« Histoire et description naturelle de la commune de Meudon » : différence entre les versions

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L'orangerie était aussi à cette époque une des plus belles qui existassent, tant par le nombre que par la grosseur remarquable des orangers placés les uns à côté des autres.
 
De nouvelles routes et de magnifiques avenues furent percées ; le célèbre Lenôtre agrandit et replanta les jardins qui se faisaient remarquer par une grande pièce de gazon appelée les ''Vertugadins'' dans le haras actuel et une autre pièce non moins vaste, connue sous le nom des ''Cloîtres'', située au milieu du petit parc ; enfin, Meudon devint une résidence des plus agréables où Louis XIV aimait à venir passer auprès de son fils les moments qu'il pouvait arracher aux affaires. Ce monarque y séjournait même deux ou trois jours de suite.
 
Cependant ce vaste château ne suffit pas aux besoins du dauphin ; il en fit construire un autre à 50 toises environ au sud-est du deuxième, et sur l'emplacement de la fameuse grotte de Philibert Delorme. La chapelle fut bénite en 1709. Quand il fut avancé, le roi, qui n'avait fait que l'entrevoir, ne voulut pas y mettre les pieds ; il trouva qu'il ressemblait plutôt à la maison d'un riche financier qu'à celle d'un grand prince.
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« Du reste, pour l'honneur de mademoiselle Choin, il faut ajouter que lorsqu'elle était la maîtresse du dauphin, elle n'eut jamais de maison montée, pas même d'équipage, et qu'elle venait à Meudon et s'en retournait dans une simple voiture de louage ; elle eut l'art de se faire aimer de tout le monde par ses qualités et son affabilité. A la mort du dauphin qui eut lieu à Meudon, elle se retira dans le modeste logement qu'elle avait toujours conservé à Paris, et employa les vingt dernières années de sa vie, à toutes sortes de bonnes œuvres. »
 
Le grand dauphin tomba malade dans les premiers jours d'avril 1711. Louis XIV, ayant appris, le 9, qu'il était réellement atteint de la petite vérole qui faisait alors de grands ravages, se rendit à Meudon pour demeurer auprès de son fils pendant toute sa maladie, et de quelque nature qu'elle pût être. Par un motif très louable, le roi défendit à ses enfants d'y aller, et même à quiconque n'avait pas encore oueu la petite vérole. Malgré les soins des médecins Boudin et Fagon, le dauphin succomba, âgé de cinquante ans, à la petite vérole pourprée, dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 du même mois. Louis XlV partit immédiatement avec madame de Maintenon pour Marly. Bientôt le château de Meudon se trouva désert ; l'infection du cadavre fut si prompte et devint si grande, que la Vallière, le seul des serviteurs qui soit resté constamment auprès de son maître, les capucins et autres personnes, furent obligés de passer la nuit dehors<ref>Durant sa maladie, on avait eu quelque espoir de le conserver ; aussi, les harengères de Paris, amies fidèles du dauphin, qui s'étaient déjà signalées à une forte indigestion qu'on avait prise pour une apoplexie, donnèrent-elles, dans cette circonstance, le second tome de leur zèle ; elles arrivèrent en plusieurs carrosses de louage à Meudon. Le dauphin voulut les voir ; elles se jetèrent au pied de son lit, qu'elles baisèrent plusieurs fois ; et, ravies d'apprendre de si bonnes nouvelles, elles s'écrièrent dans leur joie, qu'elles allaient réjouir tout Paris et faire chanter le ''Te Deum''. » Mém. de S. Simon.</ref>. Son fils, le duc de Bourgogne, devenu deuxième dauphin et père de Louis XV, n'habita jamais Meudon, quoiqu'il eût fait achever le troisième château, et n'y fit que des apparitions passagères.
 
Depuis que Meudon a appartenu au roi, ce lieu a été favorisé de quelques privilèges ; en 1704, on réunit au bailliage les prévôtés de Clamart, de Fleury et de Châville, et il fut dit que les appellations ressortiraient dûment au parlement.
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Meudon semble avoir été de tout temps destiné à servir pour des expériences très remarquables.
 
