« De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/12 » : différence entre les versions

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Dernière version du 25 juillet 2021 à 20:36

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 152-155).


CHAPITRE XII.
De l’exercice de la patience, & de la mortification des passions.
Le Disciple.

E vois bien, Seigneur, que la patience m’est très-necessaire : car il arrive en ce monde beaucoup d’accidens fâcheux.

Et quelque chose que je fasse pour avoir la paix, jamais je ne serai sans guerre, ni sans douleur.

Le Maistre.

Mon fils, vous avez raison ; aussi ne prétends-je pas que vous recherchiez une paix, où il n’y ait à souffrir ni tentation ni persécution.

Je veux au contraire que vous croyez avoir trouvé la vraye paix, quand vous serez violemment tenté, & éprouvé par de rudes afflictions.

Si vous me dites que vous avez trop peu de forces pour souffrir beaucoup, pensez-vous en avoir assez pour supporter l’ardeur excessive des flâmes du Purgatoire ?

De deux maux, il ne faut point balancer à choisir le moindre.

Endurez donc patiemment les peines de cerre vie, afin d’éviter les supplices éternels, dont vous êtes menacé.

Croyez-vous que les gens du monde n’ayent rien, ou presque rien à souffrir ! cela ne se trouve point dans ceux-mêmes qui paroissent les plus heureux, & les plus ardens pour le plaisir.

Le Disciple.

Je l’avouë ; mais ils ont d’ailleurs assez dequoi contenrer leurs sens : ils font toûjours leur volonté propre, & ne sentent presque pas leurs peines.

Le Maistre.

Hé bien, je veux que rien ne leur manque, & qu’ils ayent tout ce qu’ils souhaitent : combien pensez-vous que leur joye doive durer ?

Sçachez que les riches si heureux & si contens en ce monde, s’évanouiront comme la fumée, qui se dissipe dans l’air, & qu’en un moment ils perdront le souvenir de leurs délices passez.

Ils ne joüissent même pas de ce faux bonheur durant leur vie, sans beaucoup de crainte, de chagrin, & de dégoût.

Car il arrive souvent que ce qui a servi à leur satisfaction, devient leur supplice. Aussi est-il juste que ceux qui recherchent des plaisirs honteux & criminels, n’en puissent joüir sans confusion, & sans amertume.

O que ces plaisirs sont courts ! qu’ils sont faux ! qu’ils sont brutaux & infames !

Mais les pecheurs aveuglez & comme enyvrez par la passion, n’y prennent point garde. On diroit qu’ils auroient perdu la raison : car il est étrange que pour un leger plaisir ils puissent abandonner leur ame à la mort, & à la mort éternelle.

Gardez-vous donc bien, mon fils, de vous laisser emporter à vos appetits, & de suivre vôtre propre volonté[1]. Réjouissez-vous dans le Seigneur, & il vous accordera tout ce que vous desirerez[2].

Voulez-vous goûter une véritable joye, & que je vous comble de saintes délices ? Sçachez que je ne verserai mes benedictions sur vous, qu’à proportion que vous mépriserez les biens de la terre, & que vous renoncerez aux plaisirs des sens.

Moins vous chercherez votre satisfaction dans les créatures, plus vous trouverez en moi de consolation & de douceur.

Mais d’abord vous aurez beaucoup à travailler, & il vous en coûtera bien des larmes. Il faudra que Vous vous fassiez violence, & que par une bonne habitude vous en corrigiez une mauvaise, d’autant plus forte, qu’elle est plus ancienne,

La chair se révoltera : mais vous l’assujettirez par la ferveur de l’esprit.

Le demon, ce vieux serpent, siflera à vos oreilles ; il s’efforcera de troubler la paix de votre ame ; mais par la priere vous le chasserez, & par une sainte occupation, vous lui fermerez votre cœur.

  1. Eccli. 18. 30.
  2. Psal. 36. 4.