« Les Contemplations/Ce que dit la bouche d’ombre » : différence entre les versions
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<poem>
XXVI
L'homme en songeant descend au gouffre universel.▼
J'errais près du dolmen qui domine Rozel,▼
A l'endroit où le cap se prolonge en presqu'île.▼
Le spectre m'attendait; l'être sombre et tranquille▼
Me prit par les cheveux dans sa main qui grandit,
Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route ;
Que, de
Que tout a conscience en la création ;
Et
Car les choses et
Tout parle ;
Le brin
Crois-tu que Dieu, par qui la forme sort du nombre,
Aurait fait à jamais sonner la forêt sombre,
Le rocher dans les flots, la bête dans les monts,
La mouche, le buisson, la ronce où croît la mûre,
Et
Crois-tu que
Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte ?
Crois-tu que
Serait content
Pour souffler dans le vide une vapeur de bruit,
Et
Si son rugissement
Crois-tu que le tombeau,
Ne soit rien
Que la création profonde, qui compose
Sa rumeur des frissons du lys et de la rose,
De la foudre, des flots, des souffles du ciel bleu,
Ne sait ce
Crois-tu
Crois-tu que la nature énorme balbutie,
Et que Dieu se serait, dans son immensité,
Donné pour tout plaisir, pendant
Non,
Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Tout dit dans
Une pensée emplit le tumulte superbe.
Dieu
Tout, comme toi, gémit ou chante comme moi ;
Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi
Tout parle ? Écoute bien.
Arbres, roseaux, rochers, tout vit !
Tout est plein
Mais comment ! Oh ! voilà le mystère inouï.
Puisque tu ne
Causons.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Dieu
Il le fit radieux, beau, candide, adorable,
Mais imparfait ; sans quoi, sur la même hauteur,
La créature étant égale au créateur,
Cette perfection, dans
Se serait avec Dieu mêlée et confondue,
Et la création, à force de clarté,
En lui serait rentrée et
La création sainte où rêve le prophète,
Pour être, ô profondeur ! devait être imparfaite.
Donc, Dieu fit
En des temps dont nous seuls conservons la mémoire,
Planait dans la splendeur sur des ailes de gloire ;
Tout était chant, encens, flamme, éblouissement ;
Et de tous les parfums tour à tour était
Tout nageait, tout volait.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Or, la première faute
Fut le premier poids.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Dieu sentit une douleur.
Le poids prit une forme, et, comme
Fuit emportant
Il tomba, traînant
Le mal était fait. Puis tout alla
Et
Dans la brute, dans
Dans le caillou pensif, cet aveugle hideux.
Être vils
Et de tous ces amas des globes se formèrent,
Et derrière ces blocs naquit la sombre nuit.
Le mal,
Cette forme de toi, rampante, horrible, sombre,
Qui liée à tes pas comme un spectre vivant,
Va tantôt en arrière et tantôt en avant,
Qui se mêle à la nuit, sa grande
Et qui contre le jour, noire et dure proteste,
Dont
De ce corps qui, créé par ta faute première,
Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière ;
De ta matière, hélas ! de ton iniquité.
Cette ombre dit :
Je suis tombé déjà ; je puis tomber encore.
Nul simulacre obscur ne suit
Homme, tout ce qui fait de
Maintenant,
Et je vais
Je vais
Prépare-toi, front triste, aux funèbres sueurs.
Le vent
Je te le jette ; prends, et vois.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Et,
Que le monde où tu vis est un monde effrayant
Devant qui le songeur, sous
Lève les bras au ciel et recule terrible.
Ton soleil est lugubre et ta terre est horrible.
Vous habitez le seuil du monde châtiment.
Mais vous
Dieu, soleil dans
Et tout, même le mal, est la création,
Car le dedans du masque est encor la figure.
Esprit ! esprit ! esprit !
Le spectre poursuivit sans
Faisons un pas de plus dans ces choses profondes.
Homme, tu veux, tu fais, tu construis et tu fondes,
Et tu dis :
En deçà,
Voyons ; observes-tu le
Écoutes-tu le bruit de ton pas sur les marbres ?