Vers le milieu du XIII<sup>e</sup> siècle, un médecin de Crémone, appelé d'Romani, imagina d'extraire la pierre de la vessie au moyen d'une méthode toute nouvelle, la cystotomie ou le grand appareil, caractérisée, comme on sait, par l'emploi du cathéter. Cette terrible opération de la taille fut appliquée la première fois en France en 1474, sous Louis XI, par Germain Colot<ref>Laurent Colot, son frère, fut lithotomiste de Henri II. Sa famille posséda le secret de l'opération de la taille jusqu'à la fin du XVI<sup>e</sup> siècle.</ref>, praticien attaché à l'école de médecine de cette époque, sur un francarcher de Meudon, condamné à être pendu au gibet de Montfaucon pour plusieurs larcins commis en divers lieux et même dans l'église de Meudon. Il fut donc abandonné à ce chirurgien pour servir à l'essai de son opération ; on avait promis à ce malheureux sa grâce, s'il se laissait opérer. Le roi ordonna de bien panser cet homme ; quinze jours après, il avait la vie sauve, se trouvait débarrassé d'une cruelle infirmité, el reçut en outre une somme d'argent<ref>Grandes chroniques de Saint-Denis.</ref>.
 
Meudon et Belleville furent choisis, en 1695, pour faire le premier essai d'une machine qui n'est autre que le télégraphe actuel, inventée par Amontons, membre de l'Académie des Sciences, et qui avait alors pour but de correspondre avec un ami éloigné de huit ou dix lieues, et pourvu que le lieu où se trouvait cet ami pût être aperçu. Le dauphin voulut être présent à l'essai de Belleville, comme il l'avait été à celui de Meudon<ref>Le secret, dit Fontenelle, consistait à disposer dans plusieurs postes consécutifs des gens qui, par des lunettes de longue vue, apercevaient certains signaux, lesquels étaient autant de lettres d'un alphabet dont on n'avait le chiffre qu'à Paris et à Rome. La plus grande portée des lunettes réglait la distance des postes, dont le nombre devait être le moindre qu'il fût possible ; et, comme le second poste faisait des signaux au troisième, à mesure qu'il les voyait faire au premier, la nouvelle se trouvait portée de Paris à Rome presque en aussi peu de temps qu'il eu fallait pour faire les signaux à Paris.</ref>.
 
Pendant la révolution, l'ancien château élevé par le cardinal de Lorraine fut converti, d'après un ordre du comité de salut public, en un établissement destiné à faire de nouvelles recherches pour le perfectionnement des divers objets d'artillerie ou des machines de guerre<ref>« On y faisait, vers la fin de 1794, des expériences sur la poudre de muriate suroxygénée de potasse, sur les boulets incendiaires, les boulets creux, les boulets à bague. Plusieurs recherches consistaient à remplacer ou à reproduire les matières premières que les besoins de la guerre dévoraient, pour multiplier le salin et la potasse que la fabrication de la poudre enlevait aux manufactures. Montgaillard, ''Histoire de France'', tom. IV, pag. 289.</ref>. On fit tout à l'entour des retranchements, afin de cacher le but qu'on Vêlait proposé ; on creusa de larges fossés ; des courtines et des redoutes furent élevées de distance en distance, etc. « Les habitants du bourg donnèrent à cette occasion une preuve éclatante de leur zèle patriotique ; ils offrirent tous leurs bras pour contribuer à la confection des travaux, et ils y mirent une telle activité qu'en peu de jours ils furent entièrement terminés. Les commissaires de la Convention furent si satisfaits de cet empressement que, sur la proposition du rapporteur Barrère, l'assemblée déclara que les citoyens de Meudon avaient bien mérité de la patrie, et qu'il serait inséré au bulletin une mention honorable de leur dévouement<ref>La femme d'un journalier nommé Brizard, d'une grande beauté, a été, pendant la révolution, promenée à Meudon comme déesse de la liberté. Devenue mère d'une nombreuse famille, elle finit par tomber, ainsi que son mari, trop enclin à fréquenter les cabarets, dans la plus profonde misère. Je me ressouviens l'avoir vue se drapant encore dans des haillons, triste réminiscence du rôle glorieux qu'elle avait joué.</ref>. »
 
Une activité incroyable régnait dans l'atelier de Meudon ; les ouvriers y travaillaient nuit et jour, et, à tous moments, des charriots chargés de machines de guerre en sortaient pour se rendre aux frontières. Là, furent confectionnés ces aérostats, au moyen desquels on pouvait sans danger reconnaître les forces et les dispositions de l'ennemi ; c'est à l'emploi de ces nouvelles machines qu'est due, en très grande partie, la victoire de Fleurus en 1794.
 
