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liure iv. chap. lviii.


recompense, il faict ce bien au monde qu’il luy inuente toutes arts, toutes machines, tous mestiers, tous engins et subtilitez. Mesmes es animans brutaulx il apprent arts desniees de nature. Les corbeaulx, les gays, les papeguays, les estourneaulx, il rend poetes : les pies il faict poetrides, et leur apprent languaige humain proferer, parler, chanter[1]. Et tout pour la trippe[2]. Les aigles, gerfaulx, faulcons, sacres, laniers, auiours, esparuiers, esmerillons, oyseaulx aguars, peregrins, essors[3], rapineux, sauluaiges, il domesticque et appriuoise, de telle façon que, les abandonnant en pleine liberté du ciel quand bon luy semble, tant hault qu’il vouldra, tant que luy plaist, les tient suspens, errans, volans, planans, le muguetans, luy faisans la court au dessus des nues ; puys soubdain les faict du ciel en terre fondre. Et tout pour la trippe. Les elephans, les lions, les rhinocerotes, les ours, les cheuaulx, les chiens il faict dancer, baller, voltiger, combattre, nager, soy cacher, aporter ce qu’il veult, prendre ce qu’il veult. Et tout pour la trippe. Les poissons, tant de mer comme d’eaue doulce, balaines et monstres marins, sortir il faict du bas abysme, les loups iecte hors des boys, les ours hors les rochiers, les regnardz hors les tesnieres, les serpens lance hors la terre. Et tout pour la trippe. Bref, est tant énorme, qu’en sa raige il mange tout, bestes et gens, comme feut veu entre les Vascons, lorsque Q. Metellus les assiegeoyt, par les guerres Sertorianes[4]; entre les Saguntins assiégez par Hannibal ; entre les Iuifz assiegez par les Romains ; six cens aultres. Et tout pour la trippe. Quand Penie sa regente se met en voye, la part qu’elle va, tous parlemens sont clouz, tous edictz mutz[5], toutes ordonnances vaines. A loy aulcune n’est subiecte, de toutes est exempte. Chascun la refuyt en tous endroictz, plus toust s’exposans es naufraiges de mer, plus toust eslisans par feu, par mons, par goulphres passer, que d’icelle estre apprehendez.

CHAPITRE LVIII. — Comment, en la court du maistre ingénieux, Pantagruel detesta les Engastrimythes et les Gastrolatres[6].

En la court de ce grand maistre ingenieux, Pantagruel apperceut deux manieres de gens, appariteurs importuns et par trop officieux, lesquelz il eut en grande abomination. Les ungs estoyent nommez Engastrimythes, les aultres Gastrolatres. Les Engastrimythes soy disoyent estre descenduz de l’anticque race d’Eurycles, et sur ce alleguoyent le tesmoignaige d’Aristophanes en la comédie intitulee les Tahons, ou Mousches guespes. Dont anciennement estoyent dictz Eurycliens, comme escript Plato, et Plutarche on liure de la cessation des Oracles. Es sainctz decretz 26. q. 3, sont appellez ventriloques : et ainsi les nomme en langue ionicque Hippocrates, lib. V Epid., comme parlans du ventre. Sophocles les appelle Sternomantes[7]. C’estoyent diuinateurs, enchanteurs et abuseurs de simple

  1. Voy. Perse, Prol. Satyr.
  2. Panse.
  3. Errans, voyageurs, vagabonds.
  4. Florus, 1. III, c. xxii, et Valère-Maxime, 1. VII, c. vi.
  5. Muets.
  6. Ventriloques et adorateurs du ventre. Ce sont surtout les moines.
  7. Qui devinent par le sternum ou la poitrine.