Interroges-tu
Parles-tu quelquefois à ces religieux ?
Comme sur le verseau
Vaste mêlée aux bruits confus, du fond de
Tu vois monter à toi la création sombre.
Le rocher est plus loin,
Comme le faîte altier et vivant, tu parais !
Mais, dis, crois-tu que
Crois-tu, toi dont les sens
Que la création qui, lente et par degrés,
Fait de plus de clarté luire moins de matière
Et mêle plus
Crois-tu que cette vie énorme, remplissant
De souffles le feuillage et de lueurs la tête,
Qui va du roc à
Et de la pierre à toi monte insensiblement,
Non, elle continue, invincible, admirable,
Entre dans
Y disparaît pour toi, chair vile, emplit
Elle plonge à travers les cieux jamais atteints,
Sublime ascension
Des démons enchaînés monte aux âmes ailées,
Fait toucher le front sombre au radieux orteil,
Rattache
Relie, en traversant des millions de lieues,
Les groupes constellés et les légions bleues,
Peuple le haut, le bas, les bords et le milieu,
Et dans les profondeurs
Cette échelle apparaît vaguement dans la vie
Et dans la mort. Toujours les justes
Jacob en la voyant, et Caton sans la voir.
Ses échelons sont deuil, sagesse, exil, devoir.
Et cette échelle vient de plus loin que la terre.
Sache
Aux mondes des terreurs et des perditions ;
Et
Du précipice où sont les larves et les crimes,
Où la création, effrayant les abîmes,
Se prolonge dans
Car, au-dessous du globe où vit
Hommes, plus bas que vous, dans le nadir livide,
Dans cette plénitude horrible
Le mal, qui par la chair, hélas ! vous asservit,
Dégorge une vapeur monstrueuse qui vit !
Là, sombre et
Là, tout flotte et
Dans ce gouffre sans bord, sans soupirail, sans mur,
De tout ce qui vécut pleut sans cesse la cendre ;
Et
Au delà de la vie, et du souffle et du bruit,
Un affreux soleil noir
Donc, la matière pend à
Le sommet vers le bas,
Avec le grand qui croule elle fait le petit.
Comment de tant
Comment le jour fait
Comment la cécité peut naître du voyant,
Comment le ténébreux descend du flamboyant,
Comment du monstre esprit naît le monstre matière,
Un jour, dans le tombeau, sinistre vestiaire,
Tu le sauras ; la tombe est faite pour savoir ;
Tu verras ;
Mais, puisque Dieu permet que ma voix
Je te parle.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Et,
Qui la rend ? qui la fait ? où ? quand ? à quel moment ?
Qui donc pèse la faute ? et qui le châtiment ?
Libre, il sait où le bien cesse, où le mal commence ;
Il a ses actions pour juges.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Il suffit
Crime, est notre geôlier, ou, vertu, nous délivre.
Sa conscience calme y marque avec le doigt
Ce que
On agit, et
On peut être étincelle ou bien éclaboussure ;
Lumière ou fange, archange au vol
Par des zones sans fin la vie universelle
Monte, et par des degrés innombrables ruisselle,
Depuis
En haut plane la joie ; en bas
Selon que
Aspire à la lumière et tend vers
Ou
Dans la vie infinie on monte et
Ou
Dieu ne nous juge point. Vivant tous à la fois,
Nous pesons, et chacun descend selon son poids.
Hommes ! nous
De ces immensités
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Viens, si tu
Regarde dans ce puits morne et vertigineux,
De la création compte les sombres
Viens, vois, sonde :
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Au-dessous de
Qui peut être un cloaque ou qui peut être un temple,
Être en qui
Est
De la brute est la plante inerte, sans paupière
Et sans cris ; au-dessous de la plante est la pierre ;
Au-dessous de la pierre est le chaos sans nom.
Avançons dans cette ombre et sois mon compagnon.