« La découverte d'une méthode pour tanner en peu de jours les cuirs qui exigeaient ordinairement plusieurs années de préparation, a été, dans cette circonstance, inappréciable. On tannait à Meudon la peau humaine, et il est sorti de cet affreux atelier des peaux parfaitement préparées. Il en a été porté des pantalons<ref>II existe encore des livres qu'on a reliés avec la même matière ; le papier est imprégné de la graisse qui ne cesse de s'en échapper.</ref>. Les bons et beaux cadavres des suppliciés étaient écorchés, et leur peau tannée avec un soin particulier. La peau des hommes avait une consistance et un degré de bonté supérieurs à la peau de chamois ; celle des femmes présentait moins de solidité, à raison de la mollesse du tissu<ref>Montgaillard, ''Histoire de France'', tom. IV, p. 290.</ref>. »
 
L'année suivante, dans la fameuse journée du 13 vendémiaire (5 octobre) qui mit Bonaparte en évidence et le fit parvenir plus tard au commandement en chef de l'armée, le général Barras, qui, le matin, avait été investi de celui de l'armée intérieure, envoya à Meudon deux cents hommes de la légion de police qu'il tira de Versailles, cinquante cavaliers des quatre armes, et deux compagnies de vétérans ; il ordonna l'évacuation des effets qui étaient à Marly sur Meudon, fit venir des cartouches, et établit un atelier pour en faire à Meudon<ref>''Mémoires de Bourienne'', tom. I<sup>er</sup>, pag. 91.</ref>.
 
Les expériences dont j'ai parlé plus haut, entreprises dans le vieux château de Meudon, ayant compromis sa solidité, on résolut de le démolir<ref>On prétend que le consentement de Napoléon lui a été surpris.</ref> plutôt que de le réparer, ce qui eût occasionné une dépense considérable ; et cette démolition s'effectua dans le courant des années 1803 et 1804<ref>Les fûts des colonnes en marbre blanc veiné de rouge, de l'arc de triomphe de la place du Carrousel, en proviennent.</ref>.
 
Le château neuf, quoique inférieur en grandeur à l'ancien, ne lui cédait point en magnificence. Tel qu'il a toujours été, les avant-corps sont décorés de colonnes doriques ; l'escalier est aussi éclairé que commode. Le grand vestibule d'entrée décordécoré autrefois par le chef-d'œuvre de Jean de Bologne, l'est aujourd'hui par le groupe de Zéphire enlevant Psyché, dû à l'habile ciseau de Rutxhiel ; la gracieuse statue de Pandore du même artiste occupe le vestibule du roi ; on admire aussi dans l'une des pièces du château toutes garnies de tableaux très estimés, le Cupidon de Chodet coulé par Soyer.
 
Du second étage on se rend de plein-pied dans le parc ; les jardins sont Coupéscoupés en terrasses qui s'élèvent les unes sur les autres ; elles se terminent vers le midi par une pente insensible jusqu'au bas du coteau où il y a deux pièces d'eau et un canal au bout.
 
Après le couronnement de Napoléon, ce château, devenu palais impérial, prit beaucoup d'importance ; on y fit de grandes réparations, et il fut garni de meubles magnifiques confectionnés avec des bois indigènes ; on replanta également les jardins.
 
Napoléon voulait en l'airefaire un institut où il aurait rassemblé tous les princes de la maison impériale, notamment ceux des branches qu'il avait élevées sur des trônes étrangers « destinés, disait-il, à occuper divers trônes et à régir diverses nations ; ces enfants auraient puisé là des principes communs, des mœurs pareilles, des idées semblables, etc.<ref>''Mémorial de Sainte-Hélène'', tom. I<sup>er</sup>, pag. 415.</ref>. »
 
Marie-Louise l'habita avec son fils le roi de Rome, presque constamment depuis 1812 et durant toute la campagne de Russie.
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Si, d'un côté, la commune a été défigurée, par suite de la tranchée profonde faite dans ses collines, pour obtenir une ligne de niveau sur tout le parcours du rail-way, d'un autre, elle s'en dédommage bien par la beauté du viaduc du Val-de-Fleury qui sert à franchir le profond vallon de ce nom ; voici, au reste, la description que donne M. Forgame de cette gigantesque construction<ref>''Voyage pittoresque sur le chemin de fer de Paris à Versailles.''</ref>.
 
