« Un Drame dans les airs » : différence entre les versions

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Le jour de l’enlèvement était celui de la grande foire de septembre, qui attire tant de monde à Francfort. Le gaz d’éclairage, d’une qualité parfaite et d’une grande force ascensionnelle, m’avait été fourni dans des conditions excellentes, et, vers onze heures du matin, le ballon était rempli, mais seulement aux trois quarts, précaution indispensable, car, à mesure qu’on s’élève, les couches atmosphériques diminuent de densité, et le fluide, enfermé sous les bandes de l’aérostat, acquérant plus d’élasticité, en pourrait faire éclater les parois. Mes calculs m’avaient exactement fourni la quantité de gaz nécessaire pour emporter mes compagnons et moi.
 
 
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Nous devions partir à midi. C’était un coup d’œil magnifique que le spectacle de cette foule impatiente qui se pressait autour de l’enceinte réservée, inondait la place entière, se dégorgeait dans les rues environnantes, et tapissait les maisons de la place du rez-de-chaussée aux pignons d’ardoises. Les grands vents des jours passés avaient fait silence. Une chaleur accablante tombait du ciel sans nuages. Pas un souffle n’animait l’atmosphère. Par un temps pareil, on pouvait redescendre à l’endroit même qu’on avait quitté.
 
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« Tout est-il paré ? » criai-je.
 
 
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Les hommes se disposèrent. Un dernier coup d’œil m’apprit que je pouvais partir.
 
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J’examinai de nouveau mon compagnon.
 
C’était un homme d’une trentaine d’années, simplement vêtu. La rude arête de ses traits dévoilait une énergie indomptable, et il paraissait fort musculeux.
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Tout entier à l’étonnement que lui procurait cette ascension silencieuse, il demeurait immobile, cherchant à distinguer les objets qui se confondaient dans un vague ensemble.
 
« Fâcheuse brume ! » dit-il au bout de quelques instants
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— Personne ne vous prie de descendre, monsieur !
 
— Eh ! ne savez-vous donc pas que pareille chose est arrivée aux comtes de Laurencin et de Dampierre, lorsqu’ils s’élevèrent à Lyon, le 15 janvier 1784.
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Un jeune négociant, nommé Fontaine, escalada la galerie, au risque de faire chavirer la machine !… Il accomplit le voyage, et personne n’en mourut !
 
— Une fois à terre, nous nous expliquerons, répondis-je, piqué du ton léger avec lequel il me parlait.
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« 
« Monsieur ! m’écriai-je avec colère.
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« Monsieur ! m’écriai-je avec colère.
 
— Je connais votre habileté, répondit posément l’inconnu, et vos belles ascensions ont fait du bruit. Mais si l’expérience est sœur de la pratique, elle est quelque peu cousine de la théorie, et j’ai fait de longues études sur l’art aérostatique. Cela m’a porté au cerveau ! » ajouta-t-il tristement en tombant dans une muette contemplation.
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— Voulez-vous donc diminuer le mérite des inventeurs ? répondis-je, car j’avais pris mon parti de l’aventure. N’était-ce pas beau d’avoir prouvé par l’expérience la possibilité de s’élever dans les airs ?
 
— Eh ! monsieur, qui nie la gloire des premiers navigateurs aériens ? Il fallait un courage immense pour s’élever au moyen de ces enveloppes si frêles, qui ne contenaient que de l’air échauffé ! Mais, je vous le demande, la science aérostatique
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a-t-elle donc fait un grand pas depuis les ascensions de Blanchard, c’est-à-dire depuis près d’un siècle ? Voyez, monsieur ! »
 
L’inconnu tira une gravure de son recueil.
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— Par exemple ! Il vaut mieux monter ! Nous lui échapperons plus sûrement. »
 
 
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Et deux nouveaux sacs de sable s’en allèrent dans l’espace.
 
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L’inconnu me parut alors en proie à une certaine agitation.
 
