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Mme la duchesse de Richelieu

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Mme la duchesse de Richelieu ^ fut faite dame d’honneur de madame la dauphine.
Anne-Marguerite d’Acigné, fille de Jean-Léonard d’Acigné, comte de Grand-Bois, morte en 1698 ''(a)''.
</ref> fut faite dame d’honneur de madame la dauphine.


Mme de Coulanges, femme de celui qui a tant fait de chansons, augmentait la bonne compagnie de l’hôtel de Richelieu ; elle avait une figure et un
Mme de Coulanges, femme de celui qui a tant fait de chansons, augmentait la bonne compagnie de l’hôtel de Richelieu ; elle avait une figure et un
esprit agréables, une conversation remplie de traits vifs et brillants, et ce
esprit agréables, une conversation remplie de traits vifs et brillants, et ce style lui était si naturel que l’abbé Gobelin
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style lui était si naturel que l’abbé Gohelin- dit, après une confession géné-
Quel Gobelin qu’un homme qui, pour divertir la compagnie, caractérise les confessions de ses dévotes ! Quel directeur de Mme de Maintenon ! Il avait besoin d’être dirigé par elle ; aussi l’était-il.
rale qu’elle lui avait faite : « Chaque péché de cette dame est une épigramme. »
</ref> dit, après une confession générale qu’elle lui avait faite : « Chaque péché de cette dame est une épigramme. »

Le cardinal d’Estrées n’était pas moins amoureux dans ce temps dont je
parle, et il a fait pour Mme de Maintenon beaucoup de choses galantes qui,
sans toucher son cœur, plaisaient à son esprit''.

Mme de Schomberg était précieuse ; Mlle de Pons, bizarre, naturelle, sans jugement, pleine d’imagination, toujours nouvelle et divertissante, telle enfin
que Mme de Maintenon m’a dit plus d’une fois : « Mme d’Heudicourt n’ouvre pas la bouche sans me faire rire ; cependant je ne me souviens pas, depuis
que nous nous connaissons, de lui avoir entendu dire une chose que j’eusse
voulu avoir dite *. »

Madame la dauphine voyait la nécessité d’être bien avec la favorite pour
être bien avec le roi son beau-père ; mais, la regardant en même temps
comme une personne dangereuse dont il fallait se défier, elle se détermina à
la retraite oîi elle était naturellement portée, et ne découvrit qu’après la mort
de Mme de Richelieu, dans un éclaircissement qu’elle eut avec Mme de Maintenon, la fausseté des choses qu’elle lui avait dites. Étonnée de la voir aussi
affligée, elle marqua sa surprise, et par l’enchaînement de la conversation
elle mit au jour les mauvais procédés de cette infidèle amie’\

1. Anne-Marguerite d’Acigné, fille de Jean-Léonard d’Acigné, comte de Grand-Bois, morte en 1698*.

2. Quel Gobelin qu’un liomme qui, pour divertir la compagnie, caractérise les confessions de ses dévotes ! Quel directeur
de Mme de Maintenon ! Il avait besoin d’être dirigé par elle ; aussi
l’était-il.

3. Voilà bien de la galanterie, tant profane que sacerdotale !


Le cardinal d’Estrées n’était pas moins amoureux dans ce temps dont je parle, et il a fait pour Mme de Maintenon beaucoup de choses galantes qui,
h. Mme de Caylus le répète plus loin : c’est une preuve de la négligence et de la simplicité dont elle écrivait ces mémoires, qui ne sont en effet que des souvenirs sans ordre,
sans toucher son cœur, plaisaient à son esprit
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Voilà bien de la galanterie, tant profane que sacerdotale !
</ref>.


Mme de Schomberg était précieuse ; Mlle de Pons, bizarre, naturelle, sans jugement, pleine d’imagination, toujours nouvelle et divertissante, telle enfin que Mme de Maintenon m’a dit plus d’une fois : « Mme d’Heudicourt n’ouvre pas la bouche sans me faire rire ; cependant je ne me souviens pas, depuis
5. La véritable raison fut que Mme de Richelieu, qui avait protégé autrefois Mme Scarron, ne put supporter d’être totalement éclipsée par Mme de Maintenon.
que nous nous connaissons, de lui avoir entendu dire une chose que j’eusse voulu avoir dite
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Mme de Caylus le répète plus loin : c’est une preuve de la négligence et de la simplicité dont elle écrivait ces mémoires, qui ne sont en effet que des souvenirs sans ordre.
</ref>. »


Madame la dauphine voyait la nécessité d’être bien avec la favorite pour être bien avec le roi son beau-père ; mais, la regardant en même temps comme une personne dangereuse dont il fallait se défier, elle se détermina à la retraite où elle était naturellement portée, et ne découvrit qu’après la mort de Mme de Richelieu, dans un éclaircissement qu’elle eut avec Mme de Maintenon, la fausseté des choses qu’elle lui avait dites. Étonnée de la voir aussi affligée, elle marqua sa surprise, et par l’enchaînement de la conversation elle mit au jour les mauvais procédés de cette infidèle amie
* M. Monmerqué dit qu’elle mourut en 1G84. (B.) — Suivant M. Lavallée, il s’agit ici de Anne Poussard de Fors de Vigean, mariée en premières noces au frère du maréchal d’Albret, et en secondes noces au duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal.
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La véritable raison fut que Mme de Richelieu, qui avait protégé autrefois Mme Scarron, ne put supporter d’être totalement éclipsée par Mme de Maintenon.
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''(a)'' M. Monmerqué dit qu’elle mourut en 1684. (B.) — Suivant M. Lavallée, il s’agit ici de Anne Poussard de Fors de Vigean, mariée en premières noces au frère du maréchal d’Albret, et en secondes noces au duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal.
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