« Les erreurs de l’Église en droit naturel et canonique sur le mariage et le divorce/52 » : différence entre les versions

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Version du 23 septembre 2021 à 21:22

LII


Récapitulons un peu, en terminant, les erreurs ou les sophismes de l’Église sur la grande question du mariage.

1o  Elle a affirmé dans ses catéchismes, ce qui est historiquement inexact, que son sacrement de mariage, tel qu’elle l’a graduellement organisé pendant douze siècles, remonte à Jésus ;

2o  Tout en affirmant cette fausseté historique, elle a rayé de son droit canon la restriction si rationnelle et si légitime de Jésus relativement à l’adultère. Et elle a rayé cette restriction de ses catéchismes pour en soustraire la connaissance à ses fidèles ;

3o  Elle a, en contradiction manifeste du livre qu’elle donne comme parole de Dieu, déclaré le célibat supérieur au mariage. Et elle est allée jusqu’à regarder celui-ci comme une espèce de souillure nécessitant la purification de la mère après la naissance d’un enfant, adoptant ainsi le faux point de vue de la question soutenu par quelques-uns de ses docteurs, de préférence au point de vue vrai et rationnel soutenu par d’autres de ses docteurs. Et je me permets d’ajouter : adoptant ainsi un point de vue encore mis en pratique par quelques peuplades nègres de l’Afrique ;

4o  En déclarant le célibat, qui est d’institution purement ecclésiastique, supérieur au mariage que, dans son propre système, elle déclare d’institution divine, elle se trouve avoir donné la préséance à une notion purement païenne sur les définitions de son propre livre sacré : Et vidit quod esset bonum. Væ soli !

5o  En déclarant au concile de Trente le célibat supérieur au mariage elle oubliait trop que le célibat démoralisait alors ses prêtres depuis des siècles ; que le célibat est de sa nature démoralisateur parce qu’il contredit le plus puissant des instincts de la nature humaine, et que le mariage seul — ce que lui ont dit nombre de ses hommes les plus éminents — est moralisateur ;

6o  Elle a déclaré soumise au droit ecclésiastique et relevant uniquement de lui une institution qui est essentiellement et uniquement de droit naturel puisqu’elle est le seul moyen régulier de la propagation de l’espèce, et puisqu’elle est de tous les pays, de tous les cultes et de tous les temps. On s’est marié pendant bien des siècles avant l’époque assignée à son Adam par les généalogies de Jésus ;

7o  Elle a décidé au concile de Trente, après avoir accepté le contraire pendant des siècles, qu’il n’y avait pas de mariage régulier et honorable hors de la présence d’un prêtre. Mais en même temps elle se mettait en contradiction avec elle-même en décidant ou en faisant affirmer par ses canonistes que les contractants seuls étaient les producteurs et administrateurs à eux-mêmes du sacrement, car elle rendait par là pratiquement inutile la présence du prêtre puisqu’il était là comme simple témoin et non plus comme acteur essentiel en vertu du sacrement de l’ordre ;

8o  Elle n’a pas su voir, dans son désir de s’emparer de ce qui ne lui appartenait pas, que les conjoints devenant seuls — sous les dernières illuminations reçues — les ministres du sacrement et du contrat, les vrais producteurs du sacrement, ils en devenaient par là même les maîtres et pouvaient aller se l’administrer à eux-mêmes là où bon leur semblait.

9o  Autrefois les canonistes — et plusieurs d’entre eux encore aujourd’hui — regardaient le prêtre comme seul ministre du sacrement qu’il conférait par sa bénédiction des époux. Aujourd’hui on affirme que ce sont les conjoints qui le produisent par eux-mêmes et en sont les ministres. Ou l’on se trompait autrefois ou l’on se trompe aujourd’hui. J’ose me permettre de soupçonner que l’on trompe peut-être encore plus qu’on ne se trompe car il n’est guère admissible que ce soit par pure erreur inconsciente que l’on maintient comme sacrement une institution qui n’appartient pas de sa nature à l’ordre mystique comme les autres sacrements et qui ne participe en rien des conditions nécessaires des autres sacrements ;

