« De la suffisance de la religion naturelle » : différence entre les versions

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10. Cette religion est la plus sensée au jugement des êtres raisonnables, qui les traite le plus en êtres raisonnables, puisqu'elle ne leur propose rien à croire qui soit au-dessus de leur raison et qui n'y soit conforme.
 
 
11.
==[[Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/336]]==
 
11. Cette religion doit être embrassée préférablement à toute autre, qui offre le plus de caractères divins ; or la religion naturelle est de toutes les religions celle qui offre le plus de caractères divins ; car il n'y a aucun caractère divin dans les autres cultes qui ne se reconnaisse dans la religion naturelle, et elle en a que les autres religions n'ont pas, l'immutabilité et l'universalité.
 
12. Qu'est-ce qu'une grâce suffisante et universelle ? Celle qui est accordée à tous les hommes, avec laquelle ils peuvent toujours remplir leurs devoirs et les remplissent quelquefois. Que sera-ce qu'une religion suffisante, sinon la religion naturelle, cette religion donnée à tous les hommes, et avec laquelle ils peuvent toujours remplir leurs devoirs et les ont remplis quelquefois ? D'où il s'ensuit que non seulement la religion naturelle n'est pas insuffisante, mais qu'à proprement parler c'est la seule religion qui le soit ; et qu'il serait infiniment plus absurde de nier la nécessité d'une religion suffisante et universelle, que celle d'une grâce universelle et suffisante, Or, on ne peut nier la nécessité d'une grâce universelle et suffisante sans se précipiter dans des difficultés insurmontables, ni par conséquent celle d'une religion suffisante et universelle. Or la religion naturelle est la seule qui ait ce caractère.
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13. Si la religion naturelle est insuffisante de quelque faccedil;on que ce puisse être, il s'ensuivra de deux choses l'une, ou qu'elle n'a jamais été observée fidèlement par aucun homme qui n'en connaissait point d'autre ; ou que des hommes qui auraient fidèlement observé la seule loi qui leur était connue, auront été punis, ou qu'ils auront été récompensés. S'ils ont été récompensés, donc leur religion était suffisante, puisqu'elle a opéré le même effet que la religion chrétienne, Il est absurde qu'ils aient été punis, il est incroyable qu'aucuns n'aient été fidèles observateurs de leur loi. C'est renfermer toute probité dans un petit coin de terre, ou punir de fort honnêtes gens.
 
 
14.
==[[Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/337]]==
 
14. De toutes les religions celle-là doit être préférée dont la vérité a plus de preuves pour elle et moins d'objections. Or la religion naturelle est dans ce cas ; car on ne fait aucune objection contre elle et tous les religionnaires s'accordent à en démontrer la vérité.
 
15. Comment prouve-t-on son insuffisance? 1° parce que cette insuffisance a été reconnue de tous les autres religionnaires, 2° parce que la connaissance du vrai et la pratique du bon a manqué aux plus sages naturalistes. Fausses preuves. Quant à la première partie, si tous les religionnaires se sont accordés pour convenir de son insuffisance, apparemment que les naturalistes n'en sont pas. En ce cas le naturalisme retombe dans le cas de toutes les religions qui sont tenues pour les meilleures par chacun de ceux qui les professent et non par les autres. Quant à la seconde partie, il est constant que depuis la religion révélée nous n'en connaissons pas mieux Dieu ni nos devoirs. Dieu, parce que tous ses attributs intelligibles étaient découverts, et que les inintelligibles n'ajoutent rien à nos lumières ; nous-mêmes, puisque la connaissance de nous-mêmes se rapportant toute à notre nature et à nos devoirs, nos devoirs se trouvent tous exposés dans les écrits des philosophes païens ; et notre nature est toujours inintelligible, puisque ce qu'on prétend nous apprendre de plus que la philosophie est contenu dans des propositions ou inintelligibles, ou absurdes quand on les entend, et qu'on ne conclut rien contre le naturalisme de conduite des naturalistes. Il est aussi facile que la religion naturelle soit bonne et que ses préceptes aient été mal observés, qu'il l'est que la religion chrétienne soit vraie, quoiqu'il y ait une infinité de mauvais chrétiens.
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18. Tout ce qui a commencé aura une fin, et tout ce qui n'a point eu de commencement ne finira point. Or le christianisme a commenté, or le judaisme a commencé, or il n'y a pas une seule religion sur la terre dont la date ne soit connue, excepté la religion naturelle, donc elle seule ne finira point et toutes les autres passeront.
 
