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POLYBE, LIV. XXIV.

rendue selon les lois ; ceux-là, d’avoir corrompu les juges. Enfin, il se faisait des plaintes en si grand nombre, qu’il n’était pas possible de les retenir toutes, ni de les ranger dans un certain ordre. Le sénat lui-même ne pouvait pas approfondir et éclaircir tant de faits de différente nature, et il dispensa Démétrius de justifier le roi, son père, sur tout. Il aimait ce prince, qui était alors fort jeune, et nullement en état de répondre aux subtilités et aux chicanes dont se servaient les accusateurs. D’ailleurs Démétrius n’avait que des paroles pour défendre son père, et le sénat voulait connaître à fond les dispositions de Philippe. On se contenta donc de demander au jeune prince et à ses deux amis si le roi ne leur avait pas mis entre les mains quelque mémoire. Démétrius répondit qu’il en avait un, et en même temps produisit un petit livre, où on lui ordonna de lire toutes les réponses que Philippe avait faites en général à toutes les plaintes qu’on pourrait porter contre lui. Le roi disait dans ce livre, qu’il avait exécuté les ordres des Romains ; que si quelquefois il y avait manqué, l’on ne devait s’en prendre qu’à ses accusateurs. Presque sur chaque article, il répétait : « Quoique en cela Cécilius et les autres commissaires ne nous aient pas rendit la justice qu’ils nous devaient. » Et encore : « Quoiqu’en nous donnant ses ordres, on n’ait eu nul égard à la justice. » Ainsi finissaient presque toutes les réponses de Philippe. C’est pourquoi le sénat, après avoir entendu les accusations, satisfit en général à toutes, en disant, par le ministère du consul, que, sur ce qu’avait dit ou lu Démétrius, il était persuadé que Philippe ne s’était pas écarté, et ne s’écarterait pas dans la suite de ce que la justice demandait de lui ; mais qu’on ne lui faisait cette grâce qu’à la considération du prince, son fils ; et, afin qu’il n’en doutât point, qu’on enverrait en Macédoine des ambassadeurs, tant pour examiner s’il se conformait en tout à la volonté du sénat ; que pour lui faire connaître que c’était à Démétrius qu’il était redevable de l’indulgence dont on avait usé à son égard : réponse qui devait d’autant plus flatter le jeune prince, qu’elle était assaisonnée des marques les plus tendres et les plus sincères d’estime et d’amitié, et qu’on ne lui demandait, pour tant de déférences, sinon qu’il fût ami du peuple romain.

Cette affairé conclue, on donna audience aux ambassadeurs d’Eumène, lesquels se plaignirent que Philippe eût envoyé du secours à Prusias, et de ce qu’il n’avait point évacué les villes de la Thrace. Philoclès, qui avait été ambassadeur de la part de Philippe auprès de Prusias, et qui était venu à Rome pour ces deux affaires, par l’ordre du roi de la Macédoine, voulût dire quelque chose pour l’excuser ; mais le sénat, après l’avoir écouté quelque temps, répondit que si les députés, en arrivant dans la Macédoine, ne trouvaient pas ses ordres exécutés et toutes les villes de Thrace remises au roi de Pergame, il aurait raison de cette désobéissance, et ne souffrirait pas qu’on l’amusât plus long-temps par des promesses frivoles. Il paraît de là que si l’indignation des Romains n’éclata point alors contre Philippe, ils ne furent arrêtés que par la présence du prince son fils. Mais si cette ambassade lui fut avantageuse d’un côté, de l’autre elle ne contribua pas peu à la ruine entière de la maison de Macédoine. La grâce que le jeune Démétrius avait obtenue du sénat, lui enfla le cœur. Persée, son frère, et Philippe conçurent une jalou-