10o  Et la preuve que l’on trompe plus qu’on ne se trompe, c’est qu’après avoir décidé que les conjoints étaient les seuls ministres du sacrement et se l’administraient à eux-mêmes, l’Église a continué de faire prononcer le conjungo par ses prêtres qui n’avaient clairement plus le droit de le faire dès qu’on leur ôtait le caractère de ministres du sacrement ;

11o  L’Église a déclaré irréguliers et nuls le mariage protestant et le mariage israélite, et elle se mettait par là en contradiction formelle avec sa Bible et avec elle-même. Le protestant et l’israélite se marient certainement sous la parole : Et vidit quod esset bonum. Puis, comme elle place forcément, d’après l’ancien droit romain, l’essence du mariage dans le libre consentement des parties, ce consentement a nécessairement la même force et le même effet et comporte les mêmes conséquences chez le protestant et l’israélite que chez le catholique. L’essence du mariage étant la même au dehors qu’au dedans du catholicisme la différence de culte ne peut clairement la modifier ;

12o  En admettant l’adultère comme cause de dissolution du mariage les protestants se sont montrés respectueux observateurs du précepte de Jésus, pendant que sur cette question l’Église n’a su que dire à ses fidèles : Ce n’est pas lui qu’il faut écouter, c’est moi !

13o En refusant de reconnaître le mariage israélite, qui reste fondé sur la législation du Pentateuque, l’Église a violé ce qui est pour elle parole inspirée de Dieu, parole qui, sur le mariage, a été plutôt confirmée que modifiée par Jésus ;

14o Par suite de cette erreur dans son propre système elle permet cette grande immoralité en faveur d’un conjoint israélite ou protestant, s’il se fait catholique, d’un second mariage du vivant de l’autre conjoint. C’est donc purement un divorce qu’elle autorise et consacre malgré ses grandes protestations qu’il est radicalement illégitime ;

15o Elle a arrangé tout un système de nullités dont plusieurs n’étaient en réalité que le divorce appelé d’un autre nom, et le divorce imposé sous sa pire forme puisque les enfants devenaient illégitimes par la seule déclaration de nullité d’un mariage ;

16o Plusieurs de ses causes de nullité étaient bien moins rationnelles et légitimes en droit canon comme en droit social que la restriction faite par Jésus ;

17o Elle a étendu l’empêchement de mariage pour cause de parenté jusqu’aux petits enfants des cousins germains, et cela pour se créer illégitimement des revenus. N’était-ce pas se moquer de toutes les notions de conscience que de regarder pareille cause de nullité comme plus essentielle que le fait de l’adultère ?

18o Elle a prétendu même dans ses conciles qu’elle avait toujours eu juridiction supérieure sur le mariage, pendant que le fait vrai c’est qu’elle n’a jamais possédé cette juridiction sous les empereurs romains ; que sous les rois des première et seconde races elle a été, dans la personne de ses évêques, associée au pouvoir civil pour appliquer la loi civile sur le mariage ; que ce n’est que sous Nicolas Ier, en 862, qu’elle a réussi à s’emparer de l’institution, et qu’enfin ce n’est que sous l’empereur Léon VI, vers 910 ou 911, que le mariage a été astreint par le pouvoir civil à la bénédiction nuptiale. Auparavant le mariage était valide sans la présence du prêtre ;

19o Nicolas Ier, pour s’emparer du mariage, s’était appuyé de quelques unes des fausses décrétales. Les conciles de Florence et de Trente ont confirmé l’usurpation de Nicolas Ier, sachant parfaitement que les décrétales dont ce pape adoptait les dispositions étaient fausses ;

20o L’Église a décidé que le contrat et le sacrement ne faisaient qu’un et qu’il n’y avait pas de sacrement sans contrat et pas de contrat sans sacrement. Qu’il n’y ait pas de sacrement sans contrat, cela est clair puisque le contrat est nécessairement la matière du sacrement. Mais qu’il n’y ait pas de contrat sans sacrement, cela est manifestement faux : 1o  puisqu’il y a des mariages légitimes et valides dans les autres cultes ; 2o  puisque le consentement des époux ne participe en rien d’un sacrement ; 3o  puisque le consentement, donc le contrat, précède nécessairement le sacrement. L’Église a fait une définition incorrecte en droit naturel pour confirmer son usurpation d’une institution qui ne lui appartenait pas. Mais une usurpation ne saurait modifier la nature propre des choses ;

