« La Terre/Première partie/4 » : différence entre les versions

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— D’ailleurs, ça va s’arranger peut-être… Oui, je partage mon bien, on tirera les lots tout à l’heure, après la messe… Alors, quand il aura sa part, Buteau verra, j’espère, à épouser sa cousine.
 
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Bon ! dit le prêtre. Ça suffit, je compte sur vous, père Fouan.
 
Bon ! dit le prêtre. Ça suffit, je compte sur vous, père Fouan.
 
Mais une volée de cloche lui coupa la parole, et il demanda, effaré :
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Et, comme, sans répondre, l’abbé passait précipitamment l’aube et l’étole, il continua :
 
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— Je le dis pour qui je dois le dire… Ça crève les yeux. Voyez-vous ça avec des robes blanches ! Je n’ai pas une procession ici, sans qu’il y en ait une d’enceinte… Non, non, vous lasseriez le bon Dieu lui-même !
 
Il
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les quitta, et la Bécu, restée muette, dut mettre la paix entre les deux mères, qui, excitées, se jetaient leurs filles à la tête ; mais elle la mettait avec des insinuations si fielleuses, que la querelle s’aggrava. Berthe, ah ! oui, on verrait comment elle tournerait, avec ses corsages de velours et son piano ! Et Suzanne, fameuse idée de l’envoyer chez la couturière de Châteaudun, pour qu’elle fît la culbute !
 
Il les quitta, et la Bécu, restée muette, dut mettre la paix entre les deux mères, qui, excitées, se jetaient leurs filles à la tête ; mais elle la mettait avec des insinuations si fielleuses, que la querelle s’aggrava. Berthe, ah ! oui, on verrait comment elle tournerait, avec ses corsages de velours et son piano ! Et Suzanne, fameuse idée de l’envoyer chez la couturière de Châteaudun, pour qu’elle fît la culbute !
 
L’abbé Godard, libre enfin, s’élançait, lorsqu’il se trouva en face des Charles. Son visage s’épanouit d’un large sourire aimable, il lança un grand coup de tricorne. Monsieur majestueux salua, madame fit sa belle révérence. Mais il était dit que le curé ne partirait point, car il n’était pas au bout de la place, qu’une nouvelle rencontre l’arrêta. C’était une grande femme d’une trentaine d’années, qui en paraissait bien cinquante, les cheveux rares, la face plate, molle, jaune de son ; et, cassée, épuisée par des travaux trop rudes, elle chancelait sous un fagot de menu bois.
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— Tiens ! c’est vrai, je t’ai dit de venir, s’écria Macqueron. Ma foi, tout de suite, si ça te plaît.
 
Il décrocha un vieux plat à barbe, prit un savon et de l’
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eaul’eau tiède, pendant que l’autre tirait de sa poche un rasoir grand comme un coutelas, qu’il se mit à repasser sur un cuir fixé à l’étui. Mais une voix glapissante vint de l’épicerie voisine.
 
— Dites-donc, criait Coelina, est-ce que vous allez faire vos saletés sur les tables ?… Ah ! non, je ne veux pas, chez moi, qu’on trouve du poil dans les verres !
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Brusquement calmé, Lengaigne se remit à lui gratter le menton. Il était allé trop loin, il enrageait : sa femme avait raison de dire que ses idées lui joueraient un vilain tour. Et l’on entendit alors une querelle qui éclatait entre Bécu et Jésus-Christ. Le premier avait l’ivresse mauvaise, batailleuse, tandis que l’autre, au contraire, de terrible chenapan qu’il était à jeun, s’attendrissait davantage à chaque verre de vin, devenait d’une douceur et d’une bonhomie d’apôtre soûlard. A cela, il fallait ajouter leur différence radicale d’opinions : le braconnier, républicain, un rouge comme on disait, qui se vantait d’avoir, à Cloyes, en 48, fait danser le rigodon aux bourgeoises ; le garde champêtre, d’un bonapartisme farouche, adorant l’empereur, qu’il prétendait connaître.
 
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Cette déclaration stupéfia les autres. Jésus-Christ et Bécu eux-mêmes, malgré leur ivresse, levèrent la tête. Il y eut un silence, on le regardait comme s’il fût devenu brusquement fou ; et lui, fouetté par l’effet produit, les mains tremblantes pourtant de l’engagement qu’il prenait, ajouta :
 
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Chez les Fouan, lorsque les deux frères furent entrés dans la salle, on se trouva au grand complet. Le père, debout, baissait le nez. La mère, assise près de la table qui occupait le milieu, tricotait de ses mains machinales. En face d’elle, Grosbois avait tant bu et mangé, qu’il s’était assoupi, les yeux à demi ouverts ; tandis que, plus loin, sur deux chaises basses, Fanny et Delhomme attendaient patiemment. Et, choses rares dans cette pièce enfumée, aux vieux meubles pauvres, aux quelques ustensiles mangés par les nettoyages, une feuille de papier blanc, un encrier et une plume étaient posés sur la table, à côté du chapeau de l’arpenteur, un chapeau noir tourné au roux, monumental, qu’il trimballait depuis dix ans, sous la pluie et le soleil. La nuit tombait, l’étroite fenêtre donnait une dernière lueur boueuse, dans laquelle le chapeau prenait une importance extraordinaire, avec ses bords plats et sa forme d’urne.
 
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Un silence régna, solennel.