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mœurs, et au besoin la force des lois. Ce n’est pas assez dire en effet que d’attribuer à la société le pouvoir d’orienter insensiblement, — par les attractions inconscientes, par les petites pressions, par les sanctions diffuses, — les désirs individuels ; elle peut dans certains cas les heurter de front et les briser par la puissance publique organisée.

On comprend dès lors que dans le milieu humain, l’effort vers la vie doive revêtir, non seulement sous l’impulsion des tempéraments individuels, mais sous la pression des structures sociales, des formes très différentes de celles qu’il revêt dans le milieu naturel. Les mobiles auxquels obéit l’action humaine sont aussi nouveaux et aussi variés que les instruments dont elle dispose. Elle introduit dans le monde, en même temps que des moyens inédits, des fins originales. — En quel sens, par les unes et les autres, la lutte pour la vie va-t-elle être modifiée ?

II

Si la lutte pour la vie perfectionne les espèces animales, c’est, nous dit-on, parce qu’elle élimine impitoyablement les spécimens inférieurs, les plus faibles, les moins aptes ; elle les empêche ainsi de propager leur type, et d’abaisser le niveau de toute la race. Peut-on attendre un pareil effet de la lutte pour la vie clans les sociétés humaines ?

Nous savons que la nature livrée à elle-même est à la fois généreuse et cruelle, prodigue et avare. Elle sème les êtres à large main, pour les faucher ensuite par grandes masses[1]. Rapides ou lentes ces éliminations sont inévitables, s’il est vrai que les vivants, quand les éléments les épargneraient, seraient encore décimés par la pénurie des aliments. C’est la disproportion entre la quantité limitée des subsistances et

  1. V. plus haut, p. 33.