« Le Manteau (trad. Golschmann et Jaubert) » : différence entre les versions

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{{titre|Le Manteau|[[Auteur:Nikolaï Gogol|Nicolas Vassiliévitch Gogol]]|1842<br />Traduction du russe par [[Auteur:Léon Golschmann|Léon Golschmann]] et [[Auteur:Ernest Jaubert|Ernest Jaubert]], 1896|Manteau}}
 
 
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{{T2|Le Manteau}}
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Pour répondre à ses désirs on ouvrit l’almanach à un autre endroit et on mit le doigt sur deux autres noms : Trifili et Warachatius.
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– Mais c’est une punition du bon Dieu ! s’exclama la mère. A-t-on jamais vu des noms pareils ! C’est la première fois de ma vie que j’en entends parler. Si c’était encore Waradat ou Baruch, mais Trifili et Warachatius !
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Et il y avait quelque chose de particulièrement touchant dans ces paroles et dans la manière dont il les prononçait.
 
Un jour, il arriva qu’un tout jeune homme qui venait d’obtenir un emploi dans les bureaux, poussé par l’exemple des autres, voulut rire comme eux
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à ses dépens, et se trouva tout à coup cloué au sol par cette voix ; si bien qu’à partir de ce moment il vit le vieil employé d’un tout autre œil.
 
On eût dit qu’une puissance surnaturelle l’éloignait de ses autres collègues qu’il avait appris à connaître et qu’il avait pris d’abord pour des gens comme il faut et bien élevés. Maintenant il éprouvait pour eux une véritable répulsion. Et bien longtemps après, au milieu des plus joyeuses compagnies, il avait toujours sous les yeux l’image du pauvre petit conseiller titulaire avec son front chauve, et il entendait résonner à ses oreilles :
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Il semblait qu’en dehors de la copie il n’existât pour lui rien, rien au monde. Il ne pensait pas à s’habiller. Son uniforme, qui était originellement vert, avait tourné au rouge ; sa cravate était devenue si étroite, si recroquevillée, que son cou, bien qu’il ne fût pas long, sortait du collet de son habit et paraissait d’une grandeur démesurée, comme ces chats de plâtre à la tête branlante que les marchands colportent dans les villages russes pour les vendre aux paysans.
 
Il y avait toujours quelque chose qui s’accrochait à ses vêtements, tantôt un bout de fil, tantôt un fétu de paille. Il avait aussi une prédilection toute spéciale à passer sous les fenêtres juste au moment où l’on lançait dans la rue un objet qui n’était rien moins que propre, et il était rare que son chapeau ne fût orné de quelque écorce d’orange ou d’un autre débris de ce genre. Jamais il ne lui arrivait de s’occuper de ce qui se passait dans les rues et de tout ce qui
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frappait les regards perçants de ses collègues, accoutumés à voir tout de suite sur le trottoir opposé à celui qu’ils suivaient un mortel en pantalon effilé, ce qui leur procurait toujours un contentement inexprimable.
 
Akaki Akakievitch, lui, ne voyait que les lignes bien droites, bien régulières de ses copies et il fallait qu’il se heurtât soudainement à un cheval qui lui soufflait à pleins naseaux dans la figure, pour se rappeler qu’il n’était pas à son pupitre, devant ses beaux modèles de calligraphie, mais au beau milieu de la rue.
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À Saint-Pétersbourg, tous ceux qui n’ont qu’un revenu de quatre cents roubles, ou un peu plus ou un peu moins, ont un terrible ennemi, et cet ennemi si redoutable n’est autre que le froid du nord, quoiqu’on le dise généralement très favorable à la santé.
 
Vers neuf heures du matin, quand les employés des diverses divisions se
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rendent à leur bureau, le froid leur pince si rudement le nez que la plupart d’entre eux ne savent s’ils doivent poursuivre leur chemin ou rentrer chez eux.
 
Si dans ces moments les hauts dignitaires en personne souffrent du froid au point que les larmes leur en viennent aux yeux, que ne doivent pas avoir à endurer les titulaires qui n’ont pas les moyens de se garantir contre les rigueurs de l’hiver ? S’ils n’ont pu s’envelopper que dans un manteau léger, il ne leur reste pour ressource que d’enfiler à la course cinq ou six rues, et de faire ensuite une halte chez le portier pour se réchauffer en attendant qu’ils aient recouvré leurs facultés bureaucratiques.
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Tandis que le conseiller titulaire escaladait les marches glissantes, il calculait ce que Petrovitch pourrait bien lui demander pour la réparation, et il résolut de lui offrir un rouble.
 
