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LE BANQUET

Beau absolu, fera fi des richesses, de la toilette, de l’amour sensuel, de tout ce qui intéresse le corps (cf. Phédon, 64 de, 68 bc ; et ici p. 71, n. 1). Il contemplera cet objet intelligible au moyen de la pensée, pour qui seule il est visible et par un organe qui est de la même nature que l’objet auquel il s’applique. D’où la possibilité d’entrer en contact avec cet objet, de ne faire qu’un avec lui et ainsi, en s’assimilant au réel, d’acquérir la réalité, de devenir en outre capable d’y faire communier d’autres êtres ; bref, de substituer une expérience vraie, c’est-à-dire transcendante, à une expérience illusoire, faite d’images et d’apparences (cf. Phédon, 79 d). Qu’en adviendra-t-il pour lui ? C’est qu’il sera « cher à la divinité », et que seul il peut prétendre à s’immortaliser véritablement (211 d-212 a). — « Le véritable ami du savoir, dit dans le même esprit la République (VI, 490 ab), ce sera l’homme qui est né pour la lutte en vue du réel, qui ne s’arrêtera pas sur tous ces objets multiples auxquels l’opinion donne une réalité, mais qui ira de l’avant sans que s’émousse son effort, sans que son amour ait de cesse, jusqu’au moment où, la nature de ce qu’est en elle-même chaque chose, il l’aura saisie au moyen de cet organe de l’âme qui est fait pour se saisir d’un tel objet, et qui est ainsi fait parce qu’il lui est apparenté ; s’étant alors rapproché de cet objet, s’étant confondu réellement avec le réel, ayant engendré intelligence et vérité, alors il connaîtra, il vivra, il se nourrira véritablement, et ainsi cesseront pour lui les douleurs de l’enfantement » (cf. ici 206 e déb.).

Mais la réponse que Platon a faite à la question dont il s’agit nous remet en présence d’une autre question, que déjà nous avons rencontrée sur notre route (p. lxxxviii). Supposons en effet atteint le terme de l’amour : que devient alors celui-ci ? En d’autres termes, la satisfaction, supposée intégrale, de la tendance à s’immortaliser qui constitue l’amour et qui le pousse à engendrer et à enfanter, cette satisfaction ne supprimera-t-elle pas l’amour ? C’est ce que donneraient à penser le texte de la République que je viens de traduire et surtout un passage du Phédon (79 d) : quand l’âme, ayant réalisé sa pure essence, est parvenue à entrer en contact avec les purs objets auxquels, dans cet état, elle se retrouve apparentée, leur immutabilité éternelle lui communique à elle-même une perpétuelle immutabilité. Or la doctrine du Banquet