« De Pékin à Paris : la Corée, l’Amour et la Sibérie/00 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Page créée avec « {{TextQuality|75%}} <pages index="Le Tour du monde - 67.djvu" header=1 from=183 to=184 tosection="a" auteur="M. {{sc|Charles Vapereau}}" /> Catégorie:Articles de 1894 »
Balise : Liens d’homonymie
(Aucune différence)

Version du 16 octobre 2021 à 10:21

De Pékin à Paris : la Corée, l’Amour et la Sibérie
Le Tour du mondeVolume 67 (p. 177-178).


DE PÉKIN À PARIS[1],

LA CORÉE — L’AMOUR ET LA SIBÉRIE,
PAR M. CHARLES VAPEREAU.



Lorsqu’en 1875 je quittai Pékin pour la première fois après un séjour de plus de six années consécutives dans l’Extrême-Orient, ma curiosité était déjà excitée par cet immense empire des Tsars sur lequel on savait si peu, du moins en ce qui concernait la parie est des monts Ourals. Ces courses folles, au galop de trois ou quatre chevaux emportés, à travers steppes, forêts, montagnes, sur des routes à peine tracées et où les œuvres d’art consistent en quelques troncs d’arbres jetés en travers d’un torrent, les loups, les brigands et même les privations, tout cela m’attirait invinciblement.

La Faculté vint se mettre en travers de mes aspirations vagabondes. Je souffrais de terribles accès d’une lièvre contractée, probablement en 1869 en Cochinchine, à l’époque où notre belle colonie, si salubre maintenant, était un foyer perpétuel de toutes les épidémies. Non seulement le voyage par la Sibérie me fut interdit, mais même celui par le Japon et les États-Unis. Je cédai, tout en me promettant bien de suivre ces deux itinéraires plus tard, et je partis mélancoliquement par Suez. En 1882, avec ma femme alors, je traversai le Japon et le nord des États-Unis pour rentrer également en France.

Maintenant, il y a huit années que nous n’avons quitté Pékin, mon congé vient enfin de m’être accordé, et j’en ai besoin, car je suis encore une fois assez souffrant. Faudra-t-il renoncer de nouveau à ce voyage rêvé et pour lequel nous sommes si bien préparés ? Nous avons appris quelques mots de russe, nos bagages, réduits à leur plus simple expression, n’ont nullement prévu le séjour à bord d’un paquebot. Ils doivent pouvoir tenir avec nous dans l’intérieur d’une voiture. J’ai en poche une forte lettre de crédit de M. Startseff, de Tien-Tsin, sur les principales villes, de Vladivostok à Saint-Pétersbourg, et j’ai, outre mon passeport régulier de la légation de France, une lettre officielle de Son Excellence le comte Cassini, ministre de Russie à Pékin, pour toutes les hautes autorités de l’Empire. On m’a souvent dit en cours de route : « Avec cette lettre vous irez partout, tout vous sera ouvert ». Les faits ont justifié le dire, et si notre voyage s’est effectué dans d’aussi bonnes conditions et nous a laissé d’aussi excellents souvenirs, c’est à l’extrême amabilité de nos amis russes qué nous le devons et en particulier à M. le comte Cassini.

Nous emmenons un domestique chinois. Il se nomme Hane et est avec nous depuis une douzaine d’années. C’est un homme tranquille, qui paraît dévoué, et dont les services nous seront précieux en route. Il a quarante-deux ans ; ce n’est pas précisément un Adonis, et pourtant on nous prédit qu’il nous sera difficile de l’arracher à tous les bras qui s’ouvriront sur son passage, même en cours de voyage, mais nous espérons bien que les ennuis qu’il pourra nous causer seront amplement compensés par l’agrément de son service. C’est encore un point sur lequel nous nous félicitons d’avoir suivi notre inspiration, en dépit des pronostics de nos amis.

LES PLAINES DE LA MONGOLIE[2].

Pour aller de Pékin à Saint-Pétersbourg, la route la plus courte est sans contredit celle qui traverse les plaines de la Mongolie, le désert de Gobi, et par Ourga et Kiakhta conduit au lac Baïkal. Mais cette route ne nous tente en aucune façon. J’ai traversé, en février 1871, l’extrémité nord-est du grand désert de Gobi, et il y a trois ans nous avons été passer un certain nombre de jours dans les plaines de la Mongolie : nous avons vu les Mongols chez eux, nous avons vécu sous leur tente. Rien de nouveau ne nous attire donc de ce côté, et depuis longtemps nous avons résolu de passer par Vladivostok et l’Amour. C’est un détour de plus de 5 000 kilomètres : qu’est-ce que cela sur la distance qui sépare Pékin de Paris ? J’ai deux années de congé, je puis bien rester quarante jours de plus en route.

  1. Voyage exécuté en 1892. — Tous les dessins de ce voyage ont été exécutés d’après les photographies de l’auteur.
  2. Dessin d’A. Paris, gravé par Devos.