La porte de l’ouvrier était ouverte pour donner une issue aux nuages émanés de la cuisine où la femme de Petrovitch faisait en ce moment cuire
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du poisson. Akaki traversa la cuisine, presque aveuglé par la fumée, sans que la femme le vît, et entra dans la chambre où le tailleur était assis sur une grande table grossièrement façonnée, les jambes croisées comme un pacha turc et, suivant l’habitude de la plupart des tailleurs russes, les pieds nus.
 
Ce qui attirait tout d’abord l’attention lorsqu’on s’approchait de lui, c’était l’ongle de son pouce, un peu ébréché, mais dur et raide comme une écaille de tortue. Il portait au cou plusieurs écheveaux de fil, et sur ses genoux, il avait un habit déguenillé. Depuis quelques minutes, il s’évertuait à enfiler son aiguille, sans y réussir. Il avait d’abord tempêté contre l’obscurité, puis contre le fil.
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– Je voudrais… Petrovitch… ce manteau… voyez-vous… d’ailleurs, selon moi… je le crois encore bon… sauf un peu de poussière… Eh ! sans doute il a l’air un peu vieux… mais il est encore tout neuf… seulement un peu de frottement… là dans le dos… et ici à l’épaule… deux ou trois petits accrocs… Vous voyez ce que c’est… cela ne vaut pas la peine d’en parler… Vous me raccommoderez cela en une couple de minutes.
 
Petrovitch prit le malheureux manteau, l’étala sur la table, le considéra en silence et hocha la tête. Puis il étendit le bras vers la fenêtre pour atteindre sa tabatière ronde ornée d’un portrait de général. Je ne saurais dire de quel
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général, car cette image héroïque ayant été endommagée par hasard, le tailleur, en homme avisé, avait collé dessus un morceau de papier.
 
Quand Petrovitch eut fini de humer sa prise, il examina de nouveau le capuchon, l’exposa à la lumière et hocha la tête pour la seconde fois. Puis il visita la doublure, souleva derechef le couvercle de sa tabatière jadis ornée de l’image du général, prit une seconde prise et s’écria enfin :
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– Petrovitch, je vous en conjure, interrompit Akaki Akakievitch d’une voix suppliante, n’entendant plus et ne voulant plus entendre le tailleur, je vous conjure de réparer ce manteau, pour qu’il puisse durer encore quelque temps.
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– Non ! ce serait peine perdue et une dépense inutile, un pur gaspillage.
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– Non, encore une fois non, répliqua Petrovitch, absolument impossible. Rapportez-vous-en à moi. Je ne vous surferai<ref>Surfaire : Estimer ou exiger un prix trop élevé.Salle des délibérations</ref> pas. Et je mettrai, comme c’est la mode, des œillets et des agrafes d’argent au collet.
 
Akaki comprit qu’il devait se soumettre à la volonté du tailleur et pour la seconde fois il sentit toutes ses forces l’abandonner. Se faire faire un manteau neuf ? Mais avec quoi le payer ? Il avait, à vrai dire, à compter sur une gratification officielle. Mais il lui avait déjà trouvé une destination. Il devait s’acheter un pantalon et payer son bottier, qui lui avait réparé deux paires
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de bottes ; il devait faire emplette de linge, bref tout était réglé d’avance. Si le directeur – ce qui eût été un bonheur inespéré – portait la gratification de quarante roubles à cinquante, qu’était ce maigre surplus en comparaison de la somme inouïe, énorme, demandée par Petrovitch ? Une goutte d’eau dans l’Océan.
 
Il y avait encore à espérer de la part de Petrovitch, s’il était de bonne humeur, une réduction importante sur le prix, d’autant plus que sa femme lui dit :
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Chacune de ces visites donnait lieu à de nouvelles considérations ; mais il rentrait, chaque fois, plus heureux chez lui, car le jour devait enfin arriver où tout serait acheté, où le manteau serait prêt.
 
Ce grand événement se produisit plus tôt qu’il ne l’avait espéré. Le directeur
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donna une gratification non de quarante, de cinquante, mais de soixante-cinq roubles. Ce digne fonctionnaire avait-il remarqué que notre ami Akaki Akakievitch avait besoin d’un manteau ? Ou bien notre héros ne devait-il cette libéralité exceptionnelle qu’à une bonne fortune ?
 
Quoi qu’il en fût, Akaki s’enrichissait de vingt roubles. Une pareille augmentation de ses ressources devait nécessairement hâter la réalisation de sa mémorable entreprise.
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Petrovitch sortit avec lui et s’arrêta au beau milieu de la rue pour le suivre du regard aussi loin qu’il put, puis il enfila à la hâte une rue de traverse pour jeter un dernier coup d’œil sur le conseiller titulaire et sur son manteau.
 
Plein des plus agréables pensées, Akaki gagnait pas à pas son bureau. Il sentait
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à chaque instant qu’il avait un vêtement neuf sur ses épaules et s’adressait à lui-même un doux sourire de contentement.
 
