« Diloy le chemineau » : différence entre les versions

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Amanda a toujours été impérieuse. Elle va s’en donner avec son pauvre Moutonet. »
 
{{TextQuality|100%}}===X - Embarras de Félicie===
 
Quand on retourna dans le salon pour dîner, les enfants apprirent avec des transports de joie qu’ils étaient invités à la noce de Moutonet et d’Amanda. Félicie seule n’en témoigna aucune satisfaction.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Je ne vois pas la nécessité d’aller assister au mariage de deux paysans.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Robillard a été trente-huit ans à notre service ; c’est un brave et digne homme que nous aimons tous ; et je te trouve très ridicule de le traiter de ''paysan'' avec ton air hautain qui me déplaît tant.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Et comment voulez-vous que je dise ?
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Tu peux dire : le fermier ; ce serait mieux dit.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Mais Moutonet est un ''paysan''.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Pas davantage. Il est boucher, comme son père ; d’ailleurs pourquoi dire ''paysan'', qui est un terme de mépris, au lieu de dire ''ouvrier'' ?
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Clodoald et Cunégonde appellent tous les gens du village des ''paysans''.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Sac à papier ! Veux-tu bien ne pas nous parler de ces deux petits drôles, et ne pas répondre à ta mère comme tu le fais.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Qu’est-ce que je dis de mal ?
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Tu prends un air impertinent que je ne supporterai pas ; entends-tu, chipie !… Silence ! ou je te flanque à la porte. »
 
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On ne parla pas de la noce devant Félicie ; mais le matin du mariage, elle déclara à sa mère qu’elle se sentait très souffrante et qu’elle demandait à ne pas sortir.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Qu’as-tu donc, Félicie.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Un affreux mal de tête.
 
MADAME{{sc|Madame D’ORVILLETd’Orvillet}}, ''froidement''<BR>. —
Il faut te coucher, ma fille : va te déshabiller et mets-toi dans ton lit. »
 
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« Le domestique demande la réponse, dit la bonne en rentrant ; il est très pressé. »
 
Félicie prit son parti, demanda du papier, un crayon et écrivit*** :
 
« Robe blanche ; je n’ai pas le temps d’en écrire davantage.
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La bonne prit le papier, le lut.
 
{{sc|La bonne}}. —
LA BONNE<BR>
Qu’est-ce que c’est, robe blanche ? Pour qui une robe blanche ?
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Porte vite, ma bonne, porte vite ! je te l’expliquerai tout à l’heure. »
 
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Cinq minutes après, elle était levée ; elle s’habillait en toute hâte, lissait ses cheveux, mettait la chaussure fine et la robe blanche, préparées de la veille, et s’apprêtait à aller chez sa mère quand la bonne rentra.
 
{{sc|La bonne}}. —
LA BONNE<BR>
Comment ! vous voilà levée ! Et le mal de tête ?
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Il s’est passé en dormant ; je vais dire à maman que je puis aller avec elle à la noce.
 
{{sc|La bonne}}. —
LA BONNE<BR>
Ah ! vous allez à la noce à présent ? Cela m’étonne ; vous étiez si décidée à ne pas y aller.
 
FÉLICIE{{sc|Félicie}}, ''sèchement''<BR>. —
J’ai changé d’idée. »
 
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Félicie était allée chez sa mère, qu’elle trouva prête à partir avec le général et ses enfants.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Te voilà, Félicie ? Par quel hasard ?
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Maman, j’ai dormi et je me suis réveillée guérie ; alors j’ai pensé que je ferais bien de vous accompagner.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Si c’est un remords de conscience, tu fais bien ; seulement tu ferais mieux de l’avouer franchement au lieu de mentir, ce qui est très mal. Tu penses bien que je n’ai pas cru à ton mal de tête, que je ne crois ni à ton sommeil ni à ta guérison merveilleuse. Si je te permets de nous accompagner, c’est pour ta bonne, qui pourra nous rejoindre, au lieu de te garder.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Et si nous t’emmenons, c’est à la condition que tu ne prendras pas tes grands airs et que tu seras polie pour tout le monde.
 