« Ce viaduc, aussi remarquable par la pureté de son architecture que pour l'étonnante grandeur de ses proportions, comprend deux rangs d'arcades superposées ; chaque rang est composé de sept arches. Les arches inférieures présentent une ouverture de 7 mètres entre les culées et une hauteur sous clef également de 7 mètres. L'ouverture des arches supérieures est de 10 mètres, et leur hauteur sous clef est de 20 mètres ; les piles qui séparent ces dernières ont 3 mètres d'épaisseur ; l'épaisseur des piles du rang inférieur est de 4 mètres 80 centimètres. Le viaduc est terminé par des culées et présente une longueur totale de 142 mètres 70 centimètres. La hauteur de l'ouvrage au dessus du sol est de 36 mètres, mais l'élévation apparente est réduite à 31 mètres 55 centimètres au moyen d'un remblai qui sert à niveler transversalement le vallon.
 
La première pierre de ce magnifique monument, qui rappelles! bien les grands aqueducs des Romains, et auquel on donna le nom de pont Hélène, en l'honneur de la duchesse d'Orléans, fut posée, le I"<sup>er</sup> octobre 1838, en présence de MM. Auguste Léo, administrateur-général, directeur banquier ; Payen et Perdonnet, ingénieurs en chef ; Jacqueminot, lieutenant-général ; le marquis de Dreux Brézé, pair de France, Teste et Fould (Bénédict), députesdéputés ; Fould (Achille) et le baron de Mecklembourg, propriétaires ; Usquin, membre du conseil municipal de Versailles ; le comte Perthuis, capitaine d'état-major ; et Talabot, députés, tous membres du conseil d'administration de la société anonyme du chemin de fer delàde la rive gauche de Paris à Versailles.
 
La route par laquelle on se rend de Paris à Meudon, était autrefois, comme elle est encore aujourd'hui, à partir des Moulineaux, rapide et dangereuse<ref>Dans son parcours, il faut quelquefois sur huit mètres de longueur en monter un.</ref> ; mais, grâce au zèle éclairé et à la persévérance de M. Obeuf, maire actuel, qui joint à l'habileté consommée du chirurgien celle de l'administrateur, la commune va jouir prochainement d'une nouvelle route sans qu'il lui en coûte une obole<ref>Il paraît que l'administration du chemin de fer de la rive gauche s'est engagée à en faire les frais.</ref>. Pour arriver à ce but, ce magistrat, plein d'énergie, n'a pas craint de s'exposer à une émeute qu'avaient suscitée quelques intérêts particuliers souvent blessés dans ces sortes d'occasions, mais qui devraient se taire en présence de l'intérêt général ; au lieu d'aller en ligne directe comme la route actuelle, elle contournera la montagne en partant toujours des Moulineaux, suivra le val à mi-côte, et aboutira à Meudon par une pente régulière de 64 millimètres par mètre. M. Obeuf a, en outre, fait élargir, aux dépens de sa propriété, un chemin vicinal qu'il a rendu carrossable, lequel permet actuellement de se rendre avec la plus grande facilité au château, tandis qu'auparavant il fallait gravir en droite ligne une côte excessivement apide.
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II n'y a personne qui n'ait été, vers ces derniers temps, frappé de la vitesse extrême avec laquelle les convois du chemin de fer de la rive gauche se rendaient de Paris à Versailles, et réciproquement, surtout dans l'après-midi des beaux dimanches d'été, alors que l'administration tient à satisfaire la foule empressée qui encombre les salles d'attente, où souvent elle fait éclater des murmures d'impatience. Sans être prophète, il était facile de pronostiquer que s'il arrivait jamais un accident grave, ce devait être dans cette circonstance. Y avait-il en effet, à cette époque, pour l'observateur placé à Bellevue, là où le chemin subit plusieurs courbes, un spectacle plus imposant que celui de voir circuler à ''toute vapeur'', suivant l'expression des mécaniciens chauffeurs, une vingtaine de wagons contenant autant de personnes qu'un vaisseau de ligne, remorqués par deux locomotives et leurs tenders ! Cette longue chaîne de voitures réunies bout à bout vacillait avec une si grande force par moments, que l'on aurait pu se figurer, en me servant d'un langage métaphorique, un monstre gigantesque à larges anneaux, vomissant feu et flamme, poussant les sifflements les plus aigus, se tordant et glissant comme un serpent dans les entrailles entrouvertes de la terre, et laissant après lui d'épais tourbillons de vapeur, de soufre et de bitume.
 