21o L’Église a accusé le législateur d’avoir mis Dieu à la porte du sacrement de mariage. Il est pourtant bien clair que quand elle a déclaré : 1o  que le prêtre n’est pas le ministre du sacrement — ce qu’il était autrefois comme de tous les autres sacrements ; — 2o  que les conjoints seuls le sont ; 3o  qu’ils s’administrent le sacrement à eux-mêmes et que le prêtre n’assiste plus à un mariage que comme témoin, il est bien clair, dis-je, que l’Église elle-même avait déjà mis Dieu à la porte et que le législateur n’a fait qu’emboîter le pas derrière elle, avec un certain plaisir peut-être de voir la contradiction de l’Église, mais enfin il n’a fait que suivre et non précéder ;

22o L’Église n’a pas assez d’horreur et d’anathèmes pour le mariage civil. Mais par le seul fait que le prêtre n’est plus ministre du sacrement et que les conjoints se le confèrent à eux-mêmes il est clair à ceux que la théologie n’aveugle pas qu’il ne se fait plus dans l’Église que des mariages civils puisque la présence du prêtre sans bénédiction et sans conjungo ne constitue pas à proprement parler un mariage religieux ;

23o L’Église a toujours affirmé et affirme encore le fait d’impuissance par maléfice du démon. La loi civile ne peut clairement pas admettre cette enfantine croyance découlant d’une grossière superstition ;

24o L’Église a déclaré empêchement dirimant la parenté spirituelle, c’est-à-dire le prétendu lien crée entre compère et commère, parrain ou marraine et filleul. Il y a là erreur évidente en droit naturel et l’autorité civile ne peut clairement accepter ces liens de pure fantaisie inventés, comme la parenté au septième degré, pour imposer illégitimement des dispenses ;

25o L’Église a décidé que sur toutes les questions matrimoniales ses dogmes devaient avoir la préséance sur la justice due aux parties souffrantes et maltraitées. La loi civile, elle, se préoccupe bien plus du devoir de la justice que de l’obéissance aux dogmes qui violent la justice, car la justice est per se bien au-dessus de tous les dogmes.

26o L’Église a décidé qu’elle avait le droit de marier les enfants mineurs sans s’inquiéter du consentement des parents. La loi civile respecte au contraire les droits et les désirs du père de famille et empêche l’Église de les violer ;

27o Elle a déclaré l’entrée dans les ordres après le mariage mais avant sa consommation une cause suffisante de nullité. Il est pourtant clair que dans son système, le sacrement ne faisant qu’un avec le contrat, le mariage devenait indissoluble du moment que le sacrement avait été régulièrement reçu. Et elle autorisait de plus celui qui voulait se faire prêtre à commettre une injustice envers la femme avec laquelle il venait de se marier. Elle séparait clairement ici ceux que Dieu avait unis dans son système. Donc elle faisait un divorce sous un faux prétexte, ce qui n’était ni sincère, ni honnête, ni chrétien ;

28o Elle a même déclaré que la prononciation d’un vœu solennel rompait le mariage non encore consommé. Erreur pire que la précédente puisqu’il n’y avait pas ici conflit de sacrements ! Le mariage sacrement devait, dans son propre système, annuler le vœu non sacrement. Il n’y avait là qu’un point de vue erroné, fruit de l’orgueil ecclésiastique voulant mettre le monachisme au-dessus de tout, même du clergé séculier ;

29o Tout en déclarant le mariage strictement indissoluble elle le rompait souvent sur des raisons parfaitement illégitimes en droit et en raison, séparant toujours ce que Dieu avait uni ;

30o Elle a souvent accordé le divorce aux princes sur des raisons purement politiques ;

31o Elle a organisé tout un système de dispenses chèrement payées et parfaitement illégitimes en droit et en raison, et même en religion puisque ses conciles le prohibaient ;

32o Elle a ordonné pendant des siècles les abominations du congrès, et ce sont les parlements qui l’ont forcée de renoncer à ces immoralités ;

