« Les Dimanches d’un bourgeois de Paris/Édition Conard, 1910 » : différence entre les versions

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M. Patissot, rentré chez lui, étudia avec soin son premier itinéraire et voulut essayer ses souliers, dont les garnitures ferrées faisaient des sortes de patins. Il glissa sur le plancher, tomba et se promit de faire attention. Puis il étendit sur des chaises toutes ses emplettes, qu'il considéra longtemps, et il s'endormit avec cette pensée : "C'est étrange que je n'aie pas songé plus tôt à faire des excursions à la campagne !"
 
'''II'''
 
== Première sortie ==
 
 
 
II
 
 
 
Première sortie
 
 
 
M. Patissot travailla mal, toute la semaine, à son ministère. Il rêvait à l'excursion projetée pour le dimanche suivant, et un grand désir de campagne lui était venu tout à coup, un besoin de s'attendrir devant les arbres, cette soif d'idéal champêtre qui hante au printemps les Parisiens.
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Il n'alla pas au ministère le lendemain, tant il avait la migraine.
 
'''III'''
 
== Chez un ami ==
 
 
 
III
 
 
 
Chez un ami
 
 
 
Pendant toute la semaine, Patissot raconta son aventure, et il dépeignait poétiquement les lieux qu'il avait traversés, s'indignant de rencontrer si peu d'enthousiasme autour de lui. Seul, un vieil expéditionnaire toujours taciturne, M. Boivin, surnommé Boileau, lui prêtait une attention soutenue. Il habitait lui-même la campagne, avait un petit jardin qu'il cultivait avec soin ; il se contentait de peu, et était parfaitement heureux, disait-on. Patissot, maintenant, comprenait ses goûts, et la concordance de leurs aspirations les rendit tout de suite amis. Le père Boivin, pour cimenter cette sympathie naissante, l'invita à déjeuner pour le dimanche suivant dans sa petite maison de Colombes.
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Le pauvre bonhomme eut une peur folle, lâcha son ami qui s'écroula dans la boue huileuse de la ruelle, et s'enfuit à toutes jambes jusqu'à la gare.
 
'''IV'''
 
== Pêche à la ligne ==
 
 
 
IV
 
 
 
Pêche à la ligne
 
 
 
La veille du jour où il devait, pour la première fois de sa vie, lancer un hameçon dans une rivière, M. Patissot se procura, contre la somme de 80 centimes, le Parfait pêcheur à la ligne. Il apprit, dans cet ouvrage, mille choses utiles, mais il fut particulièrement frappé par le style, et il retint le passage suivant :
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La pensée lui en vint seulement après le café, et il exigea qu'on la lui apportât. C'était, au milieu de l'assiette, une sorte d'allumette jaunâtre et tordue. Il la mangea cependant avec orgueil, et, le soir, sur l'omnibus, il racontait à ses voisins qu'il avait pris dans la journée quatorze livres de friture.
 
'''V'''
 
== Deux hommes célèbres ==
 
 
 
V
 
 
 
Deux hommes célèbres
 
 
 
M. Patissot avait promis à son ami le canotier qu'il passerait avec lui la journée du dimanche suivant. Une circonstance imprévue dérangea ses projets. Il rencontra un soir, sur le boulevard, un de ses cousins qu'il voyait fort rarement. C'était un journaliste aimable, très lancé dans tous les mondes, et qui proposa son concours à Patissot pour lui montrer bien des choses intéressantes.
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Ils prirent le train à la station de Villaines, et, dans le wagon, Patissot jetait tout haut les noms de l'illustre peintre et du grand romancier, comme s'ils eussent été ses amis. Il s'efforçait même de laisser croire qu'il avait déjeuné chez l'un et dîné chez l'autre.
 
'''VI'''
 
== Avant la fête ==
 
 
 
VI
 
 
 
Avant la fête
 
 
 
La fête approche et des frémissements courent déjà par les rues, ainsi qu'il en passe à la surface des flots lorsque se prépare une tempête. Les boutiques, pavoisées de drapeaux, mettent sur leurs portes une gaieté de teinturerie, et les merciers trompent sur les trois couleurs comme les épiciers sur la chandelle. Les coeurs peu à peu s'exaltent ; on en parle après dîner sur le trottoir ; on a des idées qu'on échange :
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L'autre réfléchit longtemps, mais ne trouva rien. Alors M. Patissot, en désespoir de cause, acheta trois drapeaux avec quatre lanternes.
 
