« L’Angélus (Maupassant) » : différence entre les versions

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=== I ===
 
publier par :Axel Bullet
 
La pendule sonna six heures et la comtesse de Brémontal, quittant des yeux le livre qu’elle lisait, les leva vers le cadran d’un beau cartel Louis XVI accroché sur le mur ; puis, d’un lent regard, elle parcourut son grand salon, sombre malgré les autres lampes, deux sur la table, où beaucoup de livres traînaient, et deux sur la cheminée. Un feu de bûches, flambant dans l’âtre, un feu de campagne, un feu de château, jetait aussi une lueur à éclats sur les murs, éclairant des tapisseries à personnages, des cadres dores, des portraits de famille et les hauts rideaux, d’un rouge foncé, qui voilaient et drapaient les fenêtres. Malgré toutes ces lumières, la vaste pièce était triste, un peu froide, pénétrée par l’hiver. On sentait du dehors l’âpre rigueur de l’air et le souffle du vent, glacé par le tapis de neige étendu sur la terre, qui faisait craquer les arbres du parc. La comtesse se leva ; de sa démarche un peu lente, un peu traînante de jeune femme enceinte, elle vint s’asseoir devant le foyer et tendit ses pieds à la flamme. Les bûches embrasées lui jetèrent à la face l’émanation de leur vive chaleur, une sorte de caresse brûlante et même un peu brutale, tandis qu’elle sentait en même temps son dos, ses épaules et sa nuque tressaillir encore sous le frisson de l’atmosphère de mort, dont cet hiver terrible enveloppait la France. Cette sensation du froid glissait partout en elle, entrée dans son âme autant que dans son corps, et à cette angoisse physique se joignait celle de l’immense catastrophe abattue sur la patrie. Torturée par ses nerfs,. ses soucis, ses atroces pressentiments, Mme de Brémontal se leva de nouveau. Où est-il à cette heure, lui, son mari, dont elle n’a reçu depuis cinq mois aucune nouvelle ? Prisonnier des Prussiens ou tué ? Martyrisé dans une forteresse ennemie ou enterré dans un trou, sur un champ de bataille, avec tant d’autres cadavres dont la chair décomposée est mêlée à la chair des voisins et tous les ossements confondus. Oh ! quelle horreur ! quelle horreur !
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— Je vous prie de m’excuser, madame, si j’exécute l’ordre de mon supérieur, qui m’a chargé de vous amener près de lui. Voulez-vous descendre de bonne grâce ? C’est ce que vous avez de mieux à faire, et pour vous, et pour nous.
 
axel bullet
 
Elle hésita une seconde, puis :
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En entendant pleurer l’enfant, la comtesse perdit la tête et l’idée des brutalités auxquelles cette soldatesque se pouvait livrer, des dangers que son cher petit pouvait courir, lui mit au cœur subitement l’envie folle, irrésistible, de s’en aller, de fuir n’importe où, dans une chaumière du village. On la jetait dehors. Tant mieux !
 
 
Axel Bullet
 
=== II ===