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direct. Il est souvent rattaché à ses deux extrêmes par d’autres intermédiaires qui tiennent de lui et de l’un ou l’autre de ces extrêmes. Si bien qu’une chaîne de types plus ou moins divers, mais rentrant bien dans un même type principal, se rétablit dans mon souvenir et m’explique comment l’étranger ne m’a point paru étranger. Cette ressemblance porte tantôt sur les traits, tantôt sur la voix, tantôt sur les habitudes du corps et de l’expression, tantôt sur toutes ces choses réunies, tantôt sur quelques-unes, mais jamais sur moins de deux. Autrement la ressemblance serait trop lointaine pour me frapper. Car je déclare que ceci n’est point chez moi affaire d’imagination, mais affaire d’expérience et opération puérile peut-être de l’esprit, mais involontaire, impérieuse, et faite en conscience, car je n’y résiste plus. Je souffre trop quand je veux m’y soustraire et accepter l’individu qui se présente à mes regards comme un individu détaché de la chaîne de ceux qui remplissent mon passé. Jusqu’à ce que je l’aie rattaché à cette chaîne, cet être-là m’est suspect, gênant, antipathique. C’est pour moi-même un secret (car la chose reste mystérieuse et bizarre à mes propres yeux, tant elle est peu systématique). Mais c’est la pierre de touche de mes sympathies spontanées et durables, ou de mes antipathies subites et invincibles. Dieu ! quel effroi, quelle répugnance m’inspire l’individu dont je ne puis retrouver l’analogie qu’après de longs efforts de mémoire ! Ma mémoire est si heureusement organisée qu’elle ensevelit dans de lourdes ténèbres le nom et la figure des méchants dont les actes ont offensé mon cœur ou ma raison. À la moindre occasion elle les plante là et se détache d’eux avec une admirable légèreté. Je vous remercie, chère mère nature, de m’avoir fait ce présent d’une profonde apathie pour les ressentiments particuliers. Les impressions spontanées me molestent bien plus que les souvenirs. Voilà pourquoi je crains tant les personnes dont je ne puis dire bien vite : « Oh, toi, je te tiens, je te sais, tu es de la famille XXX… » Combien de fois, dans un salon, dans une boutique, dans la rue, j’ai rencontré de ces figures qui m’ont donné le frisson et la douleur au foie, sans s’en douter le moins du monde. Ce sont pour moi de méchants esprits échappés d’un monde antérieur où, peut-être, j’ai été leur victime et ils allaient me reconnaître et s’acharner encore après moi dans cette vie. Mais quand j’ai trouvé leur ressemblant, je ne suis plus en peine. Je ne leur en veux plus. Presque toujours ce ressemblant est un mauvais garnement, puisqu’il est venu tard à mon appel, mais que m’importe ce nouveau venu, qui porte sur ses traits l’empreinte de leur malice ? Le voilà démasqué. Je ne saurais le craindre. Un mur est entre nous pour toujours, car je sais que ma confiance serait là mal placée. Mais je puis être bienveillant et bon pour lui. Je le plains. Je connais la plaie de son âme, l’écueil de son avenir, l’abîme de son