« Derniers Contes/L’Ensevelissement prématuré » : différence entre les versions

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==__MATCH__:[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/188]]==
 
 
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la Beresina, du tremblement de terre de Lisbonne, du massacre de la
Saint-Barthelemy, ou de l’etouffement des cent vingt-trois prisonniers
dans le trou noir de Calcutta. Mais dans ces recits, c’est le
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Mais dans ces recits, c’est le
fait — c’est-a-dire la realite — la verite historique qui nous emeut. En
tant que pures inventions, nous ne les regarderions qu’avec horreur.
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Que cette extremite soit arrivee souvent, tres souvent, c’est ce que ne
saurait guere nier tout homme qui reflechit. Les limites qui separent la
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qui separent la
vie de la mort sont tout au moins indecises et vagues. Qui pourra dire
ou l’une commence et ou l’autre finit? Nous savons qu’il y a des cas
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en temps a des inhumations prematurees — en dehors, dis-je, de cette
consideration, nous avons le temoignage direct de l’experience medicale
et ordinaire, qui demontre qu’un grand nombre d’inhumations de ce
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d’inhumations de ce
genre ont reellement eu lieu. Je pourrais en rapporter, si cela etait
necessaire, une centaine d’exemples bien authentiques.
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marbre. Les yeux etaient ternes. Plus aucune chaleur. Le pouls avait
cesse de battre. On garda pendant trois jours le corps sans l’ensevelir,
et dans cet espace de temps il acquit une rigidite de pierre. On se
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de pierre. On se
hata alors de l’enterrer, vu l’etat de rapide decomposition ou on le
supposait.
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ete epuisee par l’evaporation. Sur la plus elevee des marches qui
descendaient dans cet horrible sejour, se trouvait un large fragment du
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/193]]==
cercueil, dont elle semblait s’etre servi pour attirer l’attention en
en frappant la porte de fer. C’est probablement au milieu de cette
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monsieur Renelle, banquier, et diplomate de quelque merite. Une
fois marie, ce monsieur la negligea, ou peut-etre meme la maltraita
brutalement. Apres
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/194]]==
avoir passe avec lui quelques annees miserables, elle
mourut — ou au moins son etat ressemblait tellement a la mort, qu’on
pouvait s’y meprendre. Elle fut ensevelie — non dans un caveau, — mais
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Il employa les plus puissants revulsifs que lui suggera sa science
medicale. Enfin, elle revint a la vie. Elle reconnut son sauveur, et
resta avec lui jusqu’a ce que peu a peu elle eut recouvre ses premieres
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ses premieres
forces. Son coeur de femme n’etait pas de diamant; et cette derniere
lecon d’amour suffit pour l’attendrir. Elle en disposa en faveur
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vraiment terrible.
 
Un officier d’artillerie, d’une stature gigantesque et de la plus
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et de la plus
robuste sante, ayant ete jete a bas d’un cheval intraitable, en recut
une grave contusion a la tete, qui le rendit immediatement insensible.
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debattait sous terre. D’abord on n’attacha que peu d’attention au dire
de cet homme; mais sa terreur evidente, et son entetement a soutenir son
histoire produisirent bientot sur la foule leur effet naturel. On se
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/197]]==
naturel. On se
procura des beches a la hate, et le cercueil qui etait indecemment a
fleur de terre, fut si bien ouvert en quelques minutes que la tete du
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entendu les pas de la foule sur sa tete, et avait essaye de se faire
entendre a son tour. C’etait ce bruit de la foule sur le sol du
cimetiere, disait-il, qui semblait l’avoir reveille d’un profond
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d’un profond
sommeil, et il n’avait pas plus tot ete reveille, qu’il avait eu la
conscience entiere de l’horreur sans pareille de sa position.
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excite la curiosite des medecins qui le soignaient. Apres son deces
apparent, on requit ses amis d’autoriser un examen du corps ''post
mortem'';
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mais ils s’y refuserent. Comme il arrive souvent en presence
de pareils refus, les praticiens resolurent d’exhumer le corps et de le
dissequer a loisir en leur particulier. Ils s’arrangerent sans peine
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La nuit s’avancait. Le jour allait poindre, on jugea expedient de
proceder enfin a la dissection. Un etudiant, particulierement desireux
d’experimenter une theorie de
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son cru, insista pour qu’on appliquat la
batterie a l’un des muscles pectoraux. On fit au corps une violente
echancrure, que l’on mit precipitamment en contact avec un fil, quand le
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Mais ce qu’il y a de plus saisissant dans cette aventure, ce sont les
assertions
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de M. Stapleton lui-meme. Il declare qu’il n’y a pas eu un
moment ou il ait ete completement insensible — qu’il avait une conscience
obtuse et vague de tout ce qui lui arriva, a partir du moment ou ses
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suggerer les plus terribles soupcons.
 
