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<section begin="4387"/>donc cet article comme impie, comme épicurien, enfin comme l’ouvrage d’un philosophe.
<section begin="4387"/>donc cet article comme impie, comme épicurien, enfin comme l’ouvrage d’un philosophe.


Il se trouve que l’article, loin d’être d’un philosophe, est d’un docteur en théologies<ref>L’abbé Yvon ; voyez tome {{rom-maj|XXVI|26}}, page 128.</ref> qui établit l’immatérialité, la spiritualité, l’immortalité de l’âme, de toutes ses forces. Il est vrai que ce docteur encyclopédiste ajoutait aux bonnes preuves que les philosophes en ont apportées de très-mauvaises qui sont de lui ; mais enfin la cause est si bonne qu’il ne pouvait l’affaiblir. Il combat le matérialisme tant qu’il peut ; il attaque même le système de Locke ; supposant que ce système peut favoriser le matérialisme, il n’entend pas un mot des opinions de Locke ; cet article enfin est l’ouvrage d’un écolier orthodoxe, dont on peut plaindre l’ignorance, mais dont on doit estimer le zèle et approuver la saine doctrine. Notre ''convulsionnaire'' défère donc cet article de l’''âme'', et probablement sans l’avoir lu. Un magistrat<ref>Omer Joly de Fleury.</ref>, accablé d’affaires sérieuses, et trompé par ce malheureux, le croit sur sa parole ; on demande la suppression du livre, on l’obtient : c’est-à-dire on trompe mille souscripteurs qui ont avancé leur argent, on ruine cinq ou six libraires considérables qui travaillaient sur la foi d’un privilège du roi, on détruit un objet de commerce de
Il se trouve que l’article, loin d’être d’un philosophe, est d’un docteur en théologie<ref>L’abbé Yvon ; voyez tome {{rom-maj|XXVI|26}}, page 128.</ref>, qui établit l’immatérialité, la spiritualité, l’immortalité de l’âme, de toutes ses forces. Il est vrai que ce docteur encyclopédiste ajoutait aux bonnes preuves que les philosophes en ont apportées de très-mauvaises qui sont de lui ; mais enfin la cause est si bonne qu’il ne pouvait l’affaiblir. Il combat le matérialisme tant qu’il peut ; il attaque même le système de Locke ; supposant que ce système peut favoriser le matérialisme, il n’entend pas un mot des opinions de Locke ; cet article enfin est l’ouvrage d’un écolier orthodoxe, dont on peut plaindre l’ignorance, mais dont on doit estimer le zèle et approuver la saine doctrine. Notre ''convulsionnaire'' défère donc cet article de l’''âme'', et probablement sans l’avoir lu. Un magistrat<ref>Omer Joly de Fleury.</ref>, accablé d’affaires sérieuses, et trompé par ce malheureux, le croit sur sa parole ; on demande la suppression du livre, on l’obtient : c’est-à-dire on trompe mille souscripteurs qui ont avancé leur argent, on ruine cinq ou six libraires considérables qui travaillaient sur la foi d’un privilége du roi, on détruit un objet de commerce de
trois cent mille écus. Et d’où est venu tout ce grand bruit et cette persécution ? de ce qu’il s’est trouvé un homme ignorant, orgueilleux, et passionné.
trois cent mille écus. Et d’où est venu tout ce grand bruit et cette persécution ? de ce qu’il s’est trouvé un homme ignorant, orgueilleux, et passionné.


Voilà, monsieur, ce qui s’est passé, je ne dis pas aux yeux de l’''univers'', mais au moins aux yeux de tout Paris. Plusieurs aventures pareilles, que nous voyons assez souvent, nous rendraient les plus méprisables de tous les peuples policés, si d’ailleurs nous n’étions pas assez aimables. Et, dans ces belles querelles, les partis se cantonnent, les factions se heurtent, chaque parti a pour lui un ''folliculaire''<ref>Faiseur de feuilles. (''Note de Voltaire''.) </ref>. Maître Aliboron, par exemple, est le folliculaire de ''{{M.}} de l’Empyrèe'' ; ce maître Aliboron ne manque pas de décrier tous ses camarades folliculaires, pour mieux débiter ses feuilles. L’un gagne à ce métier cent écus par an, l’autre mille, l’autre deux mille ; ainsi l’on combat ''pro focis''. « Il faut bien que je vive, » disait l’abbé Desfontaines à un ministre<ref>Le comte d’Argenson.</ref> d’État ; le ministre eut beau lui dire qu’il n’en voyait pas la nécessité, Desfontaines vécut ; et tant qu’il y aura une pistole à gagner dans<section end="4387"/>
Voilà, monsieur, ce qui s’est passé, je ne dis pas aux yeux de l’''univers'', mais au moins aux yeux de tout Paris. Plusieurs aventures pareilles, que nous voyons assez souvent, nous rendraient les plus méprisables de tous les peuples policés, si d’ailleurs nous n’étions pas assez aimables. Et, dans ces belles querelles, les partis se cantonnent, les factions se heurtent, chaque parti a pour lui un ''folliculaire''<ref>Faiseur de feuilles. (''Note de Voltaire''.) </ref>. Maître Aliboron, par exemple, est le folliculaire de ''{{M.|de l’Empyrée}}'' ; ce maître Aliboron ne manque pas de décrier tous ses camarades folliculaires, pour mieux débiter ses feuilles. L’un gagne à ce métier cent écus par an, l’autre mille, l’autre deux mille ; ainsi l’on combat ''pro focis''. « Il faut bien que je vive, » disait l’abbé Desfontaines à un ministre<ref>Le comte d’Argenson.</ref> d’État ; le ministre eut beau lui dire qu’il n’en voyait pas la nécessité, Desfontaines vécut ; et tant qu’il y aura une pistole à gagner dans<section end="4387"/>