« De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/06 » : différence entre les versions

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Dernière version du 25 juillet 2021 à 20:30

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 135-139).


CHAPITRE VI.
De l’épreuve du vrai amour.
Le Maistre.

MOn fils, vôtre amour n’est encore ni genereux, ni prudent.

Le Disciple.

Hé pourquoi, Seigneur ?

Le Maistre.

Parce que la moindre difficulté vous étonne, & que vous êtes trop avide des délices spirituelles.

Celui, dont l’amour est ferme & constant, ne se laisse point ébranler par la tentation, ni séduire par les suggestions de l’Ennemi. Comme il me recherche dans la prospérité ; il ne m’abandonne point dans l’adversité.

Quiconque aime sagement, n’a pas tant d’égard à la qualité du don qu’il reçoit, qu’à l’affection de celui qui lui fait le don.

Il estime davantage son amitié que son bien, & préfere sa personne aux avantages qu’il en peut attendre.

Celui qui m’aime d’un amour noble & genereux, ne met pas sa joye dans les faveurs que je lui fais, mais dans moi, qui suis son souverain bien.

Ne croyez donc pas que tout soit perdu, s’il arrive qu’en certain tems vous n’ayez pas toute la dévotion que vous voudriez, soit pour moi, soit pour mes Saints.

Cette tendresse de dévotion, que vous sentez quelquefois, est un effet de ma grace répanduë dans votre cœur, & un avant-goût des plaisirs du Ciel : mais ce sentiment passe vîte, & il ne faut pas vous y appuyer beaucoup.

Ce qui marque une solide vertu, & qui est d’un grand mérite, c’est de combattre les inclinations de la nature corrompuë, & de ne point écouter les suggestions du demon.

Ne vous inquiettez donc point de certaines imaginations, qui vous viennent malgré vous, sur quelque sujet que ce soit.

Soyez constant dans vos bons desseins, & n’envisagez que Dieu dans toutes vos œuvres.

Si par un soudain transport vous en êtes ravi & tout absorbé en Dieu, & que peu de tems après vous vous trouviez dissipé, sec, indévot comme auparavant, cela ne vient pas toûjours du malin esprit.

Car ces pensées vaines, qui vous tourmentent, sont volontaires ; & tandis qu’elles vous deplaisent, & que vous y resistez, ce sont pour vous des sujets, non de châtiment, mais de récompense.

Sçachez que l’ancien serpent fait tout ce qu’il peut pour vous empêcher de mettre en execution vos bon desirs, de vacquer à vos exercices de pieté, d’honorer les Saints, de méditer ma Passion, de vous souvenir de vos pechez, de veiller à la garde de votre cœur, en un mot, de travailler, selon que vous vous l’êtes proposé à vôtre avancement spirituel.

Il vous suggére beaucoup de mauvaises pensées, pour vous donner du dégoût des choses de Dieu, & pour vous distraire de l’oraison & de la lecture.

Il ne peut souffrir que l’on s’approche avec douleur & avec humilité du Sacrement de la penitence ; & s’il pouvoir, il détourneroit tous les Fidèles de la sainte Communion.

Ne l’écoutez point ; ne le craignez point non plus ; quoi qu’il essaye par toutes sortes de moyens de vous attirer dans ses piéges.

Combattez-le par les propres armes, & lorsqu’il tâche de vous salir l’imagination, dites lui :

Va, esprit immonde, va malheureux : il faut que tu sois bien sale, puisque tu n’as pas de honte de me representer des choses si abominables.

Que fais-tu ici, esprit trompeur, pere du mensonge ? retire-toi : car tu ne remporteras sur moi aucun avantage.

Jesus, cet invincible guerrier, combat pour moi : quelques efforts que tu fasses, tu demeureras confus.

J’aime mieux mourir mille fois, & souffrir tous les plus cruels tourmens, que de consentir au peché.

Tais-toi, & ne dis plus mot[1] : car je ne t’écouterai plus, quand tu devrois me tenter plus violemment que jamais. Le Seigneur est ma lumiere & mon salut ; qui craindrai-je ?

Quand je verrois une armée toute prête à fondre sur moi, je ne tremblerois pas. Le Seigneur est mon défenseur & mon Sauveur[2].

Combattez comme un genereux soldat ; & si vous avez du desavantage en quelque rencontre, n’apprehendez point de retourner au combat : car je vous promets un nouveau secours plus puissant que le premier. Donnez-vous de garde sur tout de la vaine gloire.

Car ce vice est cause que plusieurs tombent dans l’illusion, & quelquefois même dans un aveuglement incurable.

Que la chûte de ces orgüeilleux, qui présument follement d’eux-mêmes, serve à vous rendre plus humble, plus vigilant, & plus retenu.

  1. Marc. 4.39.
  2. Psal. 26. 1. & 3.