« Après la pluie, le beau temps/2 » : différence entre les versions
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{{chapitre|[[Après la pluie le beau temps]]|[[Auteur:Comtesse de Ségur|Comtesse de Ségur]]|II - La visite|}}
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Après le dîner, M. Dormère se retira au salon et se mit à lire ses journaux qu’il n’avait pas achevés ; les enfants restèrent dehors pour jouer. Mais Geneviève était triste ; elle restait assise sur un banc et ne disait rien. Georges allait et venait en chantonnant ; il avait envie de parler à Geneviève, mais il sentait qu’il avait été lâche et cruel à son égard.
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« Veux-tu jouer, Geneviève ? »
{{sc|Geneviève}}. —
Non, Georges, je ne jouerai pas avec toi : tu me fais toujours gronder.
{{sc|George}}. —
Je ne t’ai pas fait gronder : je n’ai rien dit.
{{sc|Geneviève}}. —
C’est précisément pour cela que je suis fâchée contre toi. Tu aurais dû dire à mon oncle que c’était toi qui étais cause de tout, et tu m’as laissé accuser et gronder sans rien dire. C’est très mal à toi.
{{sc|George}}. —
C’est que,… vois-tu, Geneviève,… j’avais peur d’être grondé aussi ; j’ai peur de papa.
{{sc|Geneviève}}. —
Et moi donc ? J’en ai bien plus peur que toi. Toi, tu es son fils, et il t’aime. Moi, il ne m’aime pas, et je ne suis que sa nièce.
{{sc|George}}. —
Oh ! Geneviève, je t’en prie, pardonne-moi ; une autre fois je parlerai ; je t’assure que je dirais tout.
{{sc|Geneviève}}. —
Tu dis cela maintenant ! tu as dit la même chose le jour où le renard a déchiré ma robe avec ses dents. Je ne te crois plus.
{{sc|George}}. —
Ma petite Geneviève, je t’en prie, crois-moi et viens jouer. »
Geneviève, un peu attendrie, était sur le point de céder, quand une voiture parut dans l’avenue et, arrivant au grand trot, s’arrêta devant le perron.
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Mme de Saint-Aimar s’approcha à son tour, embrassa Georges très affectueusement et dit :
« Mais il est très gentil comme cela ! À la campagne, est-ce qu’on fait dix toilettes par jour ? C’est très bien de ne pas avoir de prétentions ; il sera tombé dans l’herbe probablement.
{{sc|Geneviève}}. —
Non, madame, c’est en m’aidant à me tirer des ronces qui me déchiraient, que le pauvre Georges s’est sali et un peu écorché.
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Comme c’est gentil ce que vous dites là, Geneviève. Vois, Louis, comme elle est généreuse ; comme elle excuse gentiment ceux qu’elle aime ! Charmante enfant ! »
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« Bonjour, cher monsieur, dit-elle en tendant la main à M. Dormère. Nous venons d’embrasser vos enfants ; ils sont charmants. »
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Bonjour, mon cousin. Quelle drôle de mine a votre garçon ! Comment la bonne le laisse-t-elle arrangé en gresset ? Voulez-vous que j’aille la chercher pour le rhabiller ?
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Qu’est-ce que cela fait, Cunégonde, que l’enfant ait un peu verdi sa veste et son pantalon ? Laisse-le donc tranquille.
{{sc|M. Dormère}}. —
Je vous demande pardon de sa tenue, chère madame ; je crois que ma cousine a raison de vouloir lui faire changer de vêtements…
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Mais non, mais non, cher voisin ; Geneviève nous a bien gentiment expliqué que c’était par bonté pour elle, pour la tirer d’un fourré de ronces, qu’il avait mis du désordre dans ses vêtements ; c’est très honorable.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Laissez-moi faire, mon cher cousin. Je vais arranger tout cela. »
La cousine Primerose, sans attendre la réponse de M. Dormère, sortit du salon et monta lestement chez la bonne.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Bonjour, ma chère Pélagie ; je viens vous avertir que Georges n’est pas tolérable avec ses habits tout verts. Il faut que vous le fassiez changer de tout ; la petite est très propre ; vous la soignez celle-là, c’est bien ; mais vous négligez trop le garçon ; il est tout honteux de sa verdure ; il ne lui manque que des plumes pour être perruche ou perroquet.
