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fusion ou calcination par le feu primitif, et que les mines primordiales de ce métal servent pour ainsi dire de toit ou de couvert aux mines des autres métaux plus pesants.

L’étain s’allie par la fusion avec toutes les matières métalliques ; il gâte l’argent, et l’or surtout, en leur ôtant leur ductilité, et ce n’est qu’en le calcinant qu’on peut le séparer de ces deux métaux ; il diminue aussi la ductilité du cuivre, et rend ces métaux aigres, sonores et cassants ; il s’unit très bien au fer chauffé à un degré de chaleur médiocre ; et, lorsqu’on le mêle par la fusion avec le fer, il ne le rend pas sensiblement plus aigre. Les métaux les plus ductiles sont ceux dont l’étain détruit le plus facilement la ténacité ; il ne faut qu’une très petite dose d’étain pour altérer l’or et l’argent, tandis qu’il faut le mêler en assez grande quantité avec le cuivre et le plomb pour les rendre aigres et cassants : en fondant l’étain à partie égale avec le plomb, l’alliage est ce que les plombiers appellent de la soudure, et ils l’emploient en effet pour souder leurs ouvrages en plomb. Au reste, cet alliage mi-partie de plomb et d’étain ne laisse pas d’avoir un peu de ductilité.

L’étain mêlé par la fusion avec le bismuth, qui se fond encore plus aisément que ce métal, en devient plus solide, plus blanc et plus brillant ; et c’est probablement cet alliage de bismuth et d’étain que l’on connaît aux Indes sous le nom de tutunac.

Le régule d’antimoine donne à l’étain beaucoup de dureté, et le rend en même temps très cassant : il n’en faut qu’une partie sur trois cents d’étain pour lui donner de la rigidité, et l’on ne peut employer ce mélange que pour faire des cuillers, fourchettes et autres ouvrages qui ne vont point sur le feu.

L’alliage de l’étain avec le zinc est d’une pesanteur spécifique moindre que la somme du poids des deux, tandis que l’alliage du zinc avec tous les autres métaux est au contraire d’une pesanteur spécifique plus grande que celle des deux matières prises ensemble.

L’étain s’unit avec l’arsenic et avec le cobalt ; il devient par ces mélanges plus dur, plus sonore et plus cassant. MM. Bayen et Charlard assurent qu’il ne faut qu’une deux cent cinquante-sixième partie d’arsenic, fondue avec l’étain, pour le rendre aigre et hors d’état d’être employé par les ouvriers[1] : si l’on mêle une partie d’arsenic sur cinq d’étain pur, l’alliage est si fragile qu’on ne peut l’employer à aucun usage, et une partie sur quinze forme un alliage qui présente de grandes facettes assez semblables à celles du bismuth, et qui est plus friable que le zinc et moins fusible que l’étain.

Ainsi l’étain peut s’allier avec tous les métaux et les demi-métaux, et l’ordre de ses affinités est le fer, le cuivre, l’argent et l’or ; et, quoiqu’il se mêle très bien par la fusion avec le plomb, il a moins d’affinité avec ce métal qu’avec les quatre autres.

L’étain n’a aussi que peu d’affinité avec le mercure, cependant ils adhèrent ensemble dans l’étamage des glaces ; le mercure reste interposé entre la feuille d’étain et le verre ; il donne aux glaces la puissance de réfléchir la lumière avec autant de force que le métal le mieux poli : cependant il n’adhère au verre que par simple contact, et son union avec la feuille d’étain est assez superficielle ; ce n’est point un amalgame aussi parfait que celui de l’or ou de l’argent, et les boules de mercure[2] auxquelles on attribue la propriété de purifier l’eau sont moins un alliage ou un amalgame qu’un mélange simple et peu intime d’étain et de mercure.

L’étain s’unit au soufre par la fusion, et le composé qui résulte de cette mixtion est plus difficile à fondre que l’étain ou le soufre pris séparément.

  1. Recherches chimiques sur l’étain, p. 56.
  2. Trois parties de mercure ajoutées à douze parties d’étain de Malac, fondues dans une marmite de fer et coulées dans des moules sphériques, forment les boules de mercure, auxquelles on attribue la vertu de purifier l’eau et de faire périr les insectes qu’elle contient ; elles acquièrent, en se refroidissant, assez de solidité pour être transportées : lorsqu’on veut s’en servir, on les met dans un nouet que l’on suspend dans l’eau, et on la fait bouillir un instant. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 256 et 440.