Un jour, cependant, ces prévisions, du moins les miennes, se réalisèrent d'une manière épouvantable<ref>Tout le monde a été d'accord pour attribuer cet accident à la trop grande vitesse du convoi sur un plan sensiblement incliné de 4 millim. par mètre. Des personnes échappées à ce désastre ont déclaré devant les tribunaux que le convoi allait avec une si grande rapidité, qu'il leur était impossible de remarquer les objets devant lesquels elles passaient, tels que les maisons, les arbres. <br> Dans son rapport au préfet de Seine-et-Oise, M. Obeuf s'exprime ainsi : « Le convoi parti de Versailles à cinq heures et demie, parcourait le rail-way avec une vitesse extraordinaire ; à cinq heures trois quarts, il fut oui à coup arrêté sur notre commune, etc. <br> « Le mécanicien George, Anglais, homme réputé capable, dirigeait le feu de la première locomotive ; ''il se croyait seul en état d'atteindre la vitesse qu'il disait sans cesse bien supérieure dans son pays'' ; il en a été la première victime ! »</ref>. Ce fut précisément un dimanche sur les six heures du soir, le 8 mai 1842, entre les stations de Bellevue et de Meudon qu'eut lieu un événement dont M. Cordier, pair de France, a le lendemain rendu compte à l'Académie des Sciences au nom de MM. Combes et de Sénarmont, ingénieurs en chef des ponts et chaussées, chargés du service des machines à vapeur du département de la Seine. Depuis ce rapport fait à la hâte, l'enquête judiciaire ayant eu le temps de réunir et d'élaborer tous les renseignements concernant cette terrible catastrophe, je vais, en lui donnant la préférence, reproduire presque complètement la pièce qui a servi de base au procès que l'administration du chemin de fer de la rive gauche a soutenu, plus de six mois après, devant le tribunal de police correctionnelle de Paris. « Le convoi<ref>Il y avait 17 voitures, savoir : 2 wagons découverts de 30 places ; 3 diligences de 46 places ; 9 wagons couverts de 48 places ; 3 wagons à frein de 40 places. Total, 768 voyageurs environ.</ref> qui revenait de Versailles à Paris, entre cinq et six heures du soir, était traîné par deux locomotives, l'Éclair n° 2 et le Mathieu Murray, l'une de petite dimension à quatre roues placée en tête du convoi avec son tender ; l'autre, de grande dimension à six roues, construite par Sharpet et Roberts, suivait immédiatement avec son tender et le reste du convoi.
 
