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une retorte, ou dans un vaisseau clos pour subir l’action du feu, laisse échapper une petite quantité de matière blanche qui s’attache au col de la retorte, et qui n’est point du tout arsenicale ; ils ont trouvé que cet étain n’est pas allié de cuivre pur, mais de laiton ; car ils en ont tiré non seulement un sel à base de cuivre, mais un nitre à base de zinc : cette dernière remarque de MM. Bayen et Charlard s’accorde très bien avec l’observation de M. Jars, qui dit que, outre le plomb et le cuivre, les ouvriers mêlent quelquefois du zinc avec l’étain, et qu’ils préfèrent la limaille du laiton, qu’il n’en faut qu’une demi-livre sur trois cents pesant d’étain pour le dégraisser, c’est-à-dire pour le rendre facile à planer[1] ; mais je ne puis me persuader que cette poudre blanche, que l’étain laisse échapper, ne soit point du tout arsenicale, puisqu’elle s’est sublimée, et que ce n’est point une simple chaux ; et quand même ce ne serait qu’une chaux d’étain, elle contiendrait toujours de l’arsenic ; d’ailleurs, en traitant cet étain d’Angleterre avec l’eau régale, ou seulement avec l’acide marin, ces habiles chimistes ont trouvé qu’il contenait une petite quantité d’arsenic ; ceci paraît donc infirmer leur première assertion sur cette matière blanche qui s’attache au col de la retorte, et qu’ils disent n’être nullement arsenicale. Quoi qu’il en soit, on leur a obligation d’avoir recherché quelle pouvait être la quantité d’arsenic contenue dans l’étain dont nous faisons usage : ils sont assurés qu’il n’y en a tout au plus qu’un grain sur une once, et l’on peut, en suivant leurs procédés[2], connaître au juste la quantité d’arsenic que tout étain contient.

Les mines d’étain de Saxe, de Misnie, de Bohême et de Hongrie gisent, comme celles d’Angleterre, dans les montagnes à couches, et à une médiocre profondeur ; elles ne sont ni aussi riches ni aussi aussi étendues que celles de Cornouailles : l’étain qu’on en tire est néanmoins aussi bon, et même les Allemands prétendent qu’il est meilleur pour l’étamage ; on peut douter que cette prétention soit fondée, et le peu de commerce qui se fait de cet étain d’Allemagne prouve assez qu’il n’est pas supérieur à celui d’Angleterre.

Les cantons où se trouvent les meilleures mines de Saxe sont les montagnes de Masterberg vers Boles-schau : les veines sont à vingt-quatre toises de profondeur dans des rochers d’ardoise ; elles n’ont qu’une toise en largeur. Une de ces mines d’étain est couchée sur une mine très riche de cuivre, que l’on en sépare en la cassant ; une autre à Breytenbrun vers la ville de Georgenstadt, qui est fort riche en étain, et néanmoins mêlée d’une grande quantité de fer, que l’on en tire au moyen de l’aimant après l’avoir réduite en poudre : le canton de Furstemberg est entouré de mines d’étain, et dans le centre de cette même contrée, il y a des mines d’argent[3]. Les mines d’étain d’Eibenstok s’étendent dans une longueur de quelques lieues, et se fouillent à dix toises de profondeur ; elles sont mêlées de fer, et on y a quelquefois trouvé des paillettes d’or. Toute la montagne de Goyer est remplie de mines d’étain ; mais le roc qui les renferme est si dur qu’on est obligé de le faire calciner par le feu avant d’en tirer les blocs. On trouve aussi des mines d’étain à

  1. Mémoires de M. Jars ; Académie des sciences, année 1770.
  2. Le vrai moyen de bien connaître la portion de l’arsenic mêlé à l’étain est de faire dissoudre ce dernier métal dans l’acide marin très pur ; s’il ne reste rien lorsque la dissolution est faite, l’étain est sans arsenic ; s’il reste un peu de poudre noire, il faut la séparer avec soin, la laver, la faire sécher et en jeter sur des charbons ardents pour reconnaître si elle est arsenicale ou non. L’est-elle ? qu’on l’expose à un degré de feu capable d’opérer la sublimation de l’arsenic ; si elle s’exhale en entier, elle est de pur régule d’arsenic ; s’il reste un peu de poudre dans le test qu’on emploie à l’opération, qu’on la pèse s’il est possible, ou qu’on l’évalue, et on saura ce qu’une quantité donnée d’étain quelconque contient réellement d’arsenic sous forme réguline… On dit sous forme réguline, parce qu’en effet la chaux d’arsenic ne peut se combiner avec l’étain, tandis qu’au contraire son régule s’y unit avec la plus grande facilité. Recherches sur l’étain, par MM. Bayen et Charlard, p. 118 et suiv.
  3. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. II, p. 585.