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DISSERTATION SUR CETTE QUESTION

vérité. Le goût de la subtilité, la vanité, les préjugés liés à nos intérêts et à nos passions, multiplient les esprits faux. Si presque partout le peuple a l’esprit faux, ce n’est point parce qu’il est ignorant ; mais parce que, presque partout, on a tout fait pour rendre les hommes stupides et fous.

Si le peuple n’a rien à gagner à être honnète, s’il est souvent exposé à la tentation de commettre des crimes pour se procurer le nécessaire, c’est la faute des lois ; et comme ce sont les erreurs qui rendent les lois mauvaises, il serait plus simple de détruire ces erreurs que d’en ajouter d’autres pour réparer le mal des premières. Il ne faut pas tomber dans cette faiblesse imbécile de bénir comme utiles des systèmes d’erreurs, parce qu’on peut les employer à réparer une petite partie du mal qu’ils ont fait.

Au reste, ce que nous avons dit ci-dessus s’applique également ici. L’erreur ferait sans doute quelque bien, elle préviendrait quelques crimes, mais elle ferait de plus grands maux ; ces erreurs qu’on mettrait dans la tête du peuple le rendraient stupide : or, de la stupidité à la séduction et à la férocité, il n’y qu’un pas. De plus, si les motifs qu’on lui donne pour être juste ne font qu’une faible impression sur son esprit, ils ne dirigeront pas sa conduite ; s’ils en font une vive, ils le rendront enthousiaste, et enthousiaste pour l’erreur. Or, l’enthousiaste ignorant n’est plus un homme ; c’est la plus terrible des bêtes féroces.

Enfin, si on laisse des hommes, quels qu’ils soient, maîtres de la morale du peuple, il n’y a plus ni repos, ni liberté, ni vertu dans une nation. Si on