« Aurore (Nietzsche)/Livre deuxième » : différence entre les versions
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''Ce que l’on appelle le « moi »''. – Le langage et les préjugés sur quoi s’édifie le langage forment souvent obstacle à l’approfondissement des phénomènes intérieurs et des instincts : par le fait qu’il n’existe de mots que pour les degrés superlatifs de ces phénomènes et de ces instincts. – Or nous sommes habitués à ne plus observer exactement dès que les mots nous manquent, puisqu’il est alors pénible de penser avec précision ; on allait même autrefois jusqu’à décréter involontairement que là où cesse le règne des mots, cesse aussi le règne de l’existence. Colère, haine, amour, pitié, désir, connaissance, joie, douleur, – ce ne sont là que des noms pour des conditions extrêmes ; les degrés plus pondérés, plus moyens nous échappent, plus encore les degrés inférieurs, sans cesse en jeu, et c’est pourtant eux qui tissent la toile de notre caractère et de notre destinée. Il arrive souvent que ces explosions extrêmes – et le plaisir ou le déplaisir les plus médiocres, dont nous sommes conscients, soit en mangeant un mets, soit en écoutant un son, constituent peut-être encore, selon une évaluation exacte, des explosions extrêmes – déchirent la toile et forment alors des exceptions violentes, le plus souvent par suite de surrections : – et combien, comme telles, peuvent-elles induire l’observateur en erreur ! Tout comme elles trompent, d’ailleurs, l’homme actif. Tous, tant que nous sommes, nous ne sommes pas ce que nous paraissons être d’après les seuls états dont nous ayons conscience et pour lesquels nous ayons des mots – et, par conséquent, le blâme et la louange ; nous nous méconnaissons d’après ces explosions grossières qui nous sont seules connues, nous tirons des conclusions d’après une matière où les exceptions l’emportent sur la règle, nous nous trompons en lisant ce grimoire de notre moi, clair en apparence. Cependant, l’opinion que nous avons de nous-mêmes, cette opinion que nous nous sommes formée par cette voie erronée, ce que l’on appelle le « moi », travaille dès lors à former notre caractère et notre destinée. ––
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