Soupcons
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terribles en effet; mais destinee plus terrible encore! On peut
affirmer sans hesitation, qu’il n’y a pas d’evenement plus terriblement
propre a inspirer le comble de la detresse physique et morale que d’etre
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elles dans le coeur qui palpite encore une horreur intolerable qui fait
palir et reculer l’imagination la plus hardie. Nous ne connaissons pas
sur terre de pareille agonie — nous ne pouvons rever rien d’aussi hideux
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/203]]==
d’aussi hideux
dans les royaumes du dernier des enfers. C’est pourquoi tout ce qu’on
raconte a ce sujet offre un interet si profond — interet, toutefois, qui,
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une espece de lethargie excessive. Il a perdu la sensibilite, et est
exterieurement sans mouvement, mais les pulsations du coeur sont encore
faiblement perceptibles;
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il reste quelques traces de chaleur; une legere
teinte colore encore le centre des joues; et si nous lui appliquons
un miroir aux levres, nous pouvons decouvrir une certaine action des
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deviennent successivement de plus en plus distincts et prolonges. C’est
dans cette gradation qu’est la plus grande securite contre l’inhumation.
L’infortune, dont la ''premiere''
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attaque revetirait les caracteres
extremes, ce qui se voit quelquefois, serait presque inevitablement
condamne a etre enterre vivant.
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du terme un total aneantissement. Je me reveillais, toutefois, de ces
dernieres attaques peu a peu et avec une lenteur proportionnee a la
soudainete de l’acces.
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Aussi lentement que point l’aurore pour le
mendiant sans ami et sans asile, errant dans la rue pendant une longue
nuit desolee d’hiver, aussi tardive pour moi, aussi desiree, aussi
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physique, mais une infinie detresse morale. Mon imagination devenait
un veritable charnier. Je ne parlais que "de vers, de tombes et
d’epitaphes."
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Je me perdais dans des songeries de mort, et l’idee d’etre
enterre vivant ne cessait d’occuper mon cerveau. Le spectre du danger
auquel j’etais expose me hantait jour et nuit. Le jour, cette pensee
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reves, je ne rappellerai qu’une seule vision. Il me sembla que j’etais
plonge dans une crise cataleptique plus longue et plus profonde que
d’ordinaire. Tout a coup je sentis
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tomber sur mon front une main glacee,
et une voix impatiente et mal articulee murmura a mon oreille ce mot:
"Leve-toi!"
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claquent, pendant que je parle, et cependant ce n’est pas du froid de la
nuit — de la nuit sans fin. Mais cette horreur est intolerable. Comment
peux-tu dormir en paix? Je ne puis reposer en entendant le cri de
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cri de
ces grandes agonies. Les voir, c’est plus que je ne puis supporter.
Leve-toi! Viens avec moi dans la nuit exterieure, et laisse-moi te
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ceux qui semblaient reposer tranquillement, je vis qu’un grand nombre
avaient plus ou moins modifie la rigide et incommode position dans
laquelle ils avaient ete cloues dans leur tombe. Et pendant que je
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dans leur tombe. Et pendant que je
regardais, la voix me dit encore: "N’est-ce pas, oh! n’est-ce pas une
vue pitoyable?" Mais avant que j’aie pu trouver un mot de reponse, le
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veritable etat. Je doutai de la sollicitude, de la fidelite de mes plus
chers amis.
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Je craignais que, dans un acces plus prolonge que de coutume, ils ne se
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legere pression sur un long levier prolonge bien avant dans le caveau
faisait jouer le ressort des portes de fer. Il y avait aussi des
arrangements pris pour laisser libre entree a l’air et a la lumiere,
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l’air et a la lumiere,
des receptacles appropries pour la nourriture et l’eau, a la portee
immediate du cercueil destine a me recevoir. Ce cercueil etait
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apathique d’une douleur sourde. L’absence d’inquietude, d’esperance et
d’effort.
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Puis, apres un long intervalle, un tintement dans les oreilles; puis,
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envahissante.
 
Pendant les quelques minutes qui suivirent
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ce cauchemar, je restai sans
mouvement. Je ne me sentais pas le courage de me mouvoir. Je n’osais
pas faire l’effort necessaire pour me rendre compte de ma destinee; et
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montagne, s’ouvraient et palpitaient avec le coeur, a chacune de mes
penibles et haletantes aspirations.
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/215]]==
 
Le mouvement de mes machoires dans l’effort que je fis pour crier me
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ne trouvai rien. L’esperance s’enfuit alors pour toujours, et le
desespoir — un desespoir encore plus terrible — regna triomphant; car je
ne pouvais m’empecher de constater l’absence du capitonnage que j’avais
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/216]]==
du capitonnage que j’avais
si soigneusement prepare; et soudain mes narines sentirent arriver a
elles l’odeur forte et speciale de la terre humide. La conclusion etait
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"Voulez-vous bien finir?" dit un troisieme.
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/217]]==
 
"Qu’avez-vous donc a hurler de la sorte comme une chatte amoureuse?" dit
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que j’occupai ne contenait aucune espece de literie. La largeur extreme
etait de dix-huit pouces; et la distance du fond au pont qui le couvrait
exactement de la meme dimension.
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J’eprouvai une extreme difficulte a
m’y faufiler. Cependant, je dormis profondement; et l’ensemble de
ma vision — car ce n’etait ni un songe, ni un cauchemar — provint
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moi une revulsion inevitable. Mon ame reprit du ton, de l’equilibre.
Je voyageai a l’etranger. Je me livrai a de vigoureux exercices. Je
respirai l’air libre du ciel. Je songeai a autre chose qu’a la mort. Je
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/219]]==
mort. Je
laissai de cote mes livres de medecine. Je brulai ''Buchan''. Je ne lus
plus les ''Pensees Nocturnes'' — plus de galimatias sur les cimetieres,
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l’Oxus, il faut qu’elle dorme ou bien qu’elle nous devore — il faut la
laisser reposer ou nous resigner a mourir.
==[[Page:Poe - Derniers Contes.djvu/220]]==