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« Et la voiture ? demanda Félicie. Elle n’est pas prête !
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Nous allons à pied.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Pourquoi cela ?
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Pour laisser au cocher et au domestique leur liberté ; ils ont tous congé jusqu’au soir.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Ce sera bien désagréable d’arriver à pied, comme des pauvres.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Ce sera beaucoup mieux que d’empêcher nos pauvres domestiques de s’amuser.
 
{{sc|Félicie}}. —
FÉLICIE<BR>
Ce n’est pas une grande fatigue que d’atteler une voiture.
 
LE{{sc|Le GÉNÉRALgénéral}}, ''poussant Félicie''<BR>. —
Ah ! çà ! vas-tu finir avec tes raisonnements, toi ? Marche en avant avec ton frère et ta sœur, et tais-toi. »
 
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Ils rencontrèrent à moitié chemin le pauvre Moutonet suant comme une grotte, pâle, exténué.
 
{{sc|Moutonet}}. —
MOUTONET<BR>
Bien des excuses, messieurs, mesdames, je me suis pressé tant que j’ai pu, mais j’ai couru et veillé une partie de la nuit. Vers le matin je me suis un peu assoupi ; le temps de m’habiller, de prendre les ordres et me voici en retard.
 
{{sc|Madame d’Orvillet}}. —
MADAME D’ORVILLET<BR>
Pas du tout, mon ami ; nous venions au-devant de vous, comme vous voyez ; il n’y a pas de temps perdu.
 
{{sc|Moutonet}}. —
MOUTONET<BR>
Si ces dames et ces messieurs voulaient bien me garder le secret et ne pas parler à Amanda du retard, cela m’éviterait du désagrément.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Sois tranquille, mon garçon ; nous ne dirons rien. Mais tu t’enfonces dans une mauvaise route, mon ami : un mari qui a peur de sa femme, c’est risible, parole d’honneur.
 
{{sc|Moutonet}}. —
MOUTONET<BR>
Ce n’est pas que j’aie peur, monsieur le comte, c’est que je l’aime bien et que je ne veux pas la mécontenter.
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Ta ! ta ! ta ! je connais cela ; j’en ai vu plus d’un ; quand la femme gronde, le mari ploie le dos, et la femme tape dessus. Et tu sais ce qui arrive à un homme battu par sa femme ?
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Quoi donc, mon oncle ? Qu’est-ce qui arrive ?
 
{{sc|Le général}}. —
LE GÉNÉRAL<BR>
Le village se rassemble, on place le mari de gré ou de force sur le dos d’un âne, le visage du côté de la queue, et on le promène dans tous les hameaux de la commune.
 
{{sc|Laurent}}. —
LAURENT<BR>
Mais c’est très amusant, cela ; moi, cela m’amuserait beaucoup.
 
LE{{sc|Le GÉNÉRALgénéral}}, ''riant''<BR>. —
Ah bien ! quand tu te marieras, tu pourras te procurer ce plaisir.
 
{{sc|Anne}}. —
ANNE<BR>
Moi, je n’aimerais pas cela. Ne faites pas cela, Moutonet ; ne laissez pas Amanda vous battre.
 
MOUTONET{{sc|Moutonet}}, ''riant''<BR>. —
Il n’y a pas de danger, mademoiselle ; Amanda a l’air comme ça un peu rude ; mais, quand on la connaît, il n’y a qu’à ne pas la contrarier ; elle est bonne et douce, elle fait tout ce qu’on veut. Je l’aime bien, allez ; c’est tout à fait une bonne ménagère. »
 
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Félicie baissa les yeux ; tout le monde se remit en marche.
 
 
===XI - La Mairie et le repas de noce.===