mon courage,
Et seulement en vous tout mon rond se parfait.
Je ne suis point de ceus qui changent de fortune,
Comme un tas d'amoureus, aimans aujourd'huy l'une,
Et le lendemain l'autre: helas! j'ayme trop mieus
Cent fois que je ne dy, et plustost que de faire
Chose qui peut en rien nostre amytié defaire,
J'aimerois mieux mourir, tant j'aime vos beaux yeus.</pre>
 
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Devant qu'il soit vingt ans j'en auray la vengence,
Voiant ternir vos yeus qui me travaillent tant.
On ne voit amoureus au monde si constant.</pre>
Qui ne perdist le coeur, perdant sa recompense:
Quant à moi, si ne fust la longue experience,
Que j'ay, de soufrir mal, je mourrois à l'instant.
Toutesfois quand je pense un peu dans mon courage
Que je ne suis tout seul des femmes abusé,
Et que de plus rusés en ont reçeu dommage,
Je pardonne à moimesme, et m'ay pour excusé:
Car vous qui me trompés en estes coutumiere,
Et qui pis est, sur toute en beauté la premiere.</pre>
 
'''XVII'''
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Comme un Soleil luisoit par les prets son bel oeil,
Et un carquan pendoit sus sa gorge douillette.
Si tost que je le vy, je voulu courre aprés,
Et lui qui m'avisa print sa course es forés,
Où, se moquant de moi, ne me voulut attendre.
Mais en suivant son trac, je ne m'avisay pas
D'un piege entre les fleurs, qui me lia mes pas,
Et voulant prendre autrui moimesme me fis prendre.</pre>
 
'''XVIII '''
<pre>
Bien que vous surpassiés en grace et en richesse
Celles de ce païs, et de toute autre part,
Vous ne devés pourtant, et fussiés vous princesse,
Jamais vous repentir d'avoir aimé Ronsard.
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Et que c'est deplaisir en amour parler haut:
Vous dites verité, mais vous celés aprés,
Que luy, pour vous ouir, s'aproche à vôtre oreille,
Et qu'il baise à tous coups vôtre bouche vermeille
Au milieu des propos, d'autant qu'il en est prés.</pre>
 
'''XIX '''
<pre>
Mais respons, meschant Loir, me rens-tu ce loier,
Pour avoir tant chanté ta gloire et ta louange?
As-tu osé, barbare, au milieu de ta fange
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D'autant que je t'aimoi, je me fiois en toi,
Mais tu m'as bien montré que l'eau n'a point de foi:
N'es-tu pas bien meschant? pour rendre plus famél'eau,
Ton cours, à tout jamais du los qui de moi part,
Tu m'as voulu noier, afin d'estre nommé,
En lieu du Loir, le fleuve où se noya Ronsard.</pre>
 
'''XX '''
<pre>
Amour, tu me fis voir, pour trois grandes merveilles,
Trois seurs, allant au soer, se pourmener sur l'eau,
Qui croissoient à l'envy, ainsi qu'au renouveau
Croissent dans un pommier trois pommettes pareilles.
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'''XXI '''
<pre>
Mon ami puisse aimer une femme de ville,
Belle, courtoise, honeste, et de doux entretien:
Mon haineux puisse aimer au village une fille,
Qui soit badine, sote, et qui ne sache rien.
Tout ainsi qu'en amour le plus excellent bien
Est d'aimer une femme, et savante; et gentille,
Aussi le plus grand mal à ceuls qui aiment bien
C'est d'aimer une femme indocte, et mal-habille.
Une gentille Dame entendra de nature
Quel plaisir c'est d'aimer, l'autre n'en aura cure,
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Parler un jour entier, et ne respondra mot.</pre>
 
 
'''XXII '''
<pre>
Je crois que je mouroi' si ce n'estoit la Muse
Qui deçà et delà fidelle m'acompaigne
Sans se lasser, par chams, par bois, et par montaigne,
Et de ses beaus presens tous mes soucis abuse:
Si je suis ennuyé je n'ay point d'autre ruse
Pour me desennuyer que Clion ma compaigne;
Si tost que je l'apelle, elle ne me dedaigne,
Et de me venir voir jamais el'ne s'excuse:
Des presens des neuf Seurs soit en toute saison
Pleine toute ma chambre, et pleine ma maison,
Car la rouille jamais à leurs beaus dons ne touche.
Le tin ne fleurit pas aus abeilles si dous
Comme leurs beaus presens me sont doux à la bouche,
Desquels les bons esprits ne furent jamais saouls.</pre>
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Et vostre beau rosier de boutons couronné,
Et voz oeillets aimés, ausquels avés donné
Hyer au soir de l'eau, d'une main si songneuse.
Hyer en vous couchant, vous me fistes promesse
D'estre plus-tost que moi ce matin eveillée,
Mais le someil vous tient encor toute sillée:
Ian, je vous punirai du peché de paresse,
Je vois baiser cent fois vostre oeil, vostre tetin,
Afin de vous aprendre à vous lever matin.</pre>
 
'''XXIV '''
<pre>
Bayf, il semble à voir tes rymes langoreuses,
Que tu sois seul amant, en France, langoreus,
Et que tes compaignons ne sont point amoureus,
Mais font languir leurs vers desous feintes pleureuses;
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'''XXV '''
 
<pre>
Je ne suis variable, et si ne veus apprendre
(Desja grison) à l'estre, aussi ce n'est qu'émoi:
Je ne dy pas si Jane estoit prise de moi;
Que tost je n'oubliasse et Marie et Cassandre.
Je ne suis pas celui qui veus Paris reprendre
D'avoir manqué si tost à Pegasis de foy:
Plutost que d'accuser ce jeune enfant de Roy
D'estre en amour leger, je voudrois le defendre.
Il fist bien, il fist bien, de ravir cette Helene,
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L'amant est bien guidé d'une heure malheureuse,
Quand il trouve son mieus, si son mieus il ne prent,
Sans languir tant es bras d'une vieille amoureuse.</pre>
 
'''XXVI '''
<pre>
C'est grand cas que d'aimer! Si je suis une année
Avecque ma maitresse à deviser toujours,
Et à lui raconter quelles sont mes amours,
L'an me semble plus court qu'une seule journée.
S'une autre parle à moi, j'en ay l'ame gennée:
Ou je ne luy di mot, ou mes propos sont lours,
Au milieu du devis s'egarent mes discours,
Et tout ainsi que moi ma langue est estonnée.
Mais quand je suis aupres de celle qui me tient
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'''XXVII '''
 
<pre>
De ses yeus, dont mon coeur
E, que me sert, Paschal, ceste belle verdure
 
Qui rit parmi les prés, et d'ouir les oiseaus,
D'ouir par le pendant des colines les eaus,
Et des vents du printems le gracieus murmure,
Quand celle qui me blesse, et de mon mal n'a cure
Est absente de moi, et pour croistre mes maus
Me cache la clarté de ses astres jumeaus,
De ses yeus, dont mon coeur prenoit sa nourriture?
J'aimeroi beaucoup mieus qu'il fust hyver tousjours,
Car l'hyver n'est si propre à nourir les amours
Comme est le renouveau, qui d'aimer me convie,
Ainçois de me hayr, puis que je n'ay pouvoir
En ce beau mois d'Avril entre mes bras d'avoir
Celle qui dans ses yeus tient ma mort et ma vie.</pre>
==Sonetz en vers de dix à onze syllabes==