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sont détruits en masse avant de devenir des concurrents sérieux. D’autre part, la quantité de subsistance est moins strictement limitée que l’admet la théorie : car les êtres ont le plus souvent la faculté d’élargir, en se déplaçant, leur terrain de quête ou de pâture[1]. L’émigration sert ainsi de palliatif et comme de dérivatif à la concurrence. C’est même, suivant Moritz Wagner[2], par cette mobilité, source de variations nouvelles et de « ségrégations » définitives, c’est par la diversité et la distance des milieux où elle localise les branches d’une même espèce que leur différenciation s’expliquerait, bien plutôt que par l’action directe de la lutte[2]. On a constaté qu’aux centres de rassemblement d’une espèce, là où elle est le plus dense, et où par suite le plus grand nombre de semblables doivent se trouver en compétition, se montrent rarement les divergences qu’escompte la théorie darwinienne. Il semble donc bien que la lutte entre semblables pour les subsistances soit moins efficace et moins nécessaire que le pensait Darwin.

Au surplus, il est aisé de prouver que les semblables prennent vis-à-vis les uns des autres plus d’une attitude et que diverses formes d’association peuvent les relier, propres à atténuer les effets de leur concurrence. La faim et l’amour, disait Schiller, sont les deux forces motrices du monde. Mais il faut ajouter qu’elles ne poussent pas les êtres dans la même direction ; si la faim les sépare, l’amour les rapproche[3]. Et souvent le rapprochement qu’il détermine survit à l’acte même qui est nécessaire à la reproduction de l’espèce : une association se greffe sur l’accouplement. Nous avons vu, en passant en revue les modes de la sélection sexuelle, que l’union des sexes, loin d’être purement

  1. Kropotkine, op. cit., p. 63-73.
  2. a et b La Formation des espèces par la ségrégation.
  3. C’est la pensée que commenta Kessler, dans une communication faite au Congrès des naturalistes russes (1880) et qui suggéra les recherches de Kropotkine.