« De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/07 » : différence entre les versions

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Dernière version du 25 juillet 2021 à 20:31

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 139-143).


CHAPITRE VII.
Qu’il faut cacher par humilité les dons l’on a reçus du Ciel.
Le Maistre.

MOn fils, le plus seur & le plus avantageux pour vous, est de cacher votre devotion, de ne vous en point glorifier, d’en parler peu, & d’en faire peu d’état, de vous mépriser vous-même, & de vous juger indigne des graces que le Ciel vous communique.

Il ne faut pas faire grand fonds sur des sentimens de pieté, qui passent vîte, & qui d’ordinaire sont suivis de sentimens tout contraires.

Dans le tems de la consolation, songez combien vous vous trouverez foible & lâche, quand cet heureux tems est passé.

Ce qui contribuë davantage au progrès dans la vertu, ce n’est pas d’avoir de grandes consolations spirituelles : c’est d’en souffrir la privation avec beaucoup d’humilité, de resignation, & de patience ; de sorte que sans aucun goût interieur, on persevere dans l’oraison, & on continuë à s’acquitter exactement de ses devoirs.

Faites donc toûjours de la maniere que vous jugerez la meilleure, tout ce qui dépendra de vous ; & dans quelque secheresse, dans quelque peine d’esprit que vous soyez, ne vous relâchez en rien.

Plusieurs voyant que les choses ne succedent pas à leur gré, s’impatientent & perdent courage.

L’homme n’est pas toujours maître des dispositions de son cœur[1]. Il n’y a que Dieu capable de le consoler & de le réjouir. Dieu fait goûter ses douceurs à qui il lui plaît, dans le tems, & de la façon qu’il lui plaît, & précisément autant qu’il lui plaît.

Quelques-uns se sont perdus pour s’être laissé emporter à une ferveur excessive. Ils ont voulu faire plus qu’ils ne pouvoient, ne mesurant pas leurs grands desseins à leur peu de forces, & suivant dans leur conduite, non pas la raison, mais le mouvement impétueux d’un zele indiscret.

Comme donc ils ont entrepris de plus grandes choses que Dieu ne vouloit ; la peine de leur présomption a été la perte de la grace qui les soutenoit.

Ainsi ceux qui prétendoient s’élever jusques au Ciel, sont tombez dans un abîme de misere, afin qu’étant humiliez, & se voyant dénuez de secours, ils n’osassent plus se hazarder à voler d’eux-mêmes, mais qu’ils se tinssent en sûreté sous mes aîles.

Ceux qui sont encore novices, & peu expérimentez dans les voyes de Dieu, sont sujets à s’égarer, s’ils ne suivent la conduite des plus anciens & des plus sages.

Que s’ils veulent se gouverner à leur fantaisie, & préferer leur sentiment à celui des plus habiles Directeurs, il est fort à craindre que leurs desseins ne tournent à leur confusion, à moins qu’ils ne reviennent enfin de leur entêtement, & qu’ils n’entendent raison.

Ceux qui pensent tout sçavoir, n’écoutent pas volontiers les autres.

Il vaut mieux n’être pas sçavant, & être humble, que d’avoir beaucoup de science, avec peu d’humilité.

La pauvreté qui vous humilie, est un plus grand bien que les richesses qui peuvent vous rendre orgueilleux.

On ne peut sans une imprudence extrême, s’abandonner tellement à la joye, qu’on oublie ses anciennes miseres, qu’on perde la crainte de Dieu, & que l’ayant une fois perduë, on le croye hors de danger de perdre la grace.

On fait voir aussi qu’on manque bien de vertu, lorsque dans l’adversité, & dans quelque affliction que ce soit, on n’a pas toute la confiance en moi, qu’on devroit avoir.

Celui qui dans le tems de la paix, fait paroître beaucoup d’assurance, est souvent celui qui pendant la guerre se montre le plus timide & le plus lâche.

Si vous aviez bien appris à ne pas vous en orguëillir, & que vous sçussiez donner des bornes à vôtre ambition, vous ne seriez pas dans le danger où vous êtes continuellement de faire de grandes fautes.

J’ai un bon conseil à vous donner ; c’est que dans l’excès de vôtre ferveur, vous prévoyez ce qui vous arrivera, lorsque l’Esprit-Saint vous retirera ses lumieres.

Consolez-vous cependant, lorsque vous serez dans les ténébres, sur ce que le jour peut revenir, & que s’il vous a manqué, je l’ai permis pour ma gloire, & pour vôtre bien.

Souvent cette épreuve vous est plus utile, que si tout vous réüssissoit, & qu’il ne vous arrivât rien de fâcheux.

Car le vrai mérite & la parfaite sainteté ne consiste pas à être favorisé de plusieurs visions, ou de grandes consolations, ni à bien entendre les Ecritures, ni à surpasser les autres en dignité & en puissance ; mais à avoir une humilité profonde, avec une ardente charité ; à chercher purement en tout la gloire de Dieu, à se mépriser véritablement soi-même, à aimer mieux être méprisé, qu’honoré du monde.

  1. Jer. 10. 23.