33o Elle a réclamé par la bouche de Pie IX l’antériorité de la cérémonie religieuse du mariage pour finir par reconnaître la sagesse du législateur en admettant finalement la nécessité de l’antériorité de la cérémonie civile ;

34o Elle a déclaré le mariage purement civil un concubinage honteux, contradiction de son propre principe qui place l’essence du mariage dans le seul consentement libre des époux. Et elle aurait dû songer que le concubinage de ses évêques et de ses prêtres était bien autrement honteux qu’un mariage régulier fait sous l’empire de la loi. Elle plaçait ainsi, par pure arrogance de corps, la honte où elle n’était pas pour ne pas la voir où elle était réellement ;

35o Elle a préféré la séparation de corps, cause incessante et fatale d’immoralité dans la vie pratique, au divorce bien réglé, qui aurait régularisé la situation des époux séparés, aurait épargné aux enfants la vue des désordres de leurs parents, et aurait épargné à ceux-ci la procréation de nombreux enfants adultérins. Elle favorisait ainsi l’immoralité au lieu de la corriger. Assez peu pratique manière de démontrer son infaillibilité sur les mœurs !

36o D’après les principes qu’elle pose et définit, ses théologiens sont forcés de qualifier seulement de fornication la séduction d’une femme protestante, israélite ou unitairienne, par un célibataire catholique. La loi civile décrète l’acte d’adultère et elle a certainement raison contre l’Église. Donc elle a ici la meilleure part de l’infaillibilité.

37o Ses canonistes ont basé sa doctrine nouvelle sur le probabilisme, au lieu de la faire découler de principes incontestés en droit naturel et en droit canon. Et il semble que sur une question de salut dans son système on aurait le droit de lui demander des règles certaines découlant de principes certains, et non des règles simplement probables, fruits d’opinions également probables. On pourrait aussi lui demander de ne pas enseigner à une époque le contraire de ce qu’elle enseignait à une époque antérieure ;

38o Elle affirme d’après sa Bible, interprétée à contre-sens du texte, que le mariage remonte à Adam et Ève, dans la personne desquels il aurait été sanctifié par Dieu lui-même. Malheureusement sa Bible elle-même démontre qu’il y avait des hommes avant son Adam qui n’est plus, pour ceux qui étudient et connaissent les faits généraux de la création, qu’un personnage purement légendaire. Malheureusement encore les constatations historiques les plus incontestables démontrent que les grandes pyramides ; puis celles de Dashoor et de Saqquarat, plus anciennes ; puis le grand sphinx et le temple d’Harmachis, bien plus anciens encore, remontent bien au-delà de l’époque assignée au prétendu Adam par la généalogie de l’évangile de Luc. Donc le mariage institué par Dieu lui-même dans les personnes d’Adam et d’Ève est un conte, comme le serpent qui parle, comme la création de l’homme et des animaux à l’état adulte et sous les formes actuelles, comme la confusion des langues, comme les vies de 900 ans des patriarches, comme le déluge de Noé, etc., etc.

Il semble que voilà un nombre assez respectable d’erreurs et de sophismes chez des hommes qui proclament en face du monde que le Saint-Esprit est toujours avec eux. Ils sont tombés dans toutes ces graves erreurs parce qu’ils ont repoussé dans tous les temps les études scientifiques indépendantes du dogme et les repoussent encore aujourd’hui. Ils ont en outre réprouvé l’étude du droit basé sur la notion de justice pour lui substituer l’étude de leur droit canon basé sur le faux principe de « la grâce qui n’est pas la justice » ; en d’autres termes, prétendant qu’il n’existe pas de droits en dehors de l’Église qui en est la dispensatrice.

Donc, dans sa prétendue infaillibilité, l’Église s’est plus trompée, tant sur les principes recteurs de la question du mariage que sur toutes les conséquences qui en découlent, qu’aucun autre corps d’hommes dans l’histoire du monde.

Donc enfin il résulte de tout ce que nous venons de voir que le mariage, par sa nature propre, est une institution essentiellement de droit naturel, social et civil, et que l’Église a commis une usurpation en voulant faire l’institution exclusivement sienne.

Repoussant la science comme vaine, frivole et dangereuse, elle s’est frappée elle-même, de siècle en siècle, d’incompétence et d’infériorité.