 
19.
==[[Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/339]]==
 
19. De deux religions celle-là doit être préférée qui est le plus évidemment de Dieu et le moins évidemment des hommes. Or la loi naturelle est évidemment de Dieu et elle est infiniment plus évidemment de Dieu qu'il n'est évident qu'aucune autre religion ne soit pas des hommes, car il n'y a point d'objection contre sa divinité, et elle n'a pas besoin de preuves, au lieu qu'on fait mille objections contre la divinité des autres et qu'elles ont besoin pour être admises d'une infinité de preuves.
 
20. Cette religion est préférable qui est la plus analogue à la nature de Dieu ; or la loi naturelle est la plus analogue à la nature de Dieu. Il est de la nature de Dieu d'être incorruptible ; or l'incorruptibilité convient mieux à la loi naturelle qu'à aucune autre ; car les préceptes des autres lois sont écrits dans des livres sujets à tous les événements des choses humaines, à l'abolition, à la mésinterprétation, à l'obscurité etc. Mais la religion naturelle écrite dans le coeur y est à l'abri de toutes les vicissitudes et si elle a quelque révolution à craindre de la part des préjugés et des passions, ces inconvénients-là sont communs avec les autres cultes qui d'ailleurs sont exposés à des sources de changements qui leur sont particulières.
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22. S'il y avait quelque raison de préférer la religion chrétienne à la religion naturelle, c'est que celle-là nous offrirait sur la nature de Dieu et de l'homme des lumières qui nous manqueraient dans celle-ci : or il n'en est rien ; car le christianisme, au lieu d'éclaircir, donne lieu à une multitude infinie de ténèbres
==[[Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/340]]==
et de difficultés. Si l'on demande au naturaliste: Pourquoi l'homme souffre-t-il dans' ce monde ? Il répondra : Je n'en sais rien. Si l'on fait au chrétien la même question, il répondra par une énigme ou par une absurdité. Lequel des deux vaut le mieux ou de l'ignorance ou du mystère, ou plutôt la réponse des deux n'est-elle pas la même ? Pourquoi l'homme souffre-t-il en ce monde, c'est un mystère, dit le chrétien, c'est un mystère, dit le naturaliste : Car remarquez que la réponse du chrétien se résout enfin à cela. S'il dit : l'homme souffre parce que son aïeul a péché, et que vous insistiez : et pourquoi le neveu répond-il de la sottise de son aïeul ? il dit : c'est un mystère. Eh! répliquerais-je au chrétien, que ne disiez-vous d'abord comme moi : si l'homme souffre en ce monde sans qu'il paraisse l'avoir mérité, c'est un mystère ? Ne voyez-vous pas que vous expliquez ce phénomène comme les Chinois expliquaient la suspension du monde dans les airs? " Chinois, qu'est-ce qui soutient le monde ? - Un gros éléphant. - Et l'éléphant, qui le soutient ? - Une tortue. - Et la tortue ? - Je n'en sais rien. - Eh, mon ami, laisse là l'éléphant et la tortue et confesse d'abord ton ignorance. "
 
23. Cette religion est préférable à toutes les autres qui ne peut faire que du bien et jamais de mal. Or telle est la loi naturelle gravée dans le coeur de tous les hommes, ils trouveront tous en eux-mémes des dispositions à l'admettre, au lieu que les autres religions fondées sur des principes étrangers à l'homme et par conséquent nécessairement obscurs pour la plupart d'entre eux ne peuvent manquer d'excitér des dissensions. D'ailleurs il faut admettre ce que l'expérience confirme. Or il est d'expérience que les religions prétendues révélées ont causé mille malheurs, armé les hommes les uns contre les autres et teint toutes les contrées de sang. Or la religion naturelle n'a pas coûté une larme au genre humain.