« Règles pour la direction de l’esprit » : différence entre les versions
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{{Titre||[[René Descartes]]|Texte de l’édition [[Victor Cousin]]}}
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Plusieurs personnes s’étonneront peut-être que, traitant ici des moyens de nous rendre plus propres à déduire des vérités les unes des autres, nous omettions de parler des préceptes des dialecticiens, qui croient diriger la raison humaine en lui prescrivant certaines formules de raisonnement si concluantes, que la raison qui s’y confie, encore bien qu’elle se dispense de donner à la déduction même une attention suivie, peut cependant par la vertu de la forme seule arriver à une conclusion certaine. Nous remarquons en effet que la vérité échappe souvent à ces liens, et que ceux qui s’en servent y restent enveloppés. C’est ce qui n’arrive pas si souvent à ceux qui nen font pas usage, et notre expérience nous a démontré que les sophismes les plus subtils ne trompent que les sophistes, et presque jamais ceux qui se servent de leur seule raison. Aussi, dans la crainte que la raison ne nous abandonne quand nous recherchons la vérité dans quelque chose, nous rejetons toutes ces formules comme contraires à notre but, et nous rassemblons seulement tous les secours qui peuvent retenir notre pensée attentive, ainsi que nous le montrerons par la suite. Or pour se convaincre plus complètement que cet art syllogistique ne sert en rien à la découverte de la vérité, il faut remarquer que les dialecticiens ne peuvent former aucun syllogisme qui conclue le vrai, sans en avoir eu avant la matière, c’est-à-dire sans avoir connu d’avance la vérité que ce syllogisme développe. De là il suit que cette forme ne leur donne rien de nouveau ; qu’ainsi la dialectique vulgaire est complètement inutile à celui qui veut découvrir la vérité, mais que seulement elle peut servir à exposer plus facilement aux autres les vérités déjà connues, et qu’ainsi il faut la renvoyer de la philosophie à la rhétorique.
== Règle onzième. ==
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Cette méthode, comme tout le monde le voit, remédie à la lenteur de l’esprit, et augmente même son étendue. Mais ce qu’il faut en outre remarquer, c’est que l’utilité de cette règle consiste surtout en ce que, accoutumés à réfléchir à la dépendance mutuelle de propositions simples, nous acquérons l’habitude de distinguer d’un seul coup celles qui sont plus ou moins relatives, et par quels degrés il faut passer pour les ramener à l’absolu. Par exemple, si je parcours un certain nombre de grandeurs en proportion continue, je remarquerai tout ceci : savoir, que c’est par une conception égale, et ni plus ni moins facile, que je reconnois le rapport de la première à la deuxième, de la deuxième à la troisième, de la troisième à la quatrième, et ainsi de suite, tandis qu’il ne m’est pas si facile de reconnoitre dans quelle dépendance est la seconde de la première et de la troisième tout à la fois, beaucoup plus difficile de reconnoître dans quelle dépendance est la seconde de la première et de la quatrième, et ainsi des autres. Par là je comprends pourquoi, si on ne me donne que la première et la seconde, je puis trouver la troisième et la quatrième et les autres, parceque cela se faisoit par des conceptions particulières et distinctes ; si au contraire on ne me donne que la première ou la troisième, je ne découvrirai pas si facilement celle du milieu, parceque cela ne se peut faire que par une conception qui embrasse à la fois deux des précédentes. Si l’on ne me donne que la première et la quatrième, il me sera plus difficile encore de trouver les deux moyennes, parcequ’il faut d’un seul coup embrasser trois conceptions ; en sorte que conséquemment il paroîtroit encore plus difficile, la première et la cinquième étant données, de trouver les trois moyennes. Mais il est une autre raison pour qu’il en arrive autrement, c’est qu’encore bien qu’il y ait dans notre dernier exemple quatre conceptions jointes ensemble, il est possible cependant de les séparer, parceque le nombre quatre se divise par un autre nombre. Ainsi je puis chercher la troisième grandeur seulement entre la première et la cinquième ; ensuite la deuxième entre la première et la troisième, etc. L’homme accoutumé à réfléchir à ce procédé, chaque fois qu’il examinera une question nouvelle, reconnoitra aussitôt la cause de la difficulté et en même temps le mode de solution le plus simple de tous, ce qui est le plus puissant secours pour la connoissance de la vérité.