Deux choses avant tout lui trottaient dans le cerveau : d’abord le manteau était chaud et puis il était beau. Sans prendre garde au chemin qu’il parcourut, il entra tout droit dans l’hôtel de la Chancellerie, déposa son trésor dans l’antichambre, l’inspecta en tous sens et regarda ensuite le portier d’un air tout particulier.
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D’abord le conseiller titulaire traversa plusieurs rues mal éclairées, qui semblaient toutes désertes, mais plus il se rapprochait de l’habitation de son supérieur, plus les rues devenaient brillantes et animées. Il rencontra un nombre incalculable de passants vêtus à la dernière mode, de belles dames et de messieurs qui avaient des collets de castor. Les traîneaux de paysans avec leurs bancs de bois devenaient de plus en plus rares, et à chaque instant, il apercevait des cochers habiles en bonnet de velours qui conduisaient des traîneaux en bois vernis, garnis de peaux d’ours, ou de splendides carrosses.
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C’était pour notre Akaki un spectacle absolument nouveau. Depuis nombre d’années il n’était pas sorti le soir. Il s’arrêta tout curieux devant l’étalage d’un marchand d’objets d’art. Un tableau attira surtout son attention. C’était le portrait d’une femme, tirant son soulier et montrant son petit pied mignon à un jeune homme, à grandes moustaches et à grands favoris, qui regardait par la porte entrouverte.
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Les rues étaient encore éclairées. Les petits cabarets hantés par les domestiques et par le bas peuple étaient encore ouverts ; quelques-uns étaient déjà fermés, mais aux lumières qui se voyaient à l’extérieur il était facile de deviner que les clients n’étaient pas encore partis.
 
Tout joyeux et en ébriété, Akaki Akakievitch prit le chemin de sa maison. Tout à coup il s’aperçut qu’il était dans une rue où le jour et encore plus la nuit tout était silencieux. Autour de lui tout avait un aspect sinistre. Çà et là
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une lanterne qui, faute d’huile, menaçait de s’éteindre, des maisons de bois, des palissades, mais nulle part une âme vivante. À la pâle lueur de ces lanternes mourantes scintillait la neige et, enveloppées dans les ténèbres, les petites constructions s’alignaient tristement. Il arriva à un endroit où la rue débouchait dans une immense place à peine bordée, à l’autre extrémité, de quelques maisons, et offrant l’apparence d’un vaste et lugubre désert.
 
Au loin, Dieu sait où, vacillait la lumière d’un falot éclairant une guérite qui lui sembla au bout du monde. Le conseiller titulaire perdit tout d’un coup son humeur joyeuse. Il alla, le cœur serré, vers la lumière ; il pressentait l’imminence d’un danger. L’espace qu’il avait devant lui ne lui apparaissait plus que comme un océan.
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Après cette recommandation pleine de sollicitude, Akaki se retira tristement dans sa chambre. Pour peu qu’on se représente sa situation, on comprendra quelle nuit il passa.
 
Le lendemain matin il se rendit chez le commissaire du quartier. On lui apprit que ce haut fonctionnaire dormait encore. À dix heures, il y revint. Le
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haut fonctionnaire dormait toujours. À midi, le commissaire était sorti. Le conseiller titulaire se représenta encore à l’heure du repas, mais alors les commis lui demandèrent pourquoi il mettait tant d’insistance à vouloir voir leur chef. Pour la première fois de sa vie, Akaki fit preuve d’énergie. Il déclara qu’il avait besoin de parler au commissaire sur-le-champ et qu’on ne devait pas reconduire, car il s’agissait d’une affaire officielle et si quelqu’un se permettait de lui mettre des bâtons dans les roues, il pourrait lui en coûter cher.
 