Toute faute
Les mauvais, ignorant quel mystère les couvre,
Les êtres de fureur, de sang, de trahison,
Avec leurs actions bâtissent leur prison ;
Tout bandit, quand la mort vient lui toucher
Et
Que lui fit son forfait derrière lui rampant ;
Tibère en un rocher, Séjan dans un serpent.
En frappant sans pitié sur tous, forge le clou
Qui le clouera dans
Les tombeaux sont les trous du crible cimetière.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Tout méchant
Fait naître en expirant le monstre de sa vie,
Qui le saisit.
Nemrod gronde enfermé dans la montagne à pic ;
Quand Dalila descend dans la tombe, un aspic
Sort des plis du linceul, emportant
Phryné meurt, un crapaud saute hors de la fosse ;
Ce scorpion au fond
Du tombeau
Le houx sombre et
Pleurent quand
Leur dit : Tais-toi, Zoïle ! et souffre, Ganelon !
Dieu livre, choc affreux dont la plaine au loin gronde,
Au cheval Brunehaut le pavé Frédégonde ;
La pince qui rougit dans le brasier hideux
Est faite du duc
Farinace est le croc des noires boucheries ;
Tristan est au secret dans le bois
Quand tombent dans la mort tous ces brigands, Macbeth,
Ezzelin, Richard Trois, Carrier, Ludovic Sforce,
La matière leur met la chemise de force.
Oh ! comme en son bonheur, qui masque un sombre arrêt,
Messaline ou
Si, dans ses actions du sépulcre voisines,
Cette femme sentait
Et
Claude est
Xercès est excrément, Charles Neuf est cadavre ;
Hérode,
Se disperse et renaît dans les crachats de hommes ;
Et le vent qui jadis soufflait sur les Sodomes
Mêle, dans
La fumée Érostrate à la flamme Néron.
Et tout, bête, arbre et roche, étant vivant sur terre,
Tout est monstre, excepté
Descend dans les degrés divers du châtiment
Selon que plus ou moins
Le ciel
La suit des yeux dans
Tâche, en la regardant, de
De
Ayant encor la voix,
Dans
Sent encor dans le vent quelque chose des cieux ;
Dans la pierre elle rampe, immobile, muette,
Ne voyant même plus
Du monde qui
Et face à face avec son crime dans la nuit,
Comme elle en a la forme, elle en a la mémoire ;
Elle sait ce
Voit la clarté décroître à la paroi du puits ;
Elle assiste à sa chute ; et, dur caillou qui roule,
Pense : Je suis Octave ; et, vil chardon
Crie au talon : Je suis Attila le géant ;
Et, ver de terre au fond du charnier, et rongeant
Un crâne infect et noir, dit : Je suis Cléopâtre.
Et, hibou, malgré
Elle accomplit la loi qui
Pierre, elle écrase ; épine, elle pique ; il le faut.
Le monstre est enfermé dans son horreur vivante.
Il aurait beau vouloir dépouiller
Il faut
Le tigre sur son dos, qui peut-être eut une aile,
Un invisible fil lie aux noirs échafauds
Le noir corbeau dont
Car le monstre est tenu, sous le ciel qui
Dans
Jadis, sans la comprendre et
La ronce devient griffe, et la feuille de rose
Devient langue de chat, et, dans
Horrible, lèche et boit le sang de la souris ;
Qui donc connaît le monstre appelé mandragore ?
Qui sait ce que, le soir, éclaire le fulgore,
Être en qui la laideur devient une clarté ?
Ce qui se passe en
Efface la terreur des antiques avernes.
Étages effrayants ! cavernes sur cavernes.
Ruche obscure du mal, du crime et du remord !
Donc, une bête va, vient, rugit, hurle, mord ;
Un arbre est là, dressant ses branches hérissées,
Une dalle
Que la charrette écrase et que
Et, sous ces épaisseurs de matière et de nuit,
Arbre, bête, pavé, poids que rien ne soulève,
Dans cette profondeur terrible, une âme rêve !
Que fait-elle ? Elle songe à Dieu !
