« L’Auberge de l’Ange Gardien » : différence entre les versions

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De temps à autre il courait à l’auberge Bournier, sous prétexte d’avoir besoin d’air, puis aux ouvriers des prés et des bois, pour avoir, disait-il, un peu de fraîcheur. On le laissait faire, chacun était trop agréablement surpris pour gêner ses allées et venues.
 
L’auberge Bournier ressemblait à une fourmilière ; les ouvriers étaient plus nombreux encore et plus affairés que les jours précédents. Il était arrivé plusieurs beaux messieurs de Paris qui s’y établissaient et qui achetaient, dans le village et aux environs, des provisions si considérables de légumes frais, de beurre, d’œufs, de laitage, qu’on pensait dans Loumigny qu’on allait avoir à loger incessamment un régiment ou pour le moins un bataillon. Moutier et Dérigny semblaient avoir perdu la confiance du général ; il ne leur demandait plus rien que les soins d’absolue nécessité pour son service personnel.
 
Moutier et Dérigny semblaient avoir perdu la confiance du général ; il ne leur demandait plus rien que les soins d’absolue nécessité pour son service personnel.
Ils avaient défense de toucher aux paquets qui se succédaient ; le général les déballait lui-même et ne permettait à personne d’y jeter un coup d’œil. Elfy craignait parfois que ce ne fût un symptôme de mécontentement. Moutier la rassurait.
 
Ils avaient défense de toucher aux paquets qui se succédaient ; le général les déballait lui-même et ne permettait à personne d’y jeter un coup d’œil. Elfy craignait parfois que ce ne fût un symptôme de mécontentement. Moutier la rassurait. « Je le connais, disait-il ; c’est quelque bizarrerie qui lui passe par la tête et qui s’en ira comme tant d’autres que je lui ai vues. »
 
Mme Blidot s’inquiétait du repas de noces, du dîner, du contrat. Quand elle avait voulu s’en occuper et les préparer avec Elfy, le général l’en avait empêchée en répétant chaque fois :
 
« Ne vous occupez de rien, ne vous tourmentez de rien ; c’est moi qui me charge de tout, qui fais tout, qui paye tout. »
 
{{sc|Madame Blidot}}. — Mais, mon cher bon général, ne faut-il pas au moins préparer des tables, de la vaisselle, des rafraîchissements, des flambeaux ? Je n’ai rien que mon courant.
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Et le général courut plutôt qu’il ne marcha vers la maison Bournier. Les ouvriers avaient tout terminé ; on achevait d’accrocher au-dessus de la porte une grande enseigne recouverte d’une toile qui la cachait entièrement. Une foule de gens étaient attroupés devant cette enseigne. Le général s’approcha du groupe et demanda d’un air indifférent :
 
« Qu’est-ce qu’il y a par là ? Que représente cette enseigne voilée ? »
 
{{sc|Un homme}}. — Nous ne savons pas, général. (On commençait à le connaître dans le village.) Il se passe des choses singulières dans cette auberge ; depuis huit jours on y a fait un remue-ménage à n’y rien comprendre.
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{{sc|Le général}}. — C’est peut-être pour le procès.
 
{{sc|Une bonne femme}}. — C’est ce que disent quelques-uns. On dit que les Bournier vont être condamnés à mort et qu’on prépare l’auberge pour les exécuter dans la chambre où ils ont manqué vous assassiner, général. »
 
Le général comprima avec peine le rire qui le gagnait. Il remercia les braves gens des bons renseignements qu’ils lui avaient donnés, continua sa promenade et revint lestement à l’auberge par les derrières sans être vu de personne. Il entra, regarda et approuva tout, encouragea par des généreux pourboires les gens qui préparaient diverses choses à l’intérieur, et s’esquiva sans avoir été aperçu des habitants de Loumigny.