« Moi, monsieur, reprit-il, j’ai étudié et je me suis convaincu que les premiers aéronautes dirigeaient leurs ballons. Sans parler de Blanchard, dont les assertions peuvent être douteuses, Guyton-Morveaux, à l’aide de rames et de gouvernail, imprima à sa machine des mouvements sensibles et une direction marquée. Dernièrement, à Paris, un horloger, M. Julien, a fait à l’Hippodrome de convaincantes expériences, car, grâce à un mécanisme particulier, son appareil
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aérien, de forme oblongue, s’est manifestement dirigé contre le vent. M. Petin a imaginé de juxtaposer quatre ballons à hydrogène, et au moyen de voiles disposées horizontalement et repliées en partie, il espère obtenir une rupture d’équilibre qui, inclinant l’appareil, lui imprimera une marche oblique. On parle bien des moteurs destinés à surmonter la résistance des courants, l’hélice par exemple ; mais l’hélice, se mouvant dans un milieu mobile, ne donnera aucun résultat. Moi, monsieur, moi j’ai découvert le seul moyen de diriger les ballons, et pas une académie n’est venue à mon secours, pas une ville n’a rempli mes listes de souscription, pas un gouvernement n’a voulu m’entendre ! C’est infâme ! »
 
L’inconnu se débattait en gesticulant, et la nacelle éprouvait de violentes oscillations. J’eus beaucoup de peine à le contenir.
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— Monsieur, il faut descendre, repris-je en essayant de le prendre par la douceur. L’orage se forme autour de nous. Il ne serait pas prudent…
 
— Bah ! Nous monterons plus haut que lui, et nous ne le craindrons plus ! s’écria mon compagnon. Quoi de plus beau que de dominer ces nuages qui écrasent la terre ! N’est-ce point un honneur de naviguer ainsi sur les flots aériens ? Les plus grands personnages ont voyagé comme nous. La marquise et la comtesse de Montalembert, la comtesse de Podenas, Mlle La Garde, le
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marquis de Montalembert sont partis du faubourg Saint-Antoine pour ces rivages inconnus, et le duc de Chartres a déployé beaucoup d’adresse et de présence d’esprit dans son ascension du 15 juillet 1781. À Lyon, les comtes de Laurencin et de Dampierre ; à Nantes, M. de Luynes ; à Bordeaux, d’Arbelet des Granges ; en Italie, le chevalier Andréani ; de nos jours, le duc de Brunswick ont laissé dans les airs la trace de leur gloire. Pour égaler ces grands personnages, il faut aller plus haut qu’eux dans les profondeurs célestes ! Se rapprocher de l’infini, c’est le comprendre ! »
 
La raréfaction de l’air dilatait considérablement l’hydrogène du ballon, et je voyais sa partie inférieure, laissée vide à dessein, se gonfler et rendre indispensable l’ouverture de la soupape ; mais mon compagnon ne semblait pas décidé à me laisser manœuvrer à ma guise. Je résolus donc de tirer en secret la corde de la soupape, pendant qu’il parlait avec animation, car je craignais de deviner à qui j’avais affaire ! C’eût été trop horrible ! Il était environ une heure moins un quart. Nous avions quitté Francfort depuis quarante minutes, et du côté du sud arrivaient contre le vent d’épais nuages prêts à se heurter contre nous.
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Je tirai la corde de la soupape, et le baromètre commença à remonter. Il était temps ! Quelques roulements lointains grondaient dans le sud.
 
« Voyez cette autre gravure, reprit l’inconnu, sans soupçonner mes manœuvres. C’est un immense ballon enlevant un navire, des châteaux forts, des maisons, etc. Les caricaturistes ne pensaient pas que leurs niaiseries deviendraient un jour des vérités ! Il est complet, ce grand vaisseau ; à gauche, son gouvernail, avec le logement des pilotes ; à la proue, maisons de plaisance,
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orgue gigantesque et canon pour appeler l’attention des habitants de la terre ou de la lune ; au-dessus de la poupe, l’observatoire et le ballon-chaloupe ; au cercle équatorial, le logement de l’armée ; à gauche, le fanal, puis les galeries supérieures pour les promenades, les voiles, les ailerons ; au-dessous, les cafés et le magasin général des vivres. Admirez cette magnifique annonce : « Inventé pour le bonheur du genre humain, ce globe partira incessamment pour les échelles du Levant, et à son retour il annoncera ses voyages tant pour les deux pôles que pour les extrémités de l’occident. Il ne faut se mettre en peine de rien ; tout est prévu, tout ira bien. Il y aura un tarif exact pour tous les lieux de passage, mais les prix seront les mêmes pour les contrées les plus éloignées de notre hémisphère ; savoir : mille louis pour un des dits voyages quelconques. Et l’on peut dire que cette somme est bien modique, eu égard à la célérité, à la commodité et aux agréments dont on jouira dans ledit aérostat, agréments que l’on ne rencontre pas ici-bas, attendu que dans ce ballon chacun y trouvera les choses de son imagination. Cela est si vrai, que, dans le même lieu, les uns seront au bal, les autres en station ; les uns feront chère exquise et les autres jeûneront ; quiconque voudra s’entretenir avec des gens d’esprit trouvera à qui parler ; quiconque sera bête ne manquera pas d’égal. Ainsi, le plaisir sera l’âme de la société aérienne ! » Toutes ces inventions ont fait rire … Mais avant peu, si mes jours n’étaient comptés, on verrait que ces projets en l’air sont des réalités ! »
 