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Fatalité !
Echéance ! retour ! revers ! autre côté !
Les pervers, les puissants, vidant toutes les coupes,
Oubliant
Étalent leur mâchoire en leur folle gaîté,
Voilà ce
Montrant comme eux ses dents tout au fond de la salle,
Leur réserve la mort, ce sinistre rieur !
Nous avons, nous, voyants du ciel supérieur,
Le spectacle inouï de vos régions basses.
Nous écoutons le cri de
Au-dessus
Parfois nous apparaît
Pauvre ombre en pleurs qui lutte, hélas ! presque engloutie ;
Le loup la tient, le roc étreint ses pieds
Et la fleur implacable et féroce la mord.
Nous entendons le bruit du rayon que Dieu lance,
La voix de ce que
Et vos soupirs profonds, cailloux désespérés !
Nous voyons la pâleur de tous les fronts murés.
Nous assistons aux deuils, au blasphème, aux regrets,
Aux fureurs ; et, la nuit, nous voyons les forêts,
Partout, partout, partout ! dans les flots, dans les bois,
Dans
Dans le jonc dont Hermès se fait une baguette,
Partout, le châtiment contemple, observe ou guette,
Sourd aux questions, triste, affreux, pensif, hagard ;
Et tout est
Construction
Plonge au-dessous du monde et descend dans la nuit,
Et, Babel renversée, au fond de
En est le milieu.
Fond vil du puits, plateau radieux de la tour ;
Degré
Pour la bête, il est gloire, et, pour
Dieu mêle en votre race, hommes infortunés,
Les demi-dieux punis aux monstres pardonnés.
De là vient que, parfois,
On entend
Sortir des mots pareils à des rugissements,
Et que, dans
On croit voir sur un front
Roi forçat,
Vide toutes les nuits le verre noir du somme.
La chaîne de
Ramène chaque jour vers le cloaque impur
La beauté, le génie, envolés dans
Mêle la peste au souffle idéal des poitrines,
Et traîne, avec Socrate, Aspasie aux latrines.
Par un côté pourtant
Le monstre a la carcan,
Songeur, retiens ceci :
Remonte vers
Et, pour que, dans son vol vers les cieux, rien ne lie
Sa conscience ailée et de Dieu seul remplie,
Dieu, quand une âme éclôt dans
Casse en son souvenir le fil du passé ;
De là vient que la nuit en sait plus que
Le monstre se connaît lorsque
Le monstre est la souffrance, et
Où, pour demeurer libre en se faisant meilleur,
Mystère ! au seuil de tout
En suivant la clarté du bien, toujours présente ;
Le monstre, arbre, rocher ou bête rugissante,
Voit Dieu,
La nuit sort de son
Homme, tu ne sais rien ; tu marches, pâlissant !
Parfois le voile obscur qui te couvre, ô passant !
Gonfle un moment ses plis jusque dans la lumière,
Puis retombe sur toi, spectre, et redevient noir.
Tes sages, tes penseurs ont essayé de voir ;
Rien.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Homme ! autour de toi la création rêve.
Mille êtres inconnus
Tu vas, tu viens, tu dors sous leur regard obscur,
Et tu ne les sens pas vivre autour de ta vie :
Toute une légion
Pendant
Tous tes pas vers le jour sont par
Ce que tu nommes chose, objet, nature morte,
Sait, pense, écoute, entend. Le verrou de ta porte
Voit arriver ta faute et voudrait se fermer.
Ta vitre connaît
Les rideaux de ton lit frissonnent de tes songes.
Dans les mauvais desseins quand, rêveur, tu te plonges,
La cendre dit au fond de
Regarde-moi ; je suis ce qui reste du mal.
Hélas !
La bête en son enfer voit les deux bouts du crime ;
Un loup pourrait donner des conseils à Néron.
