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toutes est la concordance de sentimens, la confiance mutuelle entre lui et le général en chef. Or, par des raisons insaisissables et par cela même plus indestructibles, cette concordance de sentimens n’existait pas entre Jarras et Bazaine.

Jarras était d’une parfaite droiture, instruit, intelligent, consciencieux, expérimenté, mais, quoique ayant été aide de camp de Pélissier, il était devenu très bureaucrate et rond-de-cuir. Il manquait de souplesse, se montrait dans le commandement rude, méticuleux, susceptible, désagréable, et son activité militaire proprement dite était à peu près nulle, car il ne montait à cheval qu’avec précaution, rarement, au pas, et ne voyait rien par lui-même. Il avait sous sa direction un état-major composé d’officiers distingués, particulièrement choisis : les uns en raison de leur expérience de la guerre, les autres parce qu’ils avaient une connaissance approfondie de l’organisation militaire de l’Allemagne. Il les réduisit le plus souvent aux fonctions de secrétaires, rangés autour d’une table avec trente mains de papier, trente porte-plumes, trente encriers, écrivant trente fois le même ordre. Et cependant, en dehors des fonctions de chancellerie nécessaires qu’un petit nombre d’officiers archivistes doit savoir remplir, le propre des officiers d’état-major est d’assurer sur le champ de bataille l’exécution des ordres et d’être les yeux du général en chef, en même temps que ses porte-parole. C’est ce que ces officiers ne furent guère.

Jarras avait senti, du reste, qu’il n’était pas adapté à son emploi. Il s’était débattu, avait refusé, n’avait cédé qu’à des injonctions réitérées, et. Il remplit malgré lui, dans l’armée française, le rôle attribué à Moltke dans l’armée allemande !

A côté de l’état-major général, un état-major particulier, composé d’hommes capables, était attaché au maréchal. Le colonel Napoléon Boyer, chef de ce cabinet, aide de camp, avait été au Mexique auprès de Bazaine. C’était un homme remarquablement intelligent et tout dévoué. Au Mexique, il était resté étranger aux opérations ; à Metz, il ne s’y immisça pas davantage, soit comme aide de camp, soit comme chef de cabinet ; eût-il été l’Éminence grise dont on lui a attribué le rôle, il ne pouvait suppléer un chef d’état-major de l’armée et son influence ne s’exerçait que par des conseils confidentiels. De la sorte, pendant toute la campagne, l’armée du Rhin manqua d’un de ses organes essentiels, Jarras n’étant qu’un agent passif