« Ainsi parlait Zarathoustra/Troisième partie/De la vision et de l’énigme » : différence entre les versions

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L'homme cependant est la bête la plus courageuse, c'est ainsi qu'il a vaincu toutes les bêtes. Au son de la fanfare, il a surmonté toutes les douleurs; mais la douleur humaine est la plus profonde douleur.
 
Le courage tue aussi le vertige au bord des abîmes: et où l'homme ne serait-il pas au bord des abîmes ? Ne suffit-il pas de regarder - pour regarder des abîmes ?
 
Le courage est le meilleur des meurtriers: le courage tue aussi la pitié. Et la pitié est l'abîme le plus profond: l'homme voit au fond de la souffrance, aussi profondément qu'il voit au fond de la vie.
 
Le courage cependant est le meilleur des meurtriers, le courage qui attaque: il finira par tuer la mort, car il dit: "Comment ? était-ce là la vie ? Allons ! Recommençons encore une fois !"
 
Dans une telle maxime, il y a beaucoup de fanfare. Que celui qui a des oreilles entende. -
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Considère cet instant ! repris-je. De ce portique du moment une longue et éternelle rue retourne en arrière: derrière nous il y a une éternité.
 
Toute chose qui sait courir ne doit-elle pas avoir parcouru cette rue ? Toute chose qui peut arriver ne doit-elle pas être déjà arrivée, accomplie, passée ?
 
Et si tout ce qui est a déjà été: que penses-tu, nain, de cet instant ? Ce portique lui aussi ne doit-il pas déjà - avoir été ?
 
Et toutes choses ne sont-elles pas enchevêtrées de telle sorte que cet instant tire après lui toutes les choses de l'avenir ? Donc - aussi lui-même ?
 
Car toute chose qui sait courir ne doit-elle pas suivre une seconde fois cette longue route qui monte ! -
 
Et cette lente araignée qui rampe au clair de lune, et ce clair de lune lui-même, et moi et toi, réunis sous ce portique, chuchotant des choses éternelles, ne faut-il pas que nous ayons tous déjà été ici ?
 
Ne devons-nous pas revenir et courir de nouveau dans cette autre rue qui monte devant nous, dans cette longue rue lugubre - ne faut-il pas qu'éternellement nous revenions ? -"
 
Ainsi parlais-je et d'une voix toujours plus basse, car j'avais peur de mes propres pensées et de mes arrière-pensées. Alors soudain j'entendis un chien hurler tout près de nous.
 
Ai-je jamais entendu un chien hurler ainsi ? Mes pensées essayaient de se souvenir en retournant en arrière. Oui ! Lorsque j'étais enfant, dans ma plus lointaine enfance:
 
c'est alors que j'entendis un chien hurler ainsi. Et je le vis aussi, le poil hérissé, le cour tendu, tremblant, au milieu de la nuit la plus silencieuse, où les chiens eux-mêmes croient aux fantômes: -
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C'est ce qui exaspéra le chien: car les chiens croient aux voleurs et aux fantômes. Et lorsque j'entendis de nouveau hurler ainsi, je fus de nouveau prit de pitié.
 
Où donc avaient passé maintenant le nain, le portique, l'araignée et tous les chuchotements ? Avais-je donc rêvé ? M'étais-je éveillé ? Je me trouvai soudain parmi de sauvages rochers, seul, abandonné au clair de lune solitaire.
 
Mais un homme gisait là ! Et voici ! le chien bondissant, hérissé, gémissant, - maintenant qu'il me voyait venir - se mit à hurler, à crier: - ai-je jamais entendu un chien crier ainsi au secours ?
 
Et, en vérité, je n'ai jamais rien vu de semblable à ce que je vis là. Je vis un jeune berger, qui se tordait, râlant et convulsé, le visage décomposé, et un lourd serpent noir pendant hors de sa bouche.
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Devinez-moi donc l'énigme que je vis alors et expliquez-moi la vision du plus solitaire !
 
Car ce fut une vision et une prévision: - quel symbole était-ce que je vis alors ? Et quel est celui qui doit venir !
 
Qui est le berger à qui le serpent est entré dans le gosier ? Quel est l'homme dont le gosier subira ainsi l'atteinte de ce qu'il y a de plus noir et de terrible ?
 
Le berger cependant se mit à mordre comme mon cri le lui conseillait, il mordit d'un bon coup de dent ! Il cracha loin de lui la tête du serpent -: et il bondit sur ses jambes. -