« Diloy le chemineau » : différence entre les versions

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Gertrude ne demanda plus en quoi sa tante avait raison ; elle devinait et rougissait, ne croyant pas mériter ces éloges.
 
{{TextQuality|100%}}===XVIII - Encore le chemineau sauveur===
 
Pendant que M. d’Alban causait avec sa nièce, Diloy était arrivé à l’étang ; il dit à Mme d’Orvillet que c’était par ordre de M. d’Alban qu’il venait offrir ses services ; les deux petits le reçurent avec joie.
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« Qui est ce brave homme ? demanda Juliette.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
C’est le bon chemineau.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Quel chemineau ? Qu’est-ce que c’est qu’un chemineau ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Un chemineau, c’est un homme qui travaille au chemin de fer.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Et pourquoi dis-tu ''bon'' chemineau ? Qu’est-ce qu’il a de si bon ?
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Tu ne sais donc pas qu’il nous a sauvés de l’ours ?
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Non ; quel ours ?
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
L’ours échappé qui voulait nous manger.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Ah ! mon Dieu ! Raconte-moi cela. Je ne sais rien, moi.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Laurent va te raconter, moi, je ne sais pas très bien. Raconte, Laurent.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Eh bien, voilà. Le chemineau était couché dans le bois où nous passions avec maman.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Quel bois ? Il y a donc des ours par ici ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Je crois bien ! Un ours énorme, avec une bouche énorme, des griffes énormes. Et le chemineau dit à maman : "Il y a un ours par ici ; un ours échappé."
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
D’où était-il échappé ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
De sa cage où on le montrait. Et le chemineau dit qu’il va venir avec nous pour tuer l’ours.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Qui voulait nous manger.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Et voilà que nous allons ; nous avions bien peur, comme tu penses.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Et maman aussi.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Laisse-moi parler, tu m’empêches. Et voilà l’ours qui hurle et qui arrive, et le chemineau se jette devant nous, et l’ours se jette sur lui ; tu juges comme nous avions peur !
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Et maman aussi.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Mais tais-toi donc. Le chemineau n’a pas peur ; il se jette sur l’ours et lui enfonce dans la bouche un petit bâton pointu qui entre dans sa langue et dans son palais. L’ours ne peut plus fermer la bouche ; il crie horriblement ; le chemineau lui jette une corde qui l’étrangle ; l’ours donne des coups de griffes au bon chemineau qui le bat tant qu’il peut avec un autre bâton très gros. L’ours tombe et griffe toujours ; le chemineau le bat toujours. L’ours fait semblant d’être mort.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Il était mort tout de bon.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Mais non, puisqu’il est encore vivant. Le chemineau lui met une chaîne ; il tire tant qu’il peut ; l’ours ne crie plus, ne bouge plus. Le chemineau lâche un peu la chaîne et lui attache les pattes avec la corde. L’ours grogne et bouge un peu ; le chemineau le bat encore horriblement ; le pauvre chemineau est couvert de sang.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Les jambes seulement.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
C’est bien assez, les jambes. Alors nous pleurons.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Et maman aussi. Pas Félicie.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Laisse-moi donc raconter.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Tu oublies toujours maman.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Je n’oublie pas ; j’aurais dit après.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Il vaut mieux dire tout de suite.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Non, ça dérange. Alors maman lui attache nos mouchoirs autour des jambes.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
À l’ours ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Non, au chemineau. Maman attache le mouchoir.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Pas celui de Félicie.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Ça ne fait rien ; laisse-moi parler. Puis maman nous prend par la main.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Pas Félicie.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Mon Dieu, Anne, que tu es ennuyeuse ! Félicie courait après nous. Et maman envoie Saint-Jean avec la carriole pour ramener l’ours et le pauvre chemineau tout en sang.
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
Pourquoi n’a-t-on pas tué l’ours ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Parce que le maître avait promis cent francs pour qu’on lui ramène son ours, et le pauvre chemineau, qui est pauvre, voulait gagner cent francs.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Et puis encore, tu oublies que le chemineau a sauvé mon oncle des méchants Bédouins.
 