Il n’y avait rien à répliquer à ce ton. Un des commis sortit pour aller prévenir son chef. Celui-ci donna audience à Akaki, mais l’écouta d’une façon assez singulière. Au lieu de s’intéresser au fait principal, c’est-à-dire au vol, il demanda au conseiller titulaire comment il se faisait qu’il courait les rues à une heure indue et s’il ne s’était pas trouvé à quelque réunion suspecte.
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C’est la marche ordinaire des affaires dans notre sainte Russie. Le désir de faire comme les hauts fonctionnaires fait que chacun singe les manières de son supérieur. Il n’y a pas longtemps, un conseiller titulaire devenu chef d’un petit bureau fit mettre sur l’une de ses pièces un écriteau portant ces mots : ''Salle des délibérations''. Là se tenaient des valets à collet rouge en habits brodés, pour annoncer les postulants qu’ils introduisaient dans la salle, si petite qu’il y avait tout juste la place pour une chaise.
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Mais revenons à notre haut personnage. Il avait le maintien imposant, mais un peu embarrassé : son système se résumait en un mot : sévérité, sévérité, sévérité. Il répétait ce mot trois fois de suite, et la dernière fois, il fixait un regard pénétrant sur celui à qui il avait affaire. Il aurait pu se dispenser de déployer tant d’énergie, car les dix subalternes qu’il avait sous ses ordres le craignaient assez sans cela. Dès qu’ils le voyaient arriver de loin, ils s’empressaient de déposer leur plume et accouraient se tenir debout sur son passage. Dans ses conversations avec ses subordonnés, il gardait toujours une attitude fière et ne disait guère que ces paroles :
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À la fin, après plusieurs autres dialogues et plusieurs autres pauses, pendant lesquelles les deux amis, étendus dans leurs fauteuils, envoyaient au plafond la fumée de leurs cigares, le directeur général se rappela tout à coup qu’on lui avait demandé audience. Il appela son secrétaire qui se tenait à la porte avec plusieurs dossiers et lui ordonna de faire entrer le solliciteur.
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Quand il vit Akaki l’air humble, en vieil uniforme usé, s’approcher de lui, il se tourna brusquement vers lui et d’un ton raide :
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Comment Akaki arriva au bas de l’escalier et comment il traversa la rue, il eût été sans doute incapable d’en rendre compte lui-même, car il était plus mort que vivant. De sa vie il n’avait été grondé par un directeur général et surtout par un directeur général aussi sévère.
 
Il marcha sous l’orage, qui rugissait au dehors, sans s’apercevoir du temps affreux qu’il faisait, sans chercher contre la tempête un abri sur le trottoir. Le
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vent qui soufflait de toutes les directions et sortait en rafales de toutes les ruelles lui causa une inflammation de la gorge. Arrivé chez lui, il fut hors d’état de prononcer une parole. Il se mit au lit, tant était décisif l’effet produit par la leçon du directeur général.
 
Le lendemain, Akaki eut une fièvre violente. Grâce au climat de Saint-Pétersbourg, sa maladie fit en très peu de temps des progrès alarmants. Quand le médecin arriva, tous les secours de l’art étaient déjà inutiles. Le docteur lui tâta le pouls, rédigea une ordonnance pour ne pas le laisser mourir sans l’assistance de la Faculté, et déclara que le malade n’avait plus que deux jours à vivre.
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Ce fut ainsi que les collègues d’Akaki apprirent sa mort.
 
Le lendemain sa place fut occupée par un autre employé d’une nature un
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peu plus robuste et qui ne se donna pas la peine de mouler les lettres en copiant les actes.
 
Il semblerait que l’histoire d’Akaki dût finir ici et que nous n’eussions plus rien à apprendre de lui. Mais le modeste conseiller titulaire était destiné à faire après sa mort plus de bruit que de son vivant, et ici notre récit prend un tour fantastique.
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Pour chasser ses impressions désagréables, il se rendit vers le soir chez un ami où il espérait rencontrer une société charmante et, ce qui était le point capital, d’autres personnes que des fonctionnaires de son rang, de manière à ne pas devoir se sentir gêné.
 
Et en effet, il se vit bientôt délivré de toutes ses pensées mélancoliques, il
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s’anima, il prit feu, il se mêla à la conversation comme si de rien n’eût été et il passa une très belle soirée.
 
Au souper, il but deux verres de Champagne, ce qui, comme on le sait, est un excellent moyen pour recouvrer la gaieté. Sous l’influence du breuvage mousseux, il eut l’idée de ne pas rentrer immédiatement chez lui et d’aller faire une visite à un autre ami qu’il n’avait pas revu depuis un certain temps.
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– Savez-vous à qui vous parlez ? Savez-vous qui est devant vous ? Ou s’il lui arrivait encore de s’adresser à eux d’un ton impérieux, c’était du moins après avoir écouté leur requête.
 
Et encore, rarement ! Depuis ce jour aussi le spectre cessa de se montrer. Il est probable qu’il n’avait eu d’autre dessein que de mettre la main sur le manteau du directeur général ; maintenant qu’il l’avait, il ne désirait plus rien. Toutefois, plusieurs personnes assuraient que le fantôme apparaissait encore dans d’autres quartiers de la ville… Un factionnaire racontait qu’il
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l’avait vu de ses propres yeux, comme une ombre fugitive, se glisser derrière une maison. Mais ce factionnaire était d’un naturel si craintif, que les gens prenaient souvent plaisir à le railler de ses craintes chimériques. Comme il n’osait pas arrêter le spectre au passage, il s’était contenté de se glisser à son tour prudemment derrière lui. Mais le spectre s’était brusquement retourné et avait crié : « Que veux-tu ? » en montrant un poing si formidable que personne n’en avait jamais vu de pareil.
 
– Je ne veux rien, répondit le factionnaire, et il s’empressa de rebrousser chemin.
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[[Catégorie:Nouvelles]]
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