« Aurore (Nietzsche)/Livre deuxième » : différence entre les versions

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''Contre la définition du but moral''. – De tous côtés on entend maintenant dire que le but de la morale est quelque chose comme la conservation et l’avancement de l’humanité ; mais c’est là vouloir posséder une formule et rien de plus. Conservation de quoi ? faut-il demander avant tout, avancement vers quoi ? – N’a-t-on pas oublié l’essentiel dans la formule : la réponse à ce « de quoi », à ce « vers quoi » ? Qu’en résulte-t-il pour la doctrine des devoirs de l’homme qui n’ait pas été fixé déjà tacitement et sans y penser ? Cette formule dit-elle suffisamment s’il faut viser à prolonger le plus l’existence de l’espèce humaine, ou à faire sortir autant que possible l’homme de l’animalité ? Combien différents devraient être dans les deux cas les moyens, c’est-à-dire la morale pratique ! En admettant que l’on veuille rendre l’humanité aussi raisonnable que possible, cela ne garantirait certes pas sa plus longue durée ! Ou bien, en admettant que l’on songe à son « plus grand bonheur », pour répondre à ce « de quoi », à ce « vers quoi » : songe-t-on alors au plus haut degré de bonheur que quelques individus pourraient atteindre peu à peu ? Ou bien à une félicité moyenne, indéfinissable, mais que tous pourraient atteindre ? Et pourquoi choisirait-on la moralité pour arriver à ce but ? La moralité n’a-t-elle pas, dans son ensemble, créé une telle source de déplaisir que l’on pourrait plutôt prétendre qu’avec chaque affinement de la moralité l’homme est devenu plus mécontent de lui-même, de son prochain et de son sort dans l’existence ? L’homme qui jusqu’à présent a été le plus moral n’a-t-il pas cru que le seul état de l’homme qui puisse se justifier vis-à-vis de la morale était la plus profonde misère ?
''Cause de l’« altruisme »''. – Les hommes ont en somme parlé de l’amour avec tant d’emphase et d’adoration parce qu’ils n’en ont jamais trouvé beaucoup et qu’ils ne pouvaient jamais se rassasier de cette nourriture : c’est ainsi qu’elle finit par devenir pour eux « nourriture divine ». Si un poète voulait montrer l’image réalisée de l’utopie de l’universel amour des hommes, certainement il lui faudrait décrire un état atroce et ridicule dont jamais on ne vit l’équivalent sur la terre, – chacun serait harcelé, importuné et désiré, non par un seul homme aimant, comme cela arrive maintenant, mais par des milliers, et même par tout le monde, grâce à une tendance irrésistible que l’on insultera alors, que l’on maudira autant que l’a fait l’humanité ancienne avec l’égoïsme ; et les poètes de cet état nouveau, si on leur laisse le temps de composer des œuvres, ne rêveront que du passé bienheureux et sans amour, du divin égoïsme, de la solitude qui jadis était encore possible sur la terre, de la tranquillité, de l’état d’antipathie, de haine, de mépris, et quels que soient les noms que l’on veuille donner à l’infamie de la chère animalité, où nous vivons.
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