Homme ! homme ! aigle aveuglé, moindre
Pendant que dans ton Louvre ou bien dans ta chaumière,
Tu vis, sans même avoir épelé la première
Ligne 562 :
Et tremble sur la page immense de la nuit,
Pendant que tu maudis et pendant que tu nies,
Pendant que tu dis : Non ! aux astres ; aux génies :
Non ! à
Pendant que tu te tiens en dehors de la loi,
Copiant les dédains inquiets ou robustes
De ces sages
Et que tu dis : Que sais-je ? amer, froid, mécréant,
Prostituant ta bouche au rire du néant,
Flairant
Là, dans
Ah ! je
Il faut donc tout redire à ton esprit chétif !
Succède le devoir, fatalité de
Ainsi de toutes parts
Dans le monstre passif, dans
La nécessité morne en devoir se changeant,
Et
Va de
Or, je te le redis, pour se transfigurer,
Et pour se racheter,
Il doit être aveuglé par toutes les poussières.
Sans quoi, comme
Douter est sa puissance et sa punition.
Il voit la rose, et nie ; il voit
Où serait le mérite à retrouver sa route,
Si
Avait la certitude, ayant la liberté ?
Non. Il faut
Et
Au crime, aux voluptés,
Il faut
Il court du mal au bien ; il scrute, sonde, épie,
Va, revient, et, tremblant, agenouillé, debout,
Les bras étendus, triste, il cherche Dieu partout ;
Il tâte
Alors, son âme ailée éclate frémissante ;
Le doute le fait libre, et la liberté, grand.
La captivité sait ; la liberté suppose,
Creuse, saisit
Croit vouloir le bien-être et veut le firmament ;
Et, cherchant le caillou, trouve le diamant.
Dans le monstre, elle expie ; en
Oui, ton fauve univers est le forçat de Dieu.
Les constellations, sombres lettres de feu,
Sont les marques du bagne à
Dans votre région tant
Que, pour
Quand il lève les yeux vers les astres, là-haut,
Le cancer resplendit, le scorpion flamboie,
Et dans
Ces soleils inconnus se groupent sur son front
Comme
De toutes parts
En bas
Le pire, tas hideux, fourmillent ; tout au fond,
Ils échangent entre eux dans
Typhon donne
Lugubre intimité du mal et de
Amours de
Baiser triste ! et
La matière, le bloc, la fange, la géhenne,
Les faces de beauté
Tous les êtres maudits, mêlés aux vils limons,
Pris par la plante fauve et la bête féroce,
Le grincement de dents, la peur, le rire atroce,
Rampent, noirs prisonniers, dans la nuit, noir caveau.
La porte, affreuse et faite avec de
Par moments, on entend, dans la profondeur sourde,
Les efforts que les monts, les flots, les ouragans,
Les volcans, les forêts, les animaux brigands,
Et tous les monstres font pour soulever le pêne ;
Et sur cet amas
Ce grand ciel formidable est le scellé de Dieu.
Voilà pourquoi, songeur dont la mort est le
Tant
Je viens de te montrer le gouffre. Tu
Les mondes, dans la nuit que vous nommez
Par les brèches que fait la mort blême à leur mur,
Se jettent en fuyant
Dans votre globe où sont tant de geôles infâmes,
Vous avez de méchants de tous les univers,
Condamnés qui, venus des cieux les plus divers,
Rêvent dans vos rochers, ou dans vos arbres ploient ;
Tellement stupéfaits de ce monde
On en sent quelques-uns frissonner et trembler.
De là les songes vains du bronze et de
Donc, représente-toi cette sombre figure :
Ce gouffre,
Ici vient aboutir de tous les points du ciel
La chute des punis, ténébreuse traînée.
Dans cette profondeur, morne, âpre, infortunée,
De chaque globe il tombe un flot vertigineux
Flot que
Chaque étoile au front
Sa chevelure
Ame immortelle, vois, et frémis en voyant :
Voilà le précipice exécrable où tu sombres.
Oh ! qui que vous soyez, qui passez dans ces ombres,
Versez votre pitié sur ces douleurs sans fond !
Dans ce gouffre, où
Se tordent les forfaits, transformés en supplices,
Les pleurs sous la toison, le soupir expiré
Dans la fleur, et le cri dans la pierre muré !