JULIETTE{{sc|Juliette}}, ''effrayée''<BR>. —
Comment ! vous avez aussi des Bédouins par ici ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Non, c’était en Algérie. Comment veux-tu, Anne, que je raconte tout à la fois ? Et puis, j’ai oublié l’histoire des Bédouins ; je ne sais plus comment il l’a sauvé.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Ah bien, mon oncle le dira à Juliette
 
{{sc|Juliette}}. —
JULIETTE<BR>
C’est très effrayant, tout cela. Le vilain ours ! Pauvre chemineau ! Je voudrais bien le voir.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Viens, il est là avec Félicie. »
 
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Quand Diloy lui dit : « Bonjour, mam’selle ; c’est votre oncle qui m’envoie pour vous aider », Félicie ne lui répondit pas et le regarda de son air hautain.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Prenez garde de tomber, mam’selle ; vous êtes bien près du bord, et vous êtes bien penchée en avant.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Je n’ai pas besoin qu’on me conseille ; je sais pêcher.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Je ne me permets pas de vous donner des conseils, mademoiselle. Je vous préviens seulement du danger.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Il n’y a pas de danger, et maman et ma bonne sont là pour venir à mon secours si j’en ai besoin.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Mais si vous tombez à l’eau, mademoiselle, ce ne serait pas votre maman ni votre bonne qui pourrait vous repêcher ; l’eau est profonde à cet endroit ; il y a plus de deux mètres.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Je vous prie de ne pas vous inquiéter de moi. Laissez-moi ; vous faites peur au poisson avec votre grosse voix.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Qu’est-ce qui vous a donc retournée contre moi, mademoiselle ? Hier vous aviez été si gentille et si bonne. »
 
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« Viens, mon ami, viens boire un verre de vin chaud pour te remonter, et changer de vêtements. Ces dames vont s’occuper de notre petite Félicie.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Vous êtes mille fois trop bon, monsieur le comte, je ne mérite pas tout cela. Ce n’est pas une grande affaire que de repêcher un enfant quand on sait nager.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Viens toujours, mon ami ; je vais envoyer un homme à cheval demander d’autres vêtements à ta femme.
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
C’est inutile, monsieur le comte ; je me sécherai bien au feu de la cuisine, si vous voulez bien le permettre.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Ce serait trop long, mon ami ; il te faut des vêtements secs.
 
DILOY{{sc|Diloy}}, ''avec embarras''<BR>. —
Mais, monsieur le comte, c’est que… c’est que… je n’en ai pas de rechange.
 
LE{{sc|Le GÉNÉRALgénéral}}, ''surpris''<BR>. —
Pas de rechange ! Tu n’en as pas d’autres chez toi ?
 
{{sc|Diloy}}. —
DILOY<BR>
Non, monsieur le comte ; j’ai sur mon dos tout ce que je possède.
 
LE{{sc|Le GÉNÉRALgénéral}}, ''attendri<BR>''. —
Pauvre homme ! Viens, mon ami, viens toujours, nous arrangerons cela. »
 
Tout le monde rentra au château. Pendant que Mme d’Orvillet faisait boire à Félicie une tasse de tilleul avec quelques gouttes d’arnica et qu’on en faisait prendre à tous les enfants pour les remettre de la frayeur qu’ils avaient eue, M. d’Alban fit allumer un bon feu dans la cuisine, fit avaler à Diloy un grand verre de vin chaud sucré, et fit apporter un de ses vêtements, complet en drap gris. Il obligea Diloy, malgré sa résistance, à enlever tous ses vêtements mouillés ; et, après l’avoir fait frictionner avec une flanelle, il lui fit endosser une belle chemise et l’habillement complet qu’avait apporté son valet de chambre. Le tout allait parfaitement à Diloy, qui était grand et mince comme M. d’Alban. Diloy se confondit en remerciements et en excuses du mal qu’on se donnait pour lui ; malgré son embarras, il ne pouvait dissimuler la joie qui éclatait sur son visage en se voyant si beau.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Là ! Te voilà superbe ! Ce seront tes habits du dimanche ; je me charge du reste. Maintenant, viens chez moi : nous allons parler affaires. »
 
Diloy suivit M. d’Alban, qui donna ordre à son valet de chambre de prévenir sa sœur qu’il l’attendait ; elle ne tarda pas à venir, et ils commencèrent leur conférence.
 
 
===XIX - Beau projet détruit par Félicie===
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