« Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/182 » : différence entre les versions
Aucun résumé des modifications |
|||
État de la page (Qualité des pages) | État de la page (Qualité des pages) | ||
- | + | Page validée | |
En-tête (noinclude) : | En-tête (noinclude) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
{{numérotation|RÉSURRECTION||178}} |
|||
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
<br/> |
<br/> |
||
Dès qu’elle l’avait aperçu, la jeune femme avait voulu |
Dès qu’elle l’avait aperçu, la jeune femme avait voulu grimper sur la plate-forme du wagon, pour l’appeler. Mais au même instant la machine avait sifflé, et les wagons, lentement, s’étaient ébranlés. Le conducteur du train avait fait descendre Katucha avant de remonter |
||
lui-même dans le wagon ; et la jeune femme s’était retrouvée sur le quai, tandis que déjà le wagon de première classe l’avait dépassée. Elle s’était mise à courir pour le rattraper. Mais le train courait plus vite, elle voyait passer les wagons de seconde classe, puis ceux |
|||
grimper sur la plate-forme du wagon, pour l’appeler. |
|||
de troisième, enfin le dernier wagon avec sa lanterne rouge. Arrivée au bout du quai, elle avait continué à courir le long de la voie ; le vent, qui soufflait par rafales, avait fait tomber le fichu qu’elle portait sur la tête ; et elle courait, les cheveux en désordre, s’enfonçant à chaque pas dans des flaques de boue. |
|||
Mais au même instant la machine avait sifflé, et les |
|||
wagons, lentement, s’étaient ébranlés. Le conducteur du |
|||
train avait fait descendre Katucha avant de remonter |
|||
lui-même dans le wagon ; et la jeune femme s’était |
|||
retrouvée sur le quai, tandis que déjà le wagon de première |
|||
classe l’avait dépassée. Elle s’était mise à courir |
|||
pour le rattraper. Mais le train courait plus vite, elle |
|||
voyait passer les wagons de seconde classe, puis ceux |
|||
de troisième, enfin le dernier wagon avec sa lanterne |
|||
rouge. Arrivée au bout du quai, elle avait continué à |
|||
courir le long de la voie ; le vent, qui soufflait par |
|||
rafales, avait fait tomber le fichu qu’elle portait sur la |
|||
tête ; et elle courait, les cheveux en désordre, s’enfonçant |
|||
à chaque pas dans des flaques de boue. |
|||
— Petite tante Katucha ! — lui avait crié la petite |
— Petite tante Katucha ! — lui avait crié la petite fille en accourant derrière elle, — votre fichu est tombé ! |
||
fille en accourant derrière elle, — votre fichu est |
|||
tombé ! |
|||
Réveillée par ce cri, Katucha s’était enfin arrêtée. |
Réveillée par ce cri, Katucha s’était enfin arrêtée. Et aussitôt elle avait senti un vide terrible se creuser en elle. |
||
Et aussitôt elle avait senti un vide terrible se creuser |
|||
en elle. |
|||
« Ainsi il est là, dans ce Wagon bien chaud, assis dans un fauteuil de velours, et il sourit, et il s’amuse, — s’était-elle dit, — et moi je suis seule ici dans la nuit, sous la pluie et le vent ! » Elle s’était assise à terre et avait éclaté en des sanglots si forts que la petite fille, épouvantée, n’avait su que lui dire pour la consoler. |
|||
« Ainsi il est là, dans ce Wagon bien chaud, assis |
|||
dans un fauteuil de velours, et il sourit, et il s’amuse, |
|||
— s’était-elle dit, — et moi je suis seule ici dans la |
|||
nuit, sous la pluie et le vent ! » Elle s’était assise à terre |
|||
et avait éclaté en des sanglots si forts que la petite |
|||
fille, épouvantée, n’avait su que lui dire pour la consoler. |
|||
— Petite tante ! — suppliait la petite, — allons-nous en, |
— Petite tante ! — suppliait la petite, — allons-nous en, rentrons bien vite ! |
||
rentrons bien vite ! |
|||
Mais Katucha restait assise, sous la pluie et le vent. « Un train va passer : m’étendre sur les rails, et tout sera fini ! » Elle s’apprêtait déjà à exécuter ce projet, lorsque soudain l’enfant qui était en elle avait tressailli ; et aussitôt son désespoir s’était apaisé. Tout ce qui, l’instant d’auparavant, l’avait remplie d’angoisses, le sentiment de l’impossibilité pour elle de vivre, sa haine pour Nekhludov, son désir de se venger de lui en se tuant, toutes ces mauvaises pensées s’étaient effacées. Elle |
|||
Mais Katucha restait assise, sous la pluie et le vent. |
|||
« Un train va passer : m’étendre sur les rails, et tout sera |
|||
fini ! » Elle s’apprêtait déjà à exécuter ce projet, lorsque |
|||
soudain l’enfant qui était en elle avait tressailli ; et |
|||
aussitôt son désespoir s’était apaisé. Tout ce qui, l’instant |
|||
d’auparavant, l’avait remplie d’angoisses, le sentiment |
|||
de l’impossibilité pour elle de vivre, sa haine pour |
|||
Nekhludov, son désir de se venger de lui en se tuant, |
|||
toutes ces mauvaises pensées s’étaient effacées. Elle |