« Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/222 » : différence entre les versions

Zoé (discussion | contributions)
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
porter au contraire à une manière petite et faible. » Ce sont des argumens connus dans une discussion connue. Il en est un plus subtil, et plus profond, que fit valoir Louis Boulogne, dans sa conférence sur la ''Vierge au lapin'' ; c’est que « l’antique et les tableaux de maîtres se voient toujours dans la même attitude, au lieu que le naturel ne peut demeurer longtemps dans le même état, et change si souvent de disposition que, si l’on tombe dans une première faute, le moyen manquant de la corriger, elle en engendre invinciblement une longue suite. » Si de cette observation on rapproche l’observation de Gérard van Opstal, dans sa conférence sur le ''Laocoon'' : « que les fortes expressions ne se peuvent apprendre d’après le modèle, parce qu’on ne saurait le mettre en un état où toutes les passions agissent en lui et que, d’autre part, il est difficile de les copier sur les personnes mêmes en qui elles agiraient effectivement, à cause de la vitesse des mouvemens de l’âme ; » on a les deux principales raisons qui, dans tous les temps et dans tous les arts, soutiendront, contre les excès du naturalisme, les droits de la tradition et l’empire des maîtres. Les naturalistes furent d’abord battus. En 1721, détournant un mot de La Bruyère, Antoine Coypel pouvait dire encore « que Michel-Ange et Raphaël avaient peint les hommes meilleurs par la grandeur de leur goût et l’élévation de leurs idées ; que Titien les avait faits semblables ; et que les Flamands et les Hollandais les avaient faits plus méchans par la bassesse des sujets et leur petit goût de dessin. » Mais une évolution se préparait déjà. Coypel constate lui-même qu’il a vu, de son temps, mépriser d’abord « tout ce qui n’était pas Poussin, » puis les Bolonais succéder à Poussin dans l’estime des peintres, Rubens aux Bolonais, et Rembrandt à son tour à Rubens. S’il en faut croire une conférence d’Oudry, datée de 1749, ce serait dans l’atelier de Largillière qu’aurait commencé cette réhabilitation de l’école flamande et hollandaise : « M. de Largillière m’a dit une infinité de fois que c’était à l’école de Flandre, où il avait été élevé, qu’il était particulièrement redevable de ces belles maximes dont il savait faire un si heureux usage, et il m’a souvent témoigné le regret qu’il avait du peu de cas qu’il voyait faire à la nôtre des secours abondans qu’elle en pourrait tirer. » Et conséquent avec ses principes, Largillière ne-balançait pas à prêcher en toute occasion « l’imitation du naturel » sans jamais admettre que l’on en prétendît « corriger les défauts ou l’insipidité. » Tout ce qu’il concédait, c’est que, s’il eût eu lui-même a à travailler l’histoire, » il se fût procuré des figures de différens caractères, « un modèle plus fin, par exemple, pour faire une figure d’Apollon, un modèle plus fort et plus carré pour faire un Hercule, et ainsi du reste. »
porter au contraire à une manière petite et faible. » Ce sont des argumens connus dans une discussion connue. Il en est un plus subtil, et plus profond, que fit valoir Louis Boulogne, dans sa conférence sur la ''Vierge au lapin'' ; c’est que « l’antique et les tableaux de maîtres se voient toujours dans la même attitude, au lieu que le naturel ne peut demeurer longtemps dans le même état, et change si souvent de disposition que, si l’on tombe dans une première faute, le moyen manquant de la corriger, elle en engendre invinciblement une longue suite. » Si de cette observation on rapproche l’observation de Gérard van Opstal, dans sa conférence sur le ''Laocoon'' : « que les fortes expressions ne se peuvent apprendre d’après le modèle, parce qu’on ne saurait le mettre en un état où toutes les passions agissent en lui et que, d’autre part, il est difficile de les copier sur les personnes mêmes en qui elles agiraient effectivement, à cause de la vitesse des mouvemens de l’âme ; » on a les deux principales raisons qui, dans tous les temps et dans tous les arts, soutiendront, contre les excès du naturalisme, les droits de la tradition et l’empire des maîtres. Les naturalistes furent d’abord battus. En 1721, détournant un mot de La Bruyère, Antoine Coypel pouvait dire encore « que Michel-Ange et Raphaël avaient peint les hommes meilleurs par la grandeur de leur goût et l’élévation de leurs idées ; que Titien les avait faits semblables ; et que les Flamands et les Hollandais les avaient faits plus méchans par la bassesse des sujets et leur petit goût de dessin. » Mais une évolution se préparait déjà. Coypel constate lui-même qu’il a vu, de son temps, mépriser d’abord « tout ce qui n’était pas Poussin, » puis les Bolonais succéder à Poussin dans l’estime des peintres, Rubens aux Bolonais, et Rembrandt à son tour à Rubens. S’il en faut croire une conférence d’Oudry, datée de 1749, ce serait dans l’atelier de Largillière qu’aurait commencé cette réhabilitation de l’école flamande et hollandaise : « {{M.|de Largillière}} m’a dit une infinité de fois que c’était à l’école de Flandre, où il avait été élevé, qu’il était particulièrement redevable de ces belles maximes dont il savait faire un si heureux usage, et il m’a souvent témoigné le regret qu’il avait du peu de cas qu’il voyait faire à la nôtre des secours abondans qu’elle en pourrait tirer. » Et conséquent avec ses principes, Largillière ne balançait pas à prêcher en toute occasion « l’imitation du naturel » sans jamais admettre que l’on en prétendît « corriger les défauts ou l’insipidité. » Tout ce qu’il concédait, c’est que, s’il eût eu lui-même « à travailler l’histoire, » il se fût procuré des figures de différens caractères, « un modèle plus fin, par exemple, pour faire une figure d’Apollon, un modèle plus fort et plus carré pour faire un Hercule, et ainsi du reste. »


Le lecteur aura sans doute remarqué comme toutes ces controverses, encore aujourd’hui, sont actuelles, par la raison toute simple qu’aujourd’hui comme alors, les questions qui s’y agitent sont
Le lecteur aura sans doute remarqué comme toutes ces controverses, encore aujourd’hui, sont actuelles, par la raison toute simple qu’aujourd’hui comme alors, les questions qui s’y agitent sont éter-