« Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/107 » : différence entre les versions

(Aucune différence)

Version du 21 octobre 2021 à 12:13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ci
NOTICE

orgueil sera pris de vertige, il se bourrera de creuses visions. Or, supposons qu’à cet instant il se trouve quelqu’un pour lui faire entendre la vérité, pour lui montrer qu’il perd la tête et qu’il gagnerait à être plus raisonnable dans sa conduite personnelle [cf. ici 216 a] ; que cela pourtant n’est possible que si l’on s’asservit à cette tâche. Vraisemblablement de tels avis seraient aussi mal reçus de l’intéressé que de la foule des flatteurs qui exploitent à leur profit sa vanité (494 b-495 b ; cf. 491 e, 292 c). Dès qu’avec le Banquet on compare cette peinture, il est difficile de ne pas y reconnaître Alcibiade, dont la philosophie espérait faire un politique supérieur à Périclès, et qui, pour s’être affranchi de la philosophie, a perdu sa patrie et lui-même.


L’éloge de Socrate.

La partie du Banquet dans laquelle Alcibiade devient le personnage principal est peut-être ce qu’il y a de plus savoureux dans le dialogue. Mais ce qui demande surtout à y être étudié, c’est l’éloge de Socrate (215 a-223 a). On sait dans quelles circonstances est introduite l’idée de cet éloge. Celui de l’Amour a été prononcé par chacun des convives ; le programme initial est épuisé ; nouveau convive, Alcibiade n’a pas payé son écot oratoire ; il doit s’exécuter ; après quoi il imposera un thème à son voisin de droite qui est Socrate, et ainsi de suite. « Si c’est un éloge que vous attendez de moi, répond Alcibiade, impossible I Socrate est si jaloux que, devant lui, il m’est interdit de louer qui que ce soit, ni homme, ni dieu ! — Soit, qu’il fasse donc alors l’éloge de Socrate lui-même ! » Cet éloge doit-il être envisagé comme l’introduction, dans l’analyse de l’amour, d’un portrait du Socrate historique ? Ce serait alors un appendice postiche et, en tout cas, un nouveau sujet. La vérité me paraît être plutôt que c’est une transposition concrète du sujet principal[1] : le Socrate auquel Alcibiade rend le tribut qu’on lui doit (217 e, 220 d), c’est la totale image de l’Amour. En outre, l’éloge de Socrate est une illustration de cette idée que l’Amour est philosophe (204 ab) ; l’analyse des vertus de Socrate, ou du Philosophe, est une réplique à l’analyse sophistique des vertus de l’Amour

  1. Ce que, dans l’article cité, Brochard a très bien montré (Études p. 85-89).