« II venait de passer sur le pont situé entre la station de Bellevue et la borne portant : 8 kilomètres ; quelques secousses réitérées, dont la cause était alors inconnue<ref> La rupture de l'essieu antérieur de la petite locomotive, tombée à 45 mètres à peu près de distance du point où s'est effectué le fatal dénouement, a eu lieu aux deux extrémités, près des collets contigus aux renflements qui sont encastrés dans les moyeux des roues ; le fer de cette barre, de 9 centimètres de diamètre, était devenu lamelleux, à larges facettes. Cette rupture, suivant la majorité des experts, paraît avoir été la cause déterminante de l'accident. MM. Lebas, Cave et Farcot au contraire, l'ont regardée comme étant secondaire ou subordonnée à la rupture du ressort de devant à droite, laquelle aurait déterminé un abaissement du châssis qui supporte l'appareil.</ref> jettent une tardive alarme ; le Mathieu-Murray franchit encore sans obstacle le passage de niveau qui coupe la route départementale n° 40, dite du Pavé-des-Gardes ; seulement il atteint et renverse en passant la guérite et la cabane du garde-barrière Carbon, puis il va s'abattre contre le talus de gauche ; la roue motrice gauche et l'avant de son châssis pénètrent dans le talus. La violence de l'obstacle et du choc arrête subitement le convoi ; l'Éclair, arrivant derrière de toute la force de sa vapeur contrariée et de l'élan du convoi, mais sans suivre la déviation gauche qu'a prise le Mathieu-Murray, brise les deux essieux du tender de cette première machine, en défonce la caisse, et la projette sur la gauche, hors de la voie, dans l'intérieur de l'angle formé par le croisement de la voie de fer avec la route n° 40.
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« Enfin, le poids du convoi lancé, pressant toujours avec violence les voitures qui, comme la diligence venant après, ne parviennent plus à gravir ce sommet placé devant elles, viennent s'écraser, pour ainsi dire, contre lui. Les parois se rejoignent, les banquettes intérieures se rapprochent presque entre elles, et broient les jambes des voyageurs qu'elles emprisonnent ainsi, non moins que les portières fermées à clef des voitures.
 
« Tout cela se passe avec moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Bientôt les charbons répandus sur le sol communiquent le feu aux voitures amoncelées ; la peinture qui les enduit, et, plus encore, les vêtements des victimes, en développent les progrès avec une effroyable rapidité. En dix minutes, il a irréparablement envahi tout ce qui est venu toucher à son foyer ; l'eau bouillante et la vapeur qui s'échappent des machines brisées, mêlent leurs ravages à ceux des flammes, et produisent les plus horribles blessures.
 
« On ne fut maître du feu qu'à neuf heures du soir. »
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Dans la tranchée qui a été faite pour le passage du chemin de fer, on retrouve au dessus des Moulineaux ou du calcaire grossier des indices du grès de Beauchamp, représenté là par d'énormes rognons isolés de grès qu'on peut regarder aussi comme les équivalents d'une couche de même nature.
 
Si les grès inférieurs existent à peine à Meudon, il n'en est pas de même de la grande formation gypseuse qui se révèle sur plusieurs points d'une manière bien caractéristique ; elle règne sans doute dans une grande étendue sous la forêt de Meudon, en affectant la forme de grosses masses ovoïdes semblables à celles qu'a laissé voir la tranchée du chemin de fer de la rive droite dans le parc de Saint-Cloud.
 
M. Obeuf, à qui je dois ce renseignement, exploite depuis longtemps du gypse sur le bord de ce dépôt dont la puissance chez lui, à la profondeur de 23 mètres environ, varie entre 2,274 et 2,599. Il y a recueilli aussi des ossements de pachydermes et des rognons de strontiane sulfatée terreuse, analogues à ceux de Montmartre et des autres collines gypseuses. Dans un puis que l'on a creusé à Bellevue, j'en ai vu sortir du gypse renfermant, comme celui de Ménilmontant, des rognons de silex blond ; plus haut, dans une touille que M. Guillaume fit exécuter au milieu de l'ancien réservoir de Bellevue, la terre argileuse noirâtre qu'on en a retirée contenait une foule de petites huîtres encore analogues à celles des argiles vertes de Montmartre, ainsi que des cylhérées qu'on retrouve à Ménilmontant. Enfin on peut aussi très bien reconnaître les traits de la formation gypseuse, dans la tranchée profonde du chemin de fer de la rive gauche, près du chêne de Doisu.
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Le fer pisolithique en question se retrouve aussi au milieu du terrain de transport dont on commence à apercevoir les traces à Meudon, au niveau du chemin de fer ou à 70 mètres au dessus de celui de la Seine. Dans la tranchée même de ce chemin, près de Bellevue, là précisément où a eu lieu la catastrophe du 8 mai, on voit ce minerai associé à des orbicules siliceux hydratés (calcédoines). Ces deux concrétions ont sans doute été formées dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire au milieu de la terre argileuse rougeâtre interposée entre les cailloux roulés et postérieurement au dépôt du diluvium.
 