Nous descendions visiblement. Il ne s’en apercevait pas !
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Cependant, le ballon heureusement se rapprochait de terre ; mais, quand on tombe, le danger est aussi grave à cent pieds qu’à cinq mille !
 
« Vous rappelez-vous la bataille de Fleuras ? reprit mon compagnon, dont
« Vous rappelez-vous la bataille de Fleuras ? reprit mon compagnon, dont la face s’animait de plus en plus. C’est à cette bataille que Coutelle, par l’ordre du gouvernement, organisa une compagnie d’aérostiers ! Au siège de Maubeuge, le général Jourdan retira de tels services de ce nouveau mode d’observation, que deux fois par jour, et avec le général lui-même, Coutelle s’élevait dans les airs. La correspondance entre l’aéronaute et les aérostiers qui retenaient le ballon s’opérait au moyen de petits drapeaux blancs, rouges et jaunes. Souvent des coups de carabine et de canon furent tirés sur l’appareil à l’instant où il s’élevait, mais sans résultat. Lorsque Jourdan se prépara à investir Charleroi, Coutelle se rendit près de cette place, s’enleva de la plaine de Jumet, et resta sept ou huit heures en observation avec le général Morlot, ce qui contribua sans doute à nous donner la victoire de Fleuras. Et, en effet, le général Jourdan proclama hautement les secours qu’il avait retirés des observations aéronautiques. Eh bien ! malgré les services rendus à cette occasion et pendant la campagne de Belgique, l’année qui avait vu commencer la carrière militaire des ballons la vit aussi terminer ! Et l’école de Meudon, fondée par le gouvernement, fut fermée par Bonaparte à son retour d’Égypte ! Et cependant, qu’attendre de l’enfant qui vient de naître ? avait dit Franklin. L’enfant était né viable, il ne fallait pas l’étouffer ! »
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« Vous rappelez-vous la bataille de Fleuras ? reprit mon compagnon, dont la face s’animait de plus en plus. C’est à cette bataille que Coutelle, par l’ordre du gouvernement, organisa une compagnie d’aérostiers ! Au siège de Maubeuge, le général Jourdan retira de tels services de ce nouveau mode d’observation, que deux fois par jour, et avec le général lui-même, Coutelle s’élevait dans les airs. La correspondance entre l’aéronaute et les aérostiers qui retenaient le ballon s’opérait au moyen de petits drapeaux blancs, rouges et jaunes. Souvent des coups de carabine et de canon furent tirés sur l’appareil à l’instant où il s’élevait, mais sans résultat. Lorsque Jourdan se prépara à investir Charleroi, Coutelle se rendit près de cette place, s’enleva de la plaine de Jumet, et resta sept ou huit heures en observation avec le général Morlot, ce qui contribua sans doute à nous donner la victoire de Fleuras. Et, en effet, le général Jourdan proclama hautement les secours qu’il avait retirés des observations aéronautiques. Eh bien ! malgré les services rendus à cette occasion et pendant la campagne de Belgique, l’année qui avait vu commencer la carrière militaire des ballons la vit aussi terminer ! Et l’école de Meudon, fondée par le gouvernement, fut fermée par Bonaparte à son retour d’Égypte ! Et cependant, qu’attendre de l’enfant qui vient de naître ? avait dit Franklin. L’enfant était né viable, il ne fallait pas l’étouffer ! »
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sans doute à nous donner la victoire de Fleuras. Et, en effet, le général Jourdan proclama hautement les secours qu’il avait retirés des observations aéronautiques. Eh bien ! malgré les services rendus à cette occasion et pendant la campagne de Belgique, l’année qui avait vu commencer la carrière militaire des ballons la vit aussi terminer ! Et l’école de Meudon, fondée par le gouvernement, fut fermée par Bonaparte à son retour d’Égypte ! Et cependant, qu’attendre de l’enfant qui vient de naître ? avait dit Franklin. L’enfant était né viable, il ne fallait pas l’étouffer ! »
 
