« De l’envie et de la haine (Traduction Jaques Amiot) » : différence entre les versions

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IL semble qu'il n'y ait point de difference entre haine et envie, ains que ce soit tout un {{:Page:Plutarque car le vice, à parler en general, a plusieurs crochets, par le moyen desquels se remuant çà et là, il donne aux passions qui dependent de luy plusieurs prises et attaches, pour s'entrelasser les unes avec les autres, et comme des maladies compatissent aux inflammations les unes des autres, car autant est fasché de la prosperité d'autruy le mal-veuillant, commeDe l'envieux. Voyla pourquoy nous estimons que benevolence soit contraire à l'une et à l'autre, d'autant que c'est un vouloir-bien à son prochain : et que ce soit tout un le haïr que le porter envie, d'autant qu'ils ont intention contraire à l'aimer. Mais pour autant que les similitudes ne font pas tant un, comme les differences font autre et different, recerchons et examinons ces differences là, en commançant àde la sourcehaine mesme- et origine d'icelles passions1. La haine donques s'engendre en nos coeurs de l'imagination et apprehension que nous avons, que celuy que nous haïssons soit meschant, ou generalement envers tous, ou particulierement envers nous: car communément ceulx qui pensent avoir reçeu tort de quelqu'un sontJPG}} disposez à le haïr, et autrement on hait et void-on mal-volontiers ceulx que lon sçait estre meschants et coustumiers d'outrager autruy, et porte lon envie seulement à ceulx que lon cognoist estre heureux: et pourtant semble il que l'envie soit indeterminee, ne plus ne moins que le mal des yeux qui s'offense de toute clarté et lueur: mais la haine est determinee, estant tousjours fondee et appuyee sur certains subjects au regard d'elle. Secondement le haïr s'estend jusques aux bestes brutes, comme il y en a qui naturellement haissent les chats et les mousches cantharides, les serpens, et les crapaus: et Germanicus ne pouvoit souffrir ny le chant ny la veuë d'un coq: et les Sages des Perses, qu'ils appelloient Magi, tuoient les rats et les souris, tant pource qu'ils les haïssoient eux, comme aussi pource qu'ils disoient que leur Dieu les avoit en horreur, car tous les Arabes et les Aethiopiens generalement les abominent: là où l'envier convient seulement à l'homme contre l'homme, et n'y a point d'apparence de dire qu'il s'imprime envie entre les animaux sauvages des unes contre les autres, d'autant qu'ils n'ont point d'imagination, ny d'apprehension, si un autre est heureux ou mal-heureux, ny ne sont point touchez de sentiment d'honneur ou deshonneur, qui est ce qui plus et principalement aigrit l'envie, là où ils se haïssent les uns les autres, se portent inimitiez, et s'entrefont la guerre les uns aux autres, comme desloyaux, et ausquels il n'ont point de fiance, comme les dragons et les aigles se guerroient, les chat-huants et les corneilles, les mauvis et les chardonnerets: tellement que lon dit qu'encore quand on les a tuez, leur sang ne se peult mesler ensemble, et qui plus est, si vous en meslez, encore s'escoulera il à part, en se separant l'un d'avec l'autre. Et est vraysemblable que la haine qui est entre le lion et le coq procede de la peur, comme aussi entre l'Elephant et le pourceau, car volontiers ce que les animaux craignent, ils le haïssent: de maniere qu'encore en cela se peult assigner difference [p 108r] entre la haine et l'envie, d'autant que la nature des animaux en reçoit bien l'une, et non pas l'autre. Et puis on ne peult estre envieux du bien d'autruy justement, car pour estre heureux lon ne fait point de tort à personne, et neantmoins c'est pour cela que lon est envié, là où au contraire plusieurs sont haïs justement, comme ceux que nous appellons [...] dignes de la haine publique, et ceux qui ne les fuyent, ne les detestent, et ne les abominent: dequoy on peult prendre pour signe, qu'il y en a qui confessent bien en haïr plusieurs, mais ils disent qu'ils ne portent envie à personne, car la haine des meschants est une qualité d'homme de bien. Auquel propos on recite que Charillus, nepveu de Lycurgus, et Roy de Laced@emone, estoit homme fort doulx et debonnaire: dequoy quelques uns le louans, son compagnon en la royauté leur respondit, «Et comment seroit il bon, quand il n'est pas mauvais aux meschants?» Et Homere descrivant la laideur et deformité du corps de Thersites, la depeint et figure par plusieurs parties de sa personne, et par plusieurs circonlocutions, mais la malice de ses moeurs, et perversité de sa nature, fort briefvement, et en une seule sorte,
 
:Haï estoit de Pelides bien fort,