Indépendamment du fer pisolithique que je viens de signaler, on voit encore, dans les mêmes localités à meulières, et tout près de la surface du sol, une brèche assez remarquable ; elle est formée : 1° de grains de fer que l'on rencontre fréquemment à l'état libre dans les fossés et le long des chemins de la forêt où ils sont devenus le jouet des eaux ; 2° et de fragments de meulières arrachés les uns et les autres de leur gîte primitif ; ces éléments ont été réunis ensuite par de l'hydrate de fer, de manière à constituer une roche très résistante employée aussi dans les constructions.
 
Enfin, pour ne rien omettre des particularités intéressantes que le fer m'a offertes dans la commune de Meudon, je dois aussi mentionner avoir retrouvé tout à fait dans la partie supérieure des sables protéiques de M. Alexandre Brongniart, fortement colorés en rouge lie de vin, d'assez gros nodules de fer pisolithique, rares, il est vrai, et offrant cela de remarquable, que l'argile qui est unie au fer dans les cas précédents est ici remplacée par du sable. J'ai aussi recueilli dans une autre localité de la forêt de Meudon, des rognons de véritable fer hématite mamelonné et à fibres divergentes.
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L'air passe pour être très pur à Meudon ; je crois même qu'il est trop vif pour les poitrines délicates : il ne serait donc pas prudent d'y envoyer les phtisiques ; celui de Bellevue a, je crois, un inconvénient de plus, celui d'être trop humide et par conséquent ne doit pas convenir aux personnes scrofuleuses. Pour peu qu'il pleuve dès les premiers jours de l'automne, le soleil, ne frappant plus que très obliquement l'ancien parc de Bellevue incliné vers le nord-est, a bien de la peine à dissiper les vapeurs condensées qui, soir et matin, forment de longues traînées blanchâtres à la surface d'un sol frais de sa nature. L'air qu'on respire dans la forêt et même dans son voisinage, est inappréciable ; à une pureté extrême il joint les parfums émanant des arbres et des fleurs. Cependant celui des bois qui environnent les Bruyères de Sèvres et même Bellevue, reçoit aujourd'hui une grave atteinte, depuis qu'on a laissé établir sur ce point un dangereux établissement de poudre fulminante qui saute presque tous les ans ; on ne respire plus dans la promenade la plus agréable de Bellevue, qu'une odeur éthérée, provenant de la dessication des fulminates par l'alcool. Ce gaz est tellement subtil qu'on le reconnaît quelquefois à une distance considérable dans la forêt où, plus d'une fois, j'ai été tenté de l'attribuer aux arbres situés près de moi.
 
Le choléra morbus n'a presque pas fait de ravages à Meudon.
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L'intérêt que l'on porte aujourd'hui à tout ce qui concerne les étoiles filantes, les bolides, comme on est convenu de les appeler maintenant, me fait un devoir de consigner ici que j'ai été singulièrement frappé de la dimension et de l'éclat d'un de ces météores. Quoique je fusse alors très jeune, ce qui m'empêche malheureusement de préciser l'époque, je n'oublierai jamais qu'une masse de feu de la dimension du disque de la lune m'a semblé, dans une belle soirée d'automne, s'être abattue au milieu du bois de Fleury. Etait-ce un aréolithe ?
 
La construction du viaduc de Fleury a donné lieu à un phénomène géologique assez remarquable pour qu'en terminant cet ouvrage j'entre dans quelques détails à ce sujet : Un beau matin, on vit avec une surprise extrême, un mouvement extraordinaire se passer dans un sol qui n'avait jamais été remué ; des maisons s'élevèrent de plusieurs pieds et tout d'une masse sans se démolir ; le pavé du chemin vicinal subit aussi un exhaussement ; des murs se déplacèrent en se crevassant. A coup sûr, on ne pourra contester aux partisans de la théorie des soulèvements, qu'il n'y en ait eu là un véritable, déterminé par la pression énorme que la culée du viaduc fait en terres rapportées venait d'exercer sur le sol argileux formant la base des parties soulevées et détrempé par des pluies abondantes. Plus tard, quelque chose d'analogue s'est présenté comme on sait, près de Ris, sur la ligne du chemin de terfer de Paris à Corbeil, mais là il n'y eut qu'un simple glissement de terrain sur une échelle assez grande cependant pour que les vignobles et les arbres qui se trouvaient au dessus n'aient pas été dérangés de leur position respective.