== Règle douzième. ==
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Au reste, pour que personne ne se trompe sur l’enchaînement de nos préceptes, nous divisons tout ce qui peut être connu en propositions simples et en questions. Pour les propositions simples nous ne donnerons d’autres préceptes que ceux qui préparent l’entendement à voir distinctement et à étudier avec sagacité tous les objets quelconques, parceque ces propositions doivent se présenter spontanément et ne peuvent être cherchées. C’est ce que nous avons fait dans nos douze premières règles, dans lesquelles nous croyons avoir montré tout ce qui, selon nous, peut faciliter de quelque manière l’usage de la raison. Parmi les questions, les unes se comprennent facilement, quoiqu’on en ignore la solution ; celles-là seules forment l’objet de nos douze règles suivantes : les autres ne se comprennent pas facilement ; nous leur consacrons douze autres règles. Cette division n’a pas été faite sans dessein ; elle a pour but de nous éviter de rien dire qui suppose la connoissance de ce qui suit, et de nous instruire d’abord de ce que nous regardons comme une étude préalable nécessaire à la culture de l’esprit. Il faut remarquer que, parmi les questions qui se comprennent facilement, nous n’admettons que celles où l’on perçoit distinctement ces trois choses, savoir, à quels signes ce qu’on cherche peut-il être reconnu quand il se présentera ? de quoi devons-nous précisément le déduire ? et comment faut-il prouver que ces deux choses dépendent tellement l’une de l’autre, que l’une ne peut changer quand l’autre ne change pas. Ainsi nous aurons toutes nos prémisses, et il ne nous restera plus qu’à faire voir comment il faut trouver la conclusion, non pas en déduisant une chose quelconque d’une chose simple (car, comme nous l’avons dit, cela se fait sans précepte), mais en dégageant avec tant d’art une chose d’un grand nombre d’autres parmi lesquelles elle est enveloppée, qu’il ne faille jamais une plus grande capacité d’esprit que pour la plus simple conclusion. Ces questions, qui sont pour la plupart abstraites et ne se rencontrent que dans l’arithmétique et la géométrie, paraîtront peu utiles à ceux qui ignorent ces sciences ; je les avertis cependant qu’on doit s’appliquer longtemps et s’exercer à apprendre cette méthode, si l’on veut posséder parfaitement la seconde partie de ce traité, où nous traiterons de toutes les autres questions.
== Règle treizième. ==
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Nous nous contentons donc ici de dire qu’il est important de parcourir par ordre tout ce qui est contenu dans la question donnée, en rejetant ce qu’on voit n’y pas servir, en gardant ce qui est nécessaire, et en remettant ce qui est douteux à un examen plus attentif.
== Règle quatorzième. ==
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Cela posé, on en conclut facilement qu’il faut abstraire les proportions des figures mêmes dont s’occupent les géomètres, lorsqu’il en est question, aussi bien que de toute autre matière. Pour cela il ne faut garder que des superficies rectangulaires et rectilignes, et des lignes droites que nous appelons aussi figures, parcequ’elles ne nous servent pas moins que les surfaces à représenter un sujet véritablement étendu, comme je l’ai déjà dit ; enfin par ces lignes il faut représenter tantôt des grandeurs continues, tantôt la pluralité et le nombre, et l’industrie humaine ne peut rien trouver de plus simple pour exposer toutes les différences des rapports.
== Règle quinzième. ==
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''Souvent il est bon de tracer ces figures, et de les montrer aux sens externes, pour tenir plus facilement notre esprit attentif.''
