« Aurore (Nietzsche)/Livre premier » : différence entre les versions

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''Luther, le grand bienfaiteur''. — Ce que Luther a fait de plus important, c’est d’avoir éveillé la méfiance à l’égard des saints et de la vie contemplative tout entière : à partir de son époque seulement le chemin qui mène à une vie contemplative non chrétienne a de nouveau été rendu accessible en Europe et un frein a été mis au mépris de l’activité laïque. Luther, qui resta un brave fils de mineur lorsqu’on l’eut enfermé dans un couvent, où, à défaut d’autres profondeurs et d’autres « filons », il descendit en lui-même pour y creuser de terribles galeries souterraines ; Luther s’aperçut enfin qu’une vie sainte et contemplative lui était impossible et que l’« activité » qu’il tenait de naissance le minerait corps et âme. Trop longtemps il essaya de trouver par les mortifications le chemin qui mène à la sainteté, — mais il finit enfin par prendre une résolution et par se dire à part lui : « Il n’existe pas de véritable vie contemplative ! Nous nous sommes laissés tromper ! Les saints ne valaient pas plus que nous tous. » — c’était là, il est vrai, une façon bien paysanne d’avoir raison, — mais pour des Allemands de cette époque, c’était elle seule qui fût véritablement appropriée : comme ils étaient édifiés de pouvoir lire dans le catéchisme de Luther : « En dehors des dix commandements, il n’y a pas d’œuvre qui puisse plaire à Dieu, — les œuvres spirituelles, tant vantées des saints, sont purement imaginaires » !
''Combien de forces le penseur doit maintenant réunir en lui''. — Devenir étranger aux considérations des sens, s’élever à l’abstraction, — autrefois on éprouvait vraiment cela comme une élévation : nous ne pouvons plus avoir tout à fait les mêmes sentiments. L’ivresse créée par les plus pâles images des mots et des choses, le commerce avec les êtres invisibles, imperceptibles, intangibles, étaient considérés comme existence dans un autre monde supérieur, une existence née du profond mépris pour le monde perceptible aux sens, ce monde séducteur et mauvais. « Loin de nous séduire, ces abstractions peuvent désormais nous conduire ! » — à ces paroles on s’élançait comme si l’on voulait gravir des sommets. Ce n’est pas le contenu de ces jeux spirituels, ce sont ces jeux eux-mêmes qui furent « la chose supérieure » dans la préhistoire de la science. De là l’admiration de Platon pour la dialectique, de là sa foi enthousiaste dans le rapport nécessaire de celle-ci avec l’homme bon, délivré des sens. Ce ne sont pas seulement les différentes façons de connaître qui ont été découvertes séparément et peu à peu, mais encore les moyens de la connaissance en général, les conditions et les opérations, qui, dans l’homme, précèdent l’acte de connaître. Et toujours il semblait que l’opération nouvellement découverte, ou les états d’âme nouveaux ne fussent point des moyens pour arriver à toute connaissance, mais le but désiré, la teneur et la somme de ce qu’il faut connaître. Le penseur a besoin de l’imagination, de l’élan, de l’abstraction, de la spiritualisation, du sens inventif, du pressentiment, de l’induction, de la dialectique, de la déduction, de la critique, du groupement des matériaux, de la pensée impersonnelle, de la contemplation et de la synthèse, et non moins de justice et d’amour à l’égard de tout ce qui est, — mais dans l’histoire de la vie contemplative, tous ces moyens ont été considérés, chacun séparément, comme but et comme but suprême, et ils ont procuré à leurs inventeurs cette félicité qui emplit l’âme humaine lorsqu’elle s’éclaire du rayonnement d’un but suprême.
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