 
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L’inconnu courba son front sur ses mains, se prit à réfléchir quelques instants. Puis, sans relever la tête, il me dit :
 
« 
« Malgré ma défense, monsieur, vous avez ouvert la soupape ? »
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« Malgré ma défense, monsieur, vous avez ouvert la soupape ? »
 
Je lâchai la corde.
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« — Le ballon est déchiré ? dit Jefferies. « — Non ! la perte du gaz a dégonflé la partie inférieure du ballon ! Mais nous descendons toujours ! Nous sommes perdus ! En bas toutes les choses inutiles ! »
 
« 
« Les provisions de bouche, les rames et le gouvernail furent jetés à la mer. Les aéronautes n’étaient plus qu’à cent mètres de hauteur.
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« Les provisions de bouche, les rames et le gouvernail furent jetés à la mer. Les aéronautes n’étaient plus qu’à cent mètres de hauteur.
 
« — Nous remontons, dit le docteur.
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« Avec un bon vent, nous irions loin ! s’écria-t-il. Dans les Antilles, il y a des courants d’air qui font cent lieues à l’heure ! Lors du couronnement de Napoléon, Garnerin lança un ballon illuminé de verres de couleurs, à onze heures du soir. Le vent soufflait du nord-nord-ouest. Le lendemain au point du jour, les habitants de Rome saluaient son passage au-dessus du dôme de Saint-Pierre ! Nous irons plus loin … et plus haut ! »
 
 
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J’entendais à peine ! Tout bourdonnait autour de moi ! Une trouée se fit dans les nuages.
 
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Et le baromètre alla rejoindre la boussole avec quelques sacs de terre. Nous devions être à cinq mille mètres de hauteur. Quelques glaçons s’attachaient déjà aux parois de la nacelle, et une sorte de neige fine me pénétrait jusqu’aux os. Et cependant un effroyable orage éclatait sous nos pieds, mais nous étions plus haut que lui.
 
« N’ayez pas peur, me dit l’inconnu. Il n’y a que les imprudents qui deviennent des victimes. Olivari, qui périt à Orléans, s’enlevait dans une montgolfière en papier ; sa nacelle, suspendue au-dessous du réchaud et lestée de matières combustibles, devint la proie des flammes ; Olivari tomba et se tua !
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Mosment s’enlevait à Lille, sur un plateau léger ; une oscillation lui fit perdre l’équilibre ; Mosment tomba et se tua ! Bittorf, à Manheim, vit son ballon de papier s’enflammer dans les airs ; Bittorf tomba et se tua ! Harris s’éleva dans un ballon mal construit, dont la soupape trop grande ne put se refermer ; Harris tomba et se tua ! Sadler, privé de lest par son long séjour dans l’air, fut entraîné sur la ville de Boston et heurté contre les cheminées ; Sadler tomba et se tua ! Coking descendit avec un parachute convexe qu’il prétendait perfectionné ; Coking tomba et se tua ! Eh bien, je les aime, ces victimes de leur imprudence, et je mourrai comme elles ! Plus haut ! plus haut ! »
 
Tous les fantômes de cette nécrologie me passaient devant les yeux ! La raréfaction de l’air et les rayons du soleil augmentaient la dilatation du gaz, et le ballon montait toujours ! Je tentai machinalement d’ouvrir la soupape, mais l’inconnu en coupa la corde à quelques pieds au-dessus de ma tête … J’étais perdu !
 