Oh ! qui que vous soyez, pleurez sur ces misères !
Pour Dieu seul, qui sait tout, elles sont nécessaires ;
Mais vous pouvez pleurer sur
Sans déranger le sombre équilibre
Hélas ! hélas ! hélas ! tout est vivant ! tout pense !
La mémoire est la peine, étant la récompense.
Oh ! comme ici
Torture de
La brute et le granit, quel chevalet pour
Ce mulet fut sultan, ce cloporte était femme.
Est-ce que, quelque part, par hasard,
Quand ces réalités sont là, remplissant
La ruine, la mort,
Sont vivants. Un remords songe dans un débris.
Pour
Hélas ! le cygne est noir, le lys songe à ses crimes ;
La perle est nuit ; la neige est la fange des cimes ;
Le même gouffre, horrible et fauve, et sans abri,
La mouche, âme,
Et la flamme, esprit, brûle avec angoisse une âme ;
Tout est douleur.
{{cach | xxxxxxxxxxxxxxxx }}Les fleurs souffrent sous le ciseau▼
Et se ferment ainsi que des paupière closes :▼
Toutes les femmes sont teintes du sang des roses ;▼
▲Les fleurs souffrent sous le ciseau
▲Et se ferment ainsi que des paupière closes:
▲Toutes les femmes sont teintes du sang des roses;
La vierge au bal, qui danse, ange aux fraîches couleurs,
Et qui porte en sa main une touffe de fleurs,
Respire en soupirant un bouquet
Pleurez sur les laideurs et les ignominies,
Pleurez sur
Sur la limace au dos mouillé comme
Sur le vil puceron
Sur le crabe hideux, sur
Sur
Qui regarde toujours le ciel mystérieux !
Plaignez
Ce que Domitien, César, fit avec joie,
Tigre, il le continue avec horreur. Verrès,
Qui fut loup sous la pourpre, est loup dans les forêts ;
Il descend, réveillé,
Son rire, au fond des bois, en hurlement
Pleurez sur ce qui hurle et pleurez sur Verrès.
Sur ces tombeaux vivants, masqués
Penchez-vous attendri ! versez votre prière !
La pitié fait sortir des rayons de la pierre.
Plaignez le louveteau, plaignez le lionceau.
La matière, affreux bloc,
Des effets monstrueux, sortis des sombres causes.
Ayez pitié ! voyez des âmes dans les choses.
Hélas ! le cabanon subit aussi
Plaignez le prisonnier, mais plaignez le verrou ;
Plaignez la chaîne au fond des bagnes insalubres ;
La hache et le billot sont deux êtres lugubres ;
La hache souffre autant que le corps, le billot
Souffre autant que la tête ; ô mystères
Ils se livrent une âpre et hideuse bataille ;
Il ébrèche la hache et la hache
Ils se disent tout bas
Et la hache maudit les hommes, sombre essaim,
Quand, le soir, sur le dos du bourreau, son ministre,
Elle revient dans
Ruisselante de sang et reflétant les cieux ;
Et, la nuit, dans
Le cadavre au cou rouge, effrayant, glacé, blême,
Seul, sait ce que lui dit le billot, tronc lui-même.
Oh ! que la terre est froide et que les rocs sont durs !
Quelle muette horreur dans les halliers obscurs !
Les pleurs noirs de la nuit sur la colombe blanche
Tombent ; le vent met nue et torture la branche ;
Quel monologue affreux dans
Quel frisson dans
Dans les cailloux profonds, oubliettes des âmes !
Ténèbres !
Le noir horizon monte et la nuit noire tombe ;
Tous deux, à
Ils vont se rapprochant, et, dans le firmament,
La tenaille de
Oh ! les berceaux font peur. Un bagne est dans un germe.
Ayez pitié, vous tous et qui que vous soyez !
Les hideux châtiments,
Roulent, submergeant tout, excepté les mémoires.
