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— Et l’affaire des ''Skoptsy'' ? — demanda le greffier.
— Et l’affaire des ''Skoptsy'' ? — demanda le greffier.


— J’ai déclaré que c’était impossible en l’absence de témoins, — répondit le substitut. — Je le répéterai au
— J’ai déclaré que c’était impossible en l’absence de témoins, — répondit le substitut. — Je le répéterai au tribunal.
tribunal.


— Qu’est-ce que cela fait ?
— Qu’est-ce que cela fait ?
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Il ajournait cette affaire des ''Skoptsy'', non point à cause de 1’absence de quelques témoins insignifiants, mais parce que cette affaire, si on la jugeait dans une grande ville, où la plupart des jurés appartenaient aux classes instruites, risquait de se terminer par un acquittement ; aussi s’était-il entendu avec le président pour que l’affaire fût déférée aux assises d’une petite ville, où le jury serait en majorité formé de paysans, et où, par suite, la condamnation serait plus facile à obtenir.
Il ajournait cette affaire des ''Skoptsy'', non point à cause de 1’absence de quelques témoins insignifiants, mais parce que cette affaire, si on la jugeait dans une grande ville, où la plupart des jurés appartenaient aux classes instruites, risquait de se terminer par un acquittement ; aussi s’était-il entendu avec le président pour que l’affaire fût déférée aux assises d’une petite ville, où le jury serait en majorité formé de paysans, et où, par suite, la condamnation serait plus facile à obtenir.


Cependant le mouvement dans le corridor avait encore grandi. La foule s’amassait surtout devant la salle du tribunal civil, où s’était jugée une de ces affaires dont on a coutume de dire qu’elles sont « intéressantes », celle-là même dont parlait avec tant de compétence, dans la salle des jurés, le personnage représentatif. Sans ombre de raison ni de droit moral, mais d’une façon strictement légale, un homme de loi avisé s’était emparé de toute la fortune d’une vieille dame. La plainte de la vieille dame était absolument juste. Les juges le savaient, et plus encore le savaient l’homme de loi et son avocat : mais cet avocat avait imaginé une procédure si adroite que la vieille femme devait fatalement perdre son procès.
Cependant le mouvement dans le corridor avait encore
grandi. La foule s’amassait surtout devant la salle du
tribunal civil, où s’était jugée une de ces affaires dont on a coutume de dire qu’elles sont « intéressantes », celle-là même dont parlait avec tant de compétence, dans la salle des jurés, le personnage représentatif. Sans ombre de raison ni de droit moral, mais d’une façon strictement légale, un homme de loi avisé s’était emparé de toute la fortune d’une vieille dame. La plainte de la vieille dame était absolument juste. Les juges le savaient, et plus encore le savaient l’homme de loi et son avocat : mais cet avocat avait imaginé une procédure si adroite que la vieille femme devait fatalement perdre son procès.


Au moment où le greffier allait entrer dans le bureau de la chancellerie, il vit précisément passer devant lui, dans le corridor, la vieille dame qui venait d’être, en bonne forme, dépouillée de sa fortune. C’était une grosse femme, avec d’énormes fleurs sur son chapeau. Elle sortait de la salle d’audience et, étendant puis ramenant
Au moment où le greffier allait entrer dans le bureau de la chancellerie, il vit précisément passer devant lui, dans le corridor, la vieille dame qui venait d’être, en bonne forme, dépouillée de sa fortune. C’était une grosse femme, avec d’énormes fleurs sur son chapeau. Elle sortait de la salle d’audience et, étendant puis ramenant