Il apparoît de soi-même comment il faut les tracer, pour
[[Image:DescartesRègle14, f.JPG|center]]
ou de celle-ci [[Image:DescartesRègle14, g.JPG]] , si elles sont commensurables, sans rien ajouter, à moins
== Règle seizième. ==
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''Quant à ce qui n’exige pas l’attention de l’esprit, quoique nécessaire pour la conclusion, il vaut mieux le désigner par de courtes notes que par des figures entières. Par ce moyen la mémoire ne pourra nous faire défaut, et cependant la pensée ne sera pas distraite, pour le retenir, des autres opérations auxquelles elle est occupée.''
Au reste, comme, parmi les innombrables dimensions qui peuvent se figurer dans notre imagination, nous avons dit
Ainsi tout ce
Pour rendre tout ceci plus clair, remarquez
Il faut remarquer ensuite que, par ''nombre des relations'', il faut entendre les proportions qui se suivent en ordre continu, proportions que dans
Enfin, remarquons que, quoique nous croyions ici devoir abstraire de certains nombres les termes de la difficulté pour en examiner la nature, il arrive souvent
Enfin, il faut observer en général
[[Image:DescartesRègle16, a.JPG|center]]
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et ainsi de reste.
Il faut noter en outre que ces quatre règles nous serviront encore dans la troisième partie de ce traité, mais prises dans une plus grande latitude
== Règle dix-septième. ==
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''Il faut parcourir directement la difficulté proposée, en faisant abstraction de ce que quelques uns de ses termes sont connus et les autres inconnus, et en suivant, par la marche véritable, la mutuelle dépendance des unes et des autres.''
Les quatre dernières règles ont appris comment les difficultés déterminées et parfaitement comprises doivent être abstraites de chaque sujet, et réduites au point
Mais quant à présent, il faut remarquer que, dans toute question à résoudre par déduction, il est une voie simple et directe par laquelle nous pouvons passer
▲Mais quant à présent, il faut remarquer que, dans toute question à résoudre par déduction, il est une voie simple et directe par laquelle nous pouvons passer d'un terme à un autre avec la plus grande facilité, tandis que tous les autres chemins sont indirects et plus difficiles. Pour comprendre ceci, il suffit de se rappeler ce que nous avons dit à la règle <small>XI</small><sup>e</sup>, où nous avons exposé quel est l'enchaînement des propositions, qui, comparées isolément, chacune avec la plus voisine, nous laissent facilement apercevoir comment la première et la dernière sont en rapport, encore bien que nous ne puissions pas aussi facilement déduire les intermédiaires des extrêmes. Maintenant, si nous considérons la dépendance de chacune entre elles, sans que l'ordre soit nulle part interrompu, pour conclure de là comment la dernière dépend de la première, nous parcourons directement la difficulté. Mais au contraire, si, de ce que nous savons que la première et la dernière sont jointes entre elles par une connexion quelconque, nous voulions en déduire les intermédiaires qui les unissent, ce serait suivre la marche indirecte et contraire à l'ordre naturel. Mais comme ici nous ne nous occupons que de questions enveloppées, dans lesquelles il faut découvrir par une marche inverse, les extrêmes<ref>Le texte : ''externis''. Lisez : ''extremis''.</ref> étant connus, certains termes intermédiaires, tout l'art en ce lieu doit consister à pouvoir, en supposant connu ce qui ne l'est pas, nous munir d'un moyen facile et direct de recherche même dans les difficultés les plus embarrassées ; et rien n'empêche que cela n'ait toujours lieu, puisque nous avons supposé, au commencement de cette partie, que nous reconnoissons que les termes inconnus dans la question sont dans une mutuelle dépendance des termes connus, tellement qu'ils en sont parfaitement déterminés. Si donc nous réfléchissons aux choses qui se présentent d'abord aussitôt que nous reconnoissons cette détermination, et que nous les mettions, quoique inconnues, au nombre des choses connues, pour en déduire, graduellement et par la vraie route, le connu même comme s'il étoit inconnu, nous remplirons tout ce que cette règle exige. Nous en remettons les exemples, ainsi que d'autres choses dont nous avons à parler, à la règle vingt-quatrième, parceque ce sera mieux là leur place.
== Règle dix-huitième. ==
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''Pour cela il n’est besoin que de quatre opérations, l’addition, la soustraction, la multiplication et la division ; même les deux dernières n’ont souvent pas besoin d’être faites, tant pour ne rien embrasser inutilement, que parcequ’elles peuvent par la suite être plus facilement exécutées.''
La multiplicité des règles vient souvent de
En effet, si nous parvenons à la connoissance
Pour éclaircir ces deux choses, il faut savoir que
Maintenant si
35, dividende donné,
De là, on comprend facilement comment ces deux opérations suffisent pour faire trouver toutes les grandeurs, qui par un rapport quelconque doivent se déduire de certaines autres. Cela bien entendu, il nous reste à exposer comment ces opérations doivent être ramenées à
[[Image:DescartesRègle18, g.JPG|center]]
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[[Image:DescartesRègle18, k.JPG|center]] pour abc.
Enfin dans la division où le diviseur est donné, nous imaginons que la grandeur à diviser est un rectangle, dont un des côtés est diviseur et
Mais dans les divisions où le diviseur
Quant aux autres opérations, elles sont très faciles à faire, de la manière dont nous avons dit
▲Mais dans les divisions où le diviseur n'est pas donné, mais seulement indiqué par un rapport quelconque, comme quand on dit qu'il faut extraire la racine carrée ou cubique, etc., il faut alors concevoir le dividende et tous les autres termes, comme des lignes existant dans une série de proportions continues, dont la première est l'unité, et la dernière la grandeur à diviser ; au reste, comment il faudra trouver entre cette dernière et l'unité toutes les moyennes proportionnelles, c'est ce qui sera dit en son lieu. Il suffit d'avertir que nous supposons de telles opérations non encore achevées ici, puisqu'elles ne peuvent avoir lieu que par une direction inverse et réfléchie de l'imagination, et que nous ne traitons ici que des opérations qui se font directement.
Il est donc nécessaire
▲Quant aux autres opérations, elles sont très faciles à faire, de la manière dont nous avons dit qu'il faut les concevoir. Il reste cependant à exposer comment les termes en doivent être préparés ; car, encore bien qu'à la première apparition d'une difficulté nous soyons libres d'en concevoir les termes, comme des lignes ou des rectangles, sans jamais leur attribuer d'autres figures, ainsi qu'il a été dit règle <small>XIV</small><sup>e</sup>, souvent cependant, dans le cours de l'opération, le rectangle une fois produit par la multiplication de deux lignes doit être bientôt conçu comme une ligne pour l'usage d'une autre opération, ou bien le même rectangle, ou la ligne produite par une addition ou une soustraction, doit être conçu comme un autre rectangle indiqué au dessus de la ligne par laquelle il doit être divisé.
Quoique cette opération soit familière aux moins avancés en géométrie, je
▲Il est donc nécessaire d'exposer ici comment tout rectangle peut se transformer en une ligne, et, d'autre part, la ligne ou même le rectangle en un autre rectangle, dont le côté soit désigné ; cela est très aisé pour les géomètres pour peu qu'ils remarquent que par lignes, toutes les fois que nous les comparons, comme ici, avec un rectangle, nous concevons toujours des rectangles dont un côté est la longueur que nous avons prise pour unité. Ainsi tout se réduit à cette proposition-ci : Étant donné un rectangle, en construire un autre égal sur un côté donné.
▲Quoique cette opération soit familière aux moins avancés en géométrie, je l'exposerai cependant pour ne pas paroître avoir rien oublié.
== Règle dix-neuvième. ==
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''Après avoir trouvé les équations, il faut achever les opérations que nous avons omises, sans jamais employer la multiplication toutes les fois qu’il y aura lieu à division.''
<div style="text-align: right;">(Le reste manque.)</div>
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