'''VII'''
 
== Une triste histoire ==
 
 
 
VII
 
 
 
Une triste histoire
 
 
 
Pour se reposer des fatigues de la fête, M. Patissot conçut le projet de passer tranquillement le dimanche suivant assis quelque part en face de la nature.
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- Je fuis les femmes, Monsieur !
 
'''VIII'''
 
== Essai d'amour ==
 
 
 
VIII
 
 
 
Essai d'amour
 
 
 
Beaucoup de poètes pensent que la nature n'est pas complète sans la femme, et de là viennent sans doute toutes les comparaisons fleuries qui, dans leurs chants, font tour à tour de notre compagne naturelle une rose, une violette, une tulipe, etc., etc. Le besoin d'attendrissement qui nous prend à l'heure du crépuscule, quand la brume des soirs commence à flotter sur les coteaux, et quand toutes les senteurs de la terre nous grisent, s'épanche imparfaitement en des invocations lyriques ; et M. Patissot, comme les autres, fut pris d'une rage de tendresse, de doux baisers rendus le long des sentiers où coule du soleil, de mains pressées, de tailles rondes ployant sous son étreinte.
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"Gros serin, va !"
 
'''IX'''
 
== Un dîner et quelques idées ==
 
 
 
IX
 
 
 
Un dîner et quelques idées
 
 
 
A l'occasion de la fête nationale, M. Perdrix (Antoine), chef de bureau de M. Patissot, fut nommé chevalier de la Légion d'honneur. Il comptait trente ans de services sous les régimes précédents, et dix années de ralliement au gouvernement actuel. Ses employés, quoique murmurant un peu d'être ainsi récompensés en la personne de leur chef, jugèrent bon de lui offrir une croix enrichie de faux diamants ; et le nouveau chevalier, ne voulant pas rester en arrière, les invita tous à dîner pour le dimanche suivant, dans sa propriété d'Asnières.
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"Non, vraiment M. Rade va beaucoup trop loin. Il a un coup de marteau certainement. On devrait le nommer sous-chef à Charenton."
 
'''X'''
 
== Séance publique ==
 
 
 
X
 
 
 
Séance publique
 
 
 
Des deux côtés d'une porte au-dessus de laquelle le mot "Bal" s'étalait en lettres voyantes, de larges affiches d'un rouge violent annonçaient que, ce dimanche-là, ce lieu de plaisir populaire recevait une autre destination.
 
M. Patissot, qui flânait comme un bon bourgeois, en digérant son déjeuner, et se dirigeait tout doucement vers la gare, s'arrêta, l'oeil saisi par cette couleur écarlate, et il lut :
 
 
 
ASSOCIATION GÉNÉRALE INTERNATIONALE
 
POUR LA REVENDICATION DES DROITS DE LA FEMME
 
 
 
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COMITÉ CENTRAL SIÉGEANT A PARIS
 
 
 
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GRANDE SÉANCE PUBLIQUE
 
 
 
Sous la présidence de la citoyenne libre penseuse Zoé Lamour et de la citoyenne nihiliste russe Éva Schourine, avec le concours d'une délégation de citoyennes du cercle libre de la Pensée indépendante, et d'un groupe de citoyens adhérents.
 
La citoyenne Césarine Brau et le citoyen Sapience Cornut, retour d'exil, prendront la parole.
 
 
La citoyenne Césarine Brau et le citoyen Sapience Cornut, retour d'exil,
 
prendront la parole.
 
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PRIX D'ENTRÉE : 1 FRANC.
 
 
 
Une vieille dame à lunettes, assise devant une table couverte d'un tapis, percevait l'argent. M. Patissot entra.
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Ils y allèrent, pendant que s'apprêtait à répondre la citoyenne Césaire Brau.
 
 
 
31 mai - 18 août 1880