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s’il est utile aux hommes d’être trompés ?

de fausses conclusions, il est probable que si l’on n’avait eu que des erreurs, on aurait adopté d’autres fausses conclusions, et en plus grand nombre. Ainsi la connaissance de quelques vérités ne délivrera point de toutes les erreurs, mais elle en diminuera la masse. Les écrivains qui se sont rendus les apologistes des erreurs populaires n’ont fait attention qu’à l’abus de quelques vérités unies à beaucoup d’erreurs, et l’usage utile de ces vérités a été oublié. Ce n’est pas la vérité comme vérité qui est jamais nuisible, et la vérité, mêlée aux erreurs, fait moins de mal et plus de bien que les erreurs seules n’en auraient pu faire. La vérité donc est encore utile, même lorsqu’on ne la connaît qu’à moitié, et il serait nuisible d’y substituer l’erreur.

2° Supposant qu’il fut de l’intérêt du plus grand nombre d’opprimer une classe plus faible ou moins nombreuse, alors le grand nombre, instruit de cette vérité, pourrait chercher à perpétuer l’oppression ; et plus il serait éclairé, plus il prendrait des moyens efficaces et sûrs ; or, le grand nombre qui sacrifierait ainsi le petit nombre à ses intérêts serait injuste, et par conséquent la vérité aurait produit un mal.

Telle serait, par exemple, l’oppression légale des femmes ou des enfants, celle des esclaves supposés en plus petit nombre que leurs maîtres, etc.

Alors, à la vérité, la classe oppressive ayant un intérêt différent et séparé de l’intérêt de la classe opprimée, on peut dire que la vérité qu’elle connaît lui est utile ; qu’il serait également utile à la classe opprimée de connaître la vérité, puisque, si elle ne