« Avez-vous vu tomber Mme Blanchard ? me dit-il. Je l’ai vue, moi ! oui, moi ! J’étais au Tivoli le 6 juillet 1819. Mme Blanchard s’élevait dans un ballon de petite taille, pour épargner les frais de remplissage, et elle était obligée de le gonfler entièrement. Aussi, le gaz fusait-il par l’appendice inférieur, laissant sur sa route une véritable traînée d’hydrogène. Elle emportait, suspendue au-dessous de sa nacelle par un fil de fer, une sorte d’auréole d’artifice qu’elle devait enflammer. Maintes fois, elle avait répété cette expérience. Ce jour-là, elle enlevait de plus un petit parachute lesté par un artifice terminé en boule à pluie d’argent. Elle devait lancer cet appareil, après l’avoir enflammé avec une lance à feu toute préparée à cet effet. Elle partit. La nuit était sombre. Au moment d’allumer son artifice, elle eut l’imprudence de faire passer la lance à feu sous la colonne d’hydrogène qui fusait hors du ballon. J’avais les yeux fixés sur elle. Tout à coup, une lueur inattendue éclaire les ténèbres. Je crus à une surprise de l’habile aéronaute. La lueur grandit, disparut soudain et reparut au sommet de l’aérostat sous la forme d’un immense jet de gaz enflammé. Cette clarté sinistre se projetait sur le boulevard et sur tout le quartier Montmartre. Alors, je vis la malheureuse se lever, essayer deux fois de comprimer l’appendice du ballon pour éteindre le feu, puis s’asseoir dans sa nacelle et chercher à diriger sa descente, car elle ne tombait pas. La combustion du gaz dura plusieurs minutes. Le ballon, s’amoindrissant de plus en plus, descendait toujours, mais ce n’était pas une chute ! Le vent soufflait du nord-ouest et le rejeta sur Paris. Alors, aux environs de la maison n° 16, rue de Provence, il y avait d’immenses jardins. L’aéronaute pouvait y tomber sans danger. Mais, fatalité ! Le ballon et
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la nacelle portent sur le toit de la maison ! Le choc fut léger. « À moi ! » crie l’infortunée. J’arrivais dans la rue à ce moment. La nacelle glissa sur le toit, rencontra un crampon de fer. À cette secousse, Mme Blanchard fut lancée hors de sa nacelle et précipitée sur le pavé. Mme Blanchard se tua ! »
 
Ces histoires me glaçaient d’horreur ! L’inconnu était debout, tête nue, cheveux hérissés, yeux hagards !
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« — Elle ne peut plus brûler dans cet air raréfié, » dit Zambecarri !
 
« 
« La lune n’était pas levée, et l’atmosphère était plongée dans une ténébreuse horreur.
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« La lune n’était pas levée, et l’atmosphère était plongée dans une ténébreuse horreur.
 
« — J’ai froid, j’ai froid ! Andréoli. Que faire ? »
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« Au point du jour, ils se trouvèrent vis-à-vis de Pesaro, à quatre milles de la côte. Ils y allaient aborder, quand un coup de vent les rejeta en pleine mer.
 
« 
« Ils étaient perdus ! Les barques épouvantées fuyaient à leur approche !… Heureusement, un navigateur plus instruit les accosta, les hissa à bord, et ils débarquèrent à Ferrada.
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« Ils étaient perdus ! Les barques épouvantées fuyaient à leur approche !… Heureusement, un navigateur plus instruit les accosta, les hissa à bord, et ils débarquèrent à Ferrada.
 
« Voyage effrayant, n’est-ce pas ? Mais Zambecarri était un homme énergique et brave. À peine remis de ses souffrances, il recommença ses ascensions. Pendant l’une d’elles, il se heurta contre un arbre, sa lampe à esprit-de-vin se répandit sur ses vêtements ; il fut couvert de feu, et sa machine commençait à s’embraser, quand il put redescendre à demi brûlé !
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« 
« Et en présence de ces faits, nous hésiterions encore ! Non ! Plus nous irons haut, plus la mort sera glorieuse ! »
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« Et en présence de ces faits, nous hésiterions encore ! Non ! Plus nous irons haut, plus la mort sera glorieuse ! »
 
Le ballon entièrement délesté de tous les objets qu’il contenait, nous fûmes emportés à des hauteurs inappréciables ! L’aérostat vibrait dans l’atmosphère. Le moindre bruit faisait éclater les voûtes célestes. Notre globe, le seul objet qui frappât ma vue dans l’immensité, semblait prêt à s’anéantir, et, au-dessus de nous, les hauteurs du ciel étoile se perdaient dans les ténèbres profondes !
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« Voici l’heure ! me dit-il. Il faut mourir ! Nous sommes rejetés par les hommes ! Ils nous méprisent ! Écrasons-les !
 
— Grâce ! fis-je.
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Grâce ! fis-je.
 
— Coupons ces cordes ! Que cette nacelle soit abandonnée dans l’espace ! La force attractive changera de direction, et nous aborderons au soleil ! »
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[[Catégorie:XIXe
== reste ==
siècle]]
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