« Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/320 » : différence entre les versions

Aucun résumé des modifications
 
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
le moyen âge et la Renaissance, pour s’affubler enfin et s’attifer des parades modernes. L’âge byzantin lui-même y a laissé sa marque dans les mosaïques de la grande nef et de l’abside, dans ses christs et dans ses vierges vides de sang el de vie, spectres aux grands yeux fixes, immobiles sur les fonds d’or et les parois rouges, fantômes d’un art épuisé et d’un monde évanoui.
le moyen âge et la Renaissance, pour s’affubler enfin et s’attifer des parades modernes. L’âge byzantin lui-même y a laissé sa marque dans les mosaïques de la grande nef et de l’abside, dans ses christs et dans ses vierges vides de sang et de vie, spectres aux grands yeux fixes, immobiles sur les fonds d’or et les parois rouges, fantômes d’un art épuisé et d’un monde évanoui.


Voici tout près de là Saint-Jean-de-Latran, encore plus gâté ; le plafond est demeuré horizontal, mais les colonnes antiques ont disparu pour faire place à des pilastres plaqués et à des arcades. Le Bernin y a mis douze statues colossales des apôtres, grands gaillards de marbre blanc, chacun dans une niche de marbre vert, et qui se démènent avec des poses de matamores et de modèles. L’agitation de leurs draperies, leur geste voulu, semblent dire au public : « Regardez comme nous sommes remarquables ! » C’est ici le malheureux goût du dix-septième siècle, ni païen, ni chrétien, ou plutôt l’un el l’autre, et chacun des deux gâtant l’autre. Joignez-y les dorures du plafond, les festons et les rosaces du parvis, les agréables chapelles ; l’une, celle des Torlonia, toute neuve, est un charmant boudoir de marbre pour prendre le frais ; elle est blanche, brodée d’or sons une jolie coupole bosselée de caissons, parée d’élégantes statues bien propres, bien sentimentales, bien fades, bien semblables à des poupées de modes. Tout à côté s’ouvre la chapelle de Clément {{rom-maj|XII}}, plus ample et plus somptueuse ; là du moins les figures de femmes ont de l’esprit, de la réflexion, de la finesse ; ce sont des dames du dix-huitième siècle sachant leur monde, capables de garder leur rang, et non des {{tiret|bour|geoises}}
Voici tout près de là Saint-Jean-de-Latran, encore plus gâté ; le plafond est demeuré horizontal, mais les colonnes antiques ont disparu pour faire place à des pilastres plaqués et à des arcades. Le Bernin y a mis douze statues colossales des apôtres, grands gaillards de marbre blanc, chacun dans une niche de marbre vert, et qui se démènent avec des poses de matamores et de modèles. L’agitation de leurs draperies, leur geste voulu, semblent dire au public : « Regardez comme nous sommes remarquables ! » C’est ici le malheureux goût du dix-septième siècle, ni païen, ni chrétien, ou plutôt l’un et l’autre, et chacun des deux gâtant l’autre. Joignez-y les dorures du plafond, les festons et les rosaces du parvis, les agréables chapelles ; l’une, celle des Torlonia, toute neuve, est un charmant boudoir de marbre pour prendre le frais ; elle est blanche, brodée d’or sons une jolie coupole bosselée de caissons, parée d’élégantes statues bien propres, bien sentimentales, bien fades, bien semblables à des poupées de modes. Tout à côté s’ouvre la chapelle de Clément {{rom-maj|XII}}, plus ample et plus somptueuse ; là du moins les figures de femmes ont de l’esprit, de la réflexion, de la finesse ; ce sont des dames du dix-huitième siècle sachant leur monde, capables de garder leur rang, et non des {{tiret|bour|geoises}}