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adieu ! Je t’embrasse encore. Ton frère qui t’aimera jusqu’à son dernier moment.

Charles.

Ayant accompli ce suprême adieu, et comme allégé d’un fardeau, n’appartenant déjà plus à ce monde, il se leva toujours silencieux et calme. Il sortit de la mairie. Il alla vers le Château-d’Eau ; là était la mort, et il le savait. Il était vêtu comme à son ordinaire : jaquette noire, pantalon marron, chapeau haut de forme, col rabattu, cravate noire. À sa boutonnière, une cocarde avec ruban rouge à franges d’or, insigne des membres de la Commune. Il n’avait pas d’armes ; sa main s’appuyait sur sa canne à bec, selon son habitude. Il se dirigea vers la fontaine, dont la vasque s’étalait alors un peu en avant de la place de la République actuelle, comme pour inspecter les postes et surveiller la construction de la barricade que Lisbonne faisait commencer au coin du boulevard Voltaire. Avec sa tête penchée, méditative, sa démarche lente, son costume propre mais râpé, son chapeau de haute forme, on l’eût pris, sans les détonations ébranlant l’air de tous côtés, sans les tirailleurs embusqués, apprêtant leurs armes dans l’encoignure des porches, pour quelque vieux professeur se rendant à son cours. Son allure était spectrale, énigmatique. Nul ne sin formait du but mystérieux vers lequel s’acheminait ce vieillard, visiblement préoccupé, et qui semblait indifférent aux balles qui sifflaient autour de lui, aux projectiles qui s’écrasaient sur son parcours. Quelques combattants qui revenaient, en chargeant leur fusil, de la barricade du Château-d’Eau évacuée, le reconnurent ct le saluèrent, sans l’interroger. D’autres qui se repliaient en rasant les murailles, passaient rapidement sans faire attention à lui, étant pressés de se retrancher derrière les pavés que Maxime Lisbonne