Parfois on voit passer dans ces profondeurs noires
Comme un rayon lointain de
Alors,
Et
Le volcan Alaric à la gueule écarlate,
Le sanglier Selim et le porc Borgia,
Poussent des cris vers
Qui portèrent jadis des mitres sur leurs têtes,
Les grains de sable rois, les brins
Tous les hideux orgueils et toutes les fureurs,
Se brisent ; la douceur saisit le plus farouche ;
Le chat lèche
Le vautour dit dans
Une caresse sort du houx et du chardon ;
Tous les rugissements se fondent en prières ;
On entend
Tous ces sombres cachots
Tressaillent ; le rocher se met à fondre en pleurs.
Des bras se lèvent hors de la tombe dormante ;
Le vent gémit, la nuit se plaint,
Et sous
Tout
Espérez ! espérez ! espérez, misérables !
Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
Pas
Les douleurs vont à Dieu, comme la flèche aux cibles ;
Les bonnes actions sont les gonds invisibles
De la porte du ciel.
Le deuil est la vertu, le remords est le pôle
Des monstres garrottés dont le gouffre est la geôle ;
Quand, devant Jéhovah,
Un vivant reste pur dans les ombres charnelles,
La mort, ange attendri, rapporte ses deux ailes
Les enfers se refont édens ;
Tout globe est un oiseau que le mal tient et lâche.
Vivants, je vous le dis,
Les vertus, parmi vous, font ce labeur auguste
Travaille au paradis.
Aimez-vous ! aimez-vous, car
Le sombre univers, froid, glacé, pesant, réclame
La sublimation de
De
Déjà, dans
Dieu,
Et les globes, ouvrant leur sinistre prunelle,
Vers les immensités de
Se tournent lentement !
Oh ! comme vont chanter toutes les harmonies,
Comme rayonneront dans les sphères bénies
Les faces de clarté,
Ligne 856 ⟶ 852 :
Quand, du monstre matière ouvrant toutes les serres,
Faisant évanouir en splendeurs les misères,
Changeant
Inondant de beauté la nuit diminuée,
Ainsi que le soleil tire à lui la nuée
Et
Dieu, de son regard fixe attirant les ténèbres,
Voyant vers lui, du fond des cloaques funèbres
Où le mal le pria,
Monter
Fera rentrer, parmi les univers archanges,
On verra palpiter les fanges éclairées,
Et briller les laideurs les plus désespérées
Au faîte le plus haut,
Luire, et se redresser, portant des épis
La paille du cachot !
La clarté montera dans tout comme une sève ;
On verra rayonner au front du
Le céleste croissant ;
Le charnier chantera dans
Et sur tous les fumiers apparaîtra dans
Un Job resplendissant !
La profondeur disant à la hauteur : Je
Quel éblouissement au fond des cieux sublimes !
Quel surcroît de clarté que
On verra le troupeau des hydres formidables
Sortir, monter du fond des brumes insondables
Et se transfigurer ;
Des étoiles éclore aux trous noirs de leurs crânes,
Dieu juste ! et, par degrés devenant diaphanes,
Les monstres
Ils viendront, sans pouvoir ni parler ni répondre,
Éperdus ! on verra des auréoles fondre
Les cornes de leur front ;
Ils tiendront dans leur griffe, au milieu des cieux calmes,
Des rayons frissonnants semblables à des palmes ;
Les gueules baiseront !
Ils viendront ! ils viendront, tremblants, brisés
Chacun
Mais pourtant sans effroi ;
On leur tendra les bras de la haute demeure,
Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure,
Lui dira :
Et vers Dieu par la main il conduira ce frère !
Et, quand ils seront près des degrés de lumière
Par nous seuls aperçus,
Tous deux seront si beaux, que Dieu dont
Ne pourra distinguer, père ébloui de joie,
Bélial de Jésus !
Tout sera dit. Le mal expirera, les larmes
Tariront ; plus de fers, plus de deuils, plus
Cessera
Les douleurs finiront dans toute
Criera : Commencement !
Jersey, 1855.
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