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LE BANQUET

jour chimérique (218 ab) ! de ne plus le laisser libre d’agir au gré de ses désirs, tellement dominé et subjugué (219 de) que, seule, une rupture violente est capable de le soustraire à cet esclavage et de lui rendre son indépendance ! C’est le contraste perpétuel d’une influence réellement reçue et d’une constante révolte contre cette influence, qui donne à l’éloge qu’Alcibiade va faire de Socrate un caractère ambigu : à la ibis réquisitoire contre la philosophie de l’ambition insurgée, et éloge enthousiaste du philosophe (213 d s. fin., 214 e, 216 d, 221 c, 222 a). Au surplus, l’état dans lequel, homme politique en goguette, apparaît Alcibiade, l’impudeur de sa confession (217 a-219 d, 222 c. déb.), révèlent assez clairement que, si le langage et l’exemple de Socrate l’ont ému et déconcerté, ils ne l’ont pas conquis ni retenu. — Quand Platon, dans le livre VI de la République, après avoir défini le naturel philosophique, a voulu montrer dans quelles conditions il est exposé à se corrompre, il semble bien que son analyse n’est pas purement imaginaire. Des naturels de cette sorte, dit-il, sont rares ; mais ces grandes âmes, comme écrira Descartes, « sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus » ; si une mauvaise éducation les a perverties, leur malfaisance, publique ou privée, sera en proportion de la richesse de leurs dons. Voici donc un homme qui, dès l’enfance, s’est distingué entre ses camarades ; dès qu’il sera en âge, ses concitoyens, tous ceux qui l’approchent, placeront en lui leur confiance et ils feront appel à ses services. Mais, pour mieux mettre plus tard la main sur cette puissance d’avenir, certains s’aplatissent devant lui ; ils le comblent de flatteries anticipées. Comment échapperait-il à cette corruption, surtout si sa patrie est un grand État, s’il a lui-même les avantages de la noblesse [cf. ici 220 e], de la fortune, de la beauté, de la prestance ? Alors il s’emplira d’espérances incroyables, il s’estimera fait pour régir les Grecs et les Barbares[1], et, sur ces cimes de son ambition, son fol

  1. Alcibiade I (peut-être authentique), 105 a-c, et Alcibiade II (probablement apocryphe), 141 a b, attribuent à Alcibiade le dessein de créer à son profit un grand royaume ; de son côté, Plutarque (Alcib. 17) assure que cet empire athénien aurait englobé l’Italie, Carthage, l’Afrique du Nord, le Péloponèse ; la Sicile devait d’autre part constituer pour cet empire une base d’approvisionnement. Cf. Thucydide VI 12, 15.