« La Religion des Celtes » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
déplacé
+
Ligne 5 :
 
 
<pages index="Dottin - La religion des Celtes.djvu" from=4 to=1820 />
 
, qui portent l’épithète de goborchind « à tête de chèvre ».
; on le représente sous la forme d’un vieillard armé d’un arc, conduisant avec sa langue les hommes enchaînés par les oreilles. Il a suffi qu’un peintre, voulant manifester aux yeux la force de l’éloquence, eût ajouté à Ogmios la massue et la peau de lion d’Héraclès, pour qu’on regardât Ogmios comme l’Héraclès gaulois et qu’on établit entre les deux divinités un rapport fondé uniquement sur un attribut symbolique.
 
Dion Cassius [15] signale le culte chez les Bretons de Boudicca d’une déesse de la Victoire, Andatê ou Andrastê à laquelle on offrait des sacrifices humains. Le nom de cette déesse semble une mauvaise leçon du nom grec Adrastê [16] , « l’Inévitable », traduction ou défiguration d’un nom celtique (Cf. Andarta, déesse des Voconces).
 
Les inscriptions nous font connaître encore les noms d’autres divinités celtiques qui n’ont point été assimilées à des divinités romaines. Nous avons déjà parlé de Borvo, Grannus, Belenus, quelquefois assimilés à Apollon ; de Camulus, Belatucadrus, Nodons, Segomo, quelquefois assimilés à Mars ; de Belisama, Sulis, quelquefois assimilées à Minerve. Deux inscriptions des Pyrénées nous font connaître le nom d’un dieu Abellio, au datif Abellioni ; ce nom peut être d’origine celtique. Une dédicace votive porte le nom d’une déesse auquel manque la lettre initiale : athuboduae ; on a restitué un c et comparé Cathuboduae à Bodb héroïne de l’épopée mythique irlandaise. Les déesses-mères, Matres ou Matronae, auxquelles sont adressées en Gaule de nombreuses dédicaces semblent être des divinités spéciales aux Celtes et aux Germains. Elles sont souvent groupées par trois.
 
Les inscriptions les plus intéressantes sont celles qui sont jointes à des monuments figurés. Parmi ces monuments les plus curieux sont les autels trouvés à Paris en 1710, et conservés au musée de Cluny. Une des faces de ces autels représente un dieu à tête humaine ornée de deux cornes de bélier ; le nom gravé au-dessus de la sculpture est Cernunnos. Une autre face représente un bûcheron abattant un arbre et porte le nom d’Esus. Une troisième face est ornée d’un taureau sur lequel sont perchés trois oiseaux ressemblant à des grues, deux sur le dos, un sur la tête du taureau ; le fond du bas-relief est constitué par des feuillages ; l’inscription porte TARVOS TRIGARANUS qui s’explique facilement par l’irlandais tarbh, le breton tarv taureau ; l’irlandais et le breton tri trois ; le breton et gallois garan grue, et signifie le « Taureau aux trois grues. » Sur une quatrième face est figuré un homme barbu armé d’une massue dont il menace un serpent. On y lit le nom gaulois Smertullos. Les autres faces des autels portent Jupiter, Castor, Pollux et Volcanus.
 
On a rapproché les diverses figures de ce monument des représentations analogues. L’autel de Reims nous offre un dieu assis, les jambes croisées, pressant de la main droite un sac d’où s’échappent des graines que mangent un cerf et un taureau figurés à la partie inférieure du bas-relief, ce dieu a sur la tête des bois de cerf ; à sa droite est un Apollon ; à sa gauche un Mercure. Ce dieu à caractère semi-humain semi-bestial se retrouve sur le chaudron de Gundestrup conservé au musée de Copenhague. On peut y comparer le dragon à tête de bélier qui orne des autels ; tricéphales, la face latérale de la niche d’un Hermès et le chaudron de Gundestrup ; et peut-être, dans l’histoire mythique de l’Irlande, les Fomoré, antagonistes des Tuatha Dê Danann et peuple envahisseur, qui portent l’épithète de goborchind « à tête de chèvre ».
 
Sur l’autel de Trèves est figuré un bûcheron abattant un arbre. Sur les branches de cet arbre sont perchées trois grues et on aperçoit dans le feuillage une tête de taureau. C’est évidemment une représentation abrégée du mythe représenté sur deux faces de l’autel de Paris. M. S. Reinach a comparé les deux autels et démontré que Tarvos Trigaranus et Esus appartenaient à la même scène. L’interprétation de cette scène présente de grandes difficultés. M. d Arbois de Jubainville a eu l’ingénieuse idée d’en chercher la survivance dans deux épisodes de la principale épopée du cycle d’Ulster, l’Enlèvement des vaches de Cualngé. Dans l’un de ces épisodes, Cûchulainn, le champion d’Ulster, abat des arbres pour retarder la marche de l’armée ennemie. Dans un autre épisode, la fée Morrigu, sous la forme d’un oiseau, conseille la fuite au taureau Donn. Il y aurait là la mise en action d’une ancienne tradition celtique dont l’écho serait venu jusqu’en Irlande. Le nom d’homme gaulois Donnotaurus qui semble bien signifier « taureau Donn » est encore une preuve de la communauté des légendes entre les Gaulois et les Irlandais. Mais la légende irlandaise ne saurait nous renseigner sur la signification primitive du mythe du bûcheron et du taureau aux trois grues.