{{sc|Pélagie}}. —
Je ne savais pas, mademoiselle, que Georges eût besoin d’être changé. La petite était rentrée avec sa robe en lambeaux, mais Georges n’est pas venu.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Ah ! pourquoi cela ?
{{sc|Pélagie}}. —
Je n’en sais rien, mais je vais le chercher.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
J’y vais avec vous, ma bonne Pélagie ; nous lui ferons raconter la chose. »
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« Venez vite, cria-t-elle à Georges ; votre bonne vous cherche pour vous habiller. Mais venez donc ; vous nous raconterez ce qui vous est arrivé.
{{sc|George}}. —
Il ne m’est rien arrivé du tout ; je n’ai rien à raconter, ma cousine.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Si j’en crois un mot, je veux bien être pendue. Va, va t’habiller ; nous nous passerons bien de toi, mon garçon. Je vais prendre ton jeu au croquet ; et sois tranquille, je te gagnerai ta partie. »
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Quand Georges revint, elle lui remit son maillet de croquet.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Je n’ai pas eu de bonheur, mon ami ; j’ai perdu votre partie. Mais j’ai gagné à votre absence de savoir toute votre aventure du bois et des fraises. »
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« Mon cher cousin, dit-elle en entrant au salon, je viens justifier le pauvre Georges ; je sais toute l’histoire : il ne mérite pas d’être grondé pour avoir sali ses habits ; au contraire, il mérite des éloges, car c’est en secourant Geneviève, qui ne pouvait sortir des ronces où elle était imprudemment entrée, qu’il s’est verdi à l’état de gresset.
{{sc|M. Dormère}}. —
Je le sais, ma cousine, et je n’ai pas grondé Georges.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Mais… qui avez-vous grondé, car vous avez grondé quelqu’un ?
{{sc|M. Dormère}}. —
J’ai grondé Geneviève, qui méritait d’être grondée.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Qu’a-t-elle donc fait, la pauvre fille ?
{{sc|M. Dormère}}. —
C’est elle qui a poussé, presque obligé Georges à entrer dans le bois pour manger des fraises, comme si elle n’en avait pas assez dans le jardin, et plus tard c’est elle qui a voulu revenir au travers des ronces.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Ta, ta, ta. Qu’est-ce que vous dites donc, mon pauvre cousin ; c’est au contraire elle qui ne voulait pas, et c’est Georges qui l’a voulu. Je vois que vous n’êtes pas bien informé de ce qui se passe chez vous. Moi qui suis ici depuis une demi-heure, je suis plus au courant que vous.
{{sc|M. Dormère}}. —
Me permettez-vous de vous demander, ma cousine, par qui vous avez été si bien informée ?
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Par Geneviève elle-même.
{{sc|M. Dormère}}. —
Je ne m’étonne pas alors que l’histoire vous ait été contée de cette manière ; Geneviève a toujours le triste talent de tout rejeter sur Georges.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Mais, au contraire ; elle a parlé de Georges avec éloge, avec grand éloge, et si je vous en ai parlé, c’est qu’elle m’avait avoué que vous n’étiez pas content et je croyais que c’était Georges que vous aviez grondé. Et par le fait il le méritait un peu, quoi qu’en dise Geneviève. »
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Elle trouva Geneviève en larmes ; Georges boudait dans un coin ; Louis et Hélène cherchaient à consoler Geneviève.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Eh bien ! eh bien ! qu’y a-t-il encore ? qu’est-ce que c’est ?
— Ce n’est rien, ma cousine ; je me suis fait mal à la jambe, répondit Geneviève en essuyant ses larmes.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Et pourquoi Georges boude-t-il tout seul près du mur ?
{{sc|Hélène}}. —
Parce que, Louis et moi, nous lui avons dit qu’il était méchant et que nous ne voulions plus jouer avec lui.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Pourquoi lui avez-vous dit cela ?
{{sc|Louis}}. —
Parce qu’après avoir dit beaucoup de choses désagréables à la pauvre Geneviève, qui ne lui répondait rien, il lui a donné un grand coup de maillet dans les jambes. Hélène et moi, nous nous sommes fâchés ; nous avons chassé Georges et nous sommes revenus consoler la pauvre Geneviève qui pleurait.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Méchant garçon, va ! Tu mériterais que j’aille raconter tout cela à ton père, qui te croit si bon.
Non, non, ma cousine, ne dites rien à mon oncle : il punirait le pauvre Georges.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Punir Georges ! ton oncle ! Laisse donc ! il gronderait à peine.
{{sc|Geneviève}}. —
Et puis, ma cousine, Georges n’a pas fait exprès de me taper. J’étais trop près de sa boule, et il m’a attrapé la jambe au lieu de la boule.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Ça m’a l’air d’une mauvaise excuse. Voyons, Georges, parle ; est-ce vrai ce que dit Geneviève ?
Oui, ma cousine.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Alors pourquoi n’es-tu pas venu l’embrasser et lui demander pardon ?
{{sc|George}}. —
Je n’ai pas eu le temps ; Louis et Hélène se sont jetés sur moi en me disant : “Méchant, vilain, va-t’en !” Et ils m’ont chassé.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Tant mieux pour toi si tu dis vrai. Et si tu mens, tu es encore plus méchant que ne le croient Louis et Hélène. Allons, embrassez-vous et que tout soit fini. »
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Une heure après, Mme de Saint-Aimar demanda sa voiture et partit avec Mlle Primerose, Louis et Hélène. M. Dormère accompagnait ces dames.
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Ainsi donc, à après-demain, nous vous attendons à déjeuner avec vos enfants ; soyez exact : à onze heures et demie.
{{sc|M. Dormère}}. —
Je n’y manquerai pas, chère madame. Adieu, ma cousine.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Adieu, mon cousin ; et soyez de plus belle humeur : aujourd’hui vous avez l’air d’un pacha qui va faire couper des têtes.
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Quelles idées vous avez, Cunégonde. M. Dormère a, comme toujours, l’air aimable et bon.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Surtout dans ce moment-ci, où il fronce le sourcil comme un sultan. »
Ligne 265 ⟶ 213 :
Une discussion un peu vive s’engagea entre les deux amies : toutes deux commençaient à se fâcher.
Je persiste à croire Georges aussi bon que sa cousine.
{{sc|Mademoiselle Primerose}}. —
Et moi, ma chère, mon opinion est que Geneviève est un ange de bonté et de douceur, et que Georges est méchant et ne perd pas une occasion de lui faire du tort et de dire du mal de cette pauvre enfant à mon cousin, qui est injuste et trop sévère pour elle.
{{sc|Louis}}. —
Moi aussi, je crois cela.
{{sc|Hélène}}. —
Et moi aussi ; et je n’aime pas Georges.
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Taisez-vous, petits nigauds ; je ne veux pas que vous parliez ainsi d’un voisin que j’estime et de son fils que j’aime.
{{sc|Louis}}. —
Je n’ai pas dit de mal, maman ; j’ai seulement dit :
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
C’est comme si tu avais répété tout ce qu’a dit Cunégonde.
{{sc|Hélène}}. —
Mais si Mlle Primerose…
{{sc|Madame de Saint-Aimar}}. —
Tais-toi, je te dis. Je ne veux pas que vous disiez ni répétiez des choses qui peuvent me brouiller avec M. Dormère. Se terres touchent aux miennes ; c’est